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Perspectives favorables malgré l’incertitude budgétaire

17/01/2021
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Le soutien budgétaire et la bonne résistance des exportations ont permis de limiter la récession économique en 2020. La reprise devrait être soutenue en 2021, notamment grâce à une campagne de vaccination accélérée contre le coronavirus. Le shekel s’est renforcé avec la hausse de l’excédent courant et des entrées massives de capitaux. La situation des finances publiques est plus incertaine. En plus de la dégradation structurelle observée ces dernières années, l’absence de loi budgétaire dans un contexte d’instabilité gouvernementale récurrente n’est pas favorable à une consolidation. Si de solides indicateurs de solvabilité permettent d’écarter tout risque à court terme, l’absence de réformes pourrait peser sur le potentiel de croissance à moyen et long terme.

Rebond attendu avec la campagne de vaccination

PRÉVISIONS

L’activité économique a relativement bien résisté en 2020 et le repli du produit intérieur brut devrait atteindre environ 3,7% selon les dernières estimations de la Banque centrale d’Israël (BoI). Après un repli du PIB de 1,1% en glissement annuel (g.a.) au T3, un second confinement a fait rechuter l’activité au cours du dernier trimestre de 2020.

Sur l’ensemble de l’année, avec la baisse de la consommation des ménages et de l’investissement, ce sont les dépenses publiques et la contribution positive du commerce extérieur qui ont permis de limiter la récession économique. Tandis que les importations se contractaient de 15% (g.a.) au cours du troisième trimestre, les exportations se redressaient de 6%. Les bonnes performances à l’exportation en 2020 sont notamment dues à la compétitivité des exportations de services de hautes technologies et au démarrage des exportations de gaz vers l’Égypte et la Jordanie.

La situation de l’emploi s’est dégradée en 2020, notamment durant les périodes de confinement. Les services statistiques israéliens ont calculé un taux de chômage au sens large afin de mieux prendre en compte les particularités de cette période. Cette définition ajoute à la définition standard du chômage les populations « sans emploi de manière temporaire » en raison des fermetures temporaires d’activités et celles sorties du marché de l’emploi en raison de la pandémie. Par rapport à un niveau inférieur à 4% avant le déclenchement de la pandémie, le taux de chômage au sens large a atteint un plus haut de 37% lors du premier confinement en avril. Selon la BoI, il devrait atteindre 16% en moyenne au quatrième trimestre de 2020.

ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE (%, G.A.)

Le rebond de l’activité attendu en 2021 est étroitement dépendant de la rapidité et de l’efficacité de la campagne de vaccination contre le coronavirus. Depuis le début de l’année le pays connait la plus forte progression de population vaccinée parmi les pays de l’OCDE. Actuellement environ 20% de la population aurait reçu une première dose de vaccin, et l’objectif du gouvernement est d’atteindre la totalité de la population âgée de plus de 16 ans d’ici fin janvier. Néanmoins, il convient de rester prudent sur le calendrier de la reprise économique.

En effet, l’accélération de la seconde vague de contaminations en décembre a obligé le gouvernement à imposer de nouvelles mesures de confinement, depuis le 6 janvier, pour une durée de deux semaines au moins.

Selon le scénario optimiste de la BoI, avec une campagne de vaccination se terminant au deuxième trimestre et autorisant une levée progressive de l’ensemble des mesures de restriction sur l’activité, la croissance du PIB pourrait atteindre 6,3% en 2021. Ce scénario tient compte des incertitudes pesant sur la reprise au niveau mondial. Les exportations israéliennes représentent environ un tiers du PIB et dépendent principalement des marchés américain et européen.

La prévision de croissance de la BoI pour les pays avancés (3,4%) reste prudente. Au total, sous réserve de l’efficacité de la campagne de vaccination, c’est ce scénario favorable qui paraît le plus probable actuellement.

Dans un contexte de fort repli de la consommation des ménages, de baisse des prix du pétrole et d’appréciation du shekel, l’inflation des prix à la consommation a été négative durant l’année 2020 (estimée à -0,6%).

Des excédents extérieurs records soutiennent le shekel

L’excédent surplus courant pourrait atteindre un niveau record en 2020 (de 4,2% du PIB contre 3,5% en 2019). D’une part, les importations ont chuté. D’autre part, la part croissante des exportations de services du secteur des hautes technologies dans les exportations totales de biens et services rend ces dernières relativement moins sensibles à la conjoncture internationale.

Sur les trois premiers trimestres de 2020, le volume des exportations de biens et services a progressé de 0,3% en moyenne, tandis que celui des importations a baissé de 10,5%. Parallèlement, les flux de capitaux ont été très importants en 2020. Pendant les trois premiers trimestres, les flux d’investissements directs étrangers ont atteint USD?19,4?mds (+56% par rapport à la même période en 2019) et les flux de portefeuille se sont élevés à USD 17 mds (-USD?1,1?md par rapport à la même période en 2019) grâce à l’émission d’eurobonds par le gouvernement.

L’ensemble de ces éléments contribue au gonflement des excédents de la balance des paiements et à l’appréciation du shekel par rapport au dollar. Cette tendance s’est trouvée renforcée par la faiblesse du dollar sur les marchés internationaux et par la hausse des marchés internationaux d’actifs, autant de facteurs traditionnellement associés à l’appréciation de la monnaie israélienne. La BoI a continué ses achats de devises en 2020 (USD 21 mds) afin de limiter l’appréciation du shekel. Elle a annoncé sa volonté d’accroître ses interventions en 2021 (USD 30 mds prévus). Cela devrait contenir l’appréciation du shekel dans un contexte de reprise économique associé à une réduction de l’excédent courant.

Quelles perspectives budgétaires dans un contexte politique incertain?

Sans surprise, le déficit budgétaire devrait être important en 2020 en raison du repli des recettes fiscales (-9,6% durant onze mois en 2020) et surtout de la hausse des dépenses (+20% durant onze mois en 2020). Les mesures budgétaires exceptionnelles de soutien à l’économie ont été équivalentes à environ 7% du PIB selon le FMI. Le déficit budgétaire devrait atteindre environ 12% du PIB en 2020. En 2021, malgré le retour de la croissance, la réduction du déficit budgétaire devrait être modérée. En effet, les mesures de soutien à l’économie devront vraisemblablement en partie se prolonger. Concernant les recettes, le maintien de restrictions pèsera sur les recettes de TVA (21% des recettes du gouvernement). Au total nous anticipons un déficit budgétaire de 7,5% du PIB en 2021.

L’absence de loi budgétaire depuis 2019, en raison de la volatilité politique, est un facteur d’incertitude concernant la trajectoire future des finances publiques. Le gouvernement fonctionne à partir d’un budget établi il y a deux ans et reconduit de mois en mois. Cependant, ce budget de base a été augmenté en 2020 afin de l’adapter au contexte économique de 2021.

SOLDE BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT (ILS MILLIARDS)

À court terme, nous estimons que les conséquences de l’absence de loi budgétaire restent maîtrisables et que la détérioration des ratios de déficit et de dette publique n’implique pas la dégradation du risque souverain. L’orientation politique reste favorable à la maîtrise des déficits budgétaires, notamment par la mise en place d’un mécanisme de contrôle des dépenses qui lie tout nouvel engagement à une source identifiée de revenu.

Néanmoins, le déficit budgétaire structurel tel que calculé par le FMI est en hausse régulière depuis 2015. Il a atteint 4,1% du PIB en 2019 contre 0,7% du PIB en 2015, notamment en raison d’une hausse des dépenses sociales et d’investissement.

Il est difficile, pour le moment, de prévoir la trajectoire des dépenses publiques dans les prochaines années. Même si le gouvernement parvient à maîtriser la propagation de la pandémie à court terme, ses conséquences économiques seront durables et nécessiteront le maintien d’une forme de soutien budgétaire.

La situation budgétaire bénéficie d’éléments de soutien importants qui devraient permettre de contenir une éventuelle hausse du coût de financement. À court terme, la BoI devrait poursuivre sa politique d’achat de titres publics et privés. En novembre 2020, la BoI détenait 7% des bons du Trésor négociables émis par le gouvernement (0,4% fin 2019). Les conséquences sur la masse monétaire sont négligeables (0,7% de la masse monétaire élargie). Cela devrait contribuer à contenir une éventuelle pression à la hausse sur les taux à l’émission.

Par ailleurs, si la dynamique de la dette en 2020 n’est pas favorable (de 60% du PIB en 2019 à 75% en 2020), sa structure reste un élément de solidité des finances publiques. La maturité moyenne du stock de dette était de 8,2 ans en 2019 (6,8 en 2008). Le service de la dette a décru de 10,7% des revenus budgétaires totaux en 2010 à 5,6% en 2019. La majorité du financement budgétaire dépend du marché local. À fin 2019, environ 85% de la dette du gouvernement était local, dont 31% hors marché. Concernant la partie négociable de la dette locale, les fonds de placement et de retraite israéliens en sont des détenteurs significatifs (43% du total des titres).

Les conséquences de la volatilité politique sur les finances publiques pourraient être plus significatives à moyen et long terme. En effet, pour accroître le potentiel de croissance, un certain nombre de réformes structurelles sont nécessaires afin d’améliorer la productivité de l’ensemble de l’économie et de réduire les inégalités. Ces réformes sont coûteuses et nécessitent certaines décisions difficiles, notamment en matière budgétaire. Pour le moment, le manque de stabilité politique limite la possibilité de mettre en place de telles réformes.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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