Le pays a connu une vague de contaminations à la Covid-19 plus sévère au 4e trimestre 2020 qu’au 2e. A contrario, la croissance du PIB a été nettement moins affectée, la production comme la demande (exportations et consommation des ménages) ayant bien résisté. La politique de relance des autorités, ainsi qu’une industrie dont la compétitivité a été peu touchée par la pandémie, ont soutenu l’activité, tandis que l’excédent extérieur s’est fortement accru. Dans ce contexte, la faiblesse relative du zloty provient davantage d’une stratégie visant à soutenir la croissance que de fondamentaux dégradés. L’accord sur le budget européen fera de la Pologne l’un des principaux bénéficiaires du plan de relance, ce qui devrait constituer un soutien additionnel à la croissance.
Une 2e vague de contaminations plus forte
La courbe des infections à la Covid-19 et celle des décès se sont brutalement dégradées en octobre, avec près de 25000 infections par jour, ce qui a conduit les autorités polonaises à décider d’un nouveau confinement dès novembre dernier.
Toutefois, ce confinement, qui a principalement affecté les commerces, n’a pas empêché la production manufacturière de poursuivre sa croissance au mois de novembre (5,1% en g.a.), désormais supérieure de 3% à son niveau d’avant-Covid-19. Cette performance a été principalement tirée par la production automobile et celle de l’ensemble des secteurs sous-traitants (plastiques, métaux, équipements électriques).
La dichotomie entre des services en sous-activité et une industrie en croissance devrait persister. En effet, la circulation du virus reste active et de nouvelles restrictions (la fermeture des écoles pour un mois notamment) ont été mises en œuvre en janvier 2021. De plus, la stratégie vaccinale se fera par étapes (les professions médicales seront les premières à en bénéficier) et n’augure pas d’une immunité collective avant, au mieux, la mi-2022 selon le calendrier établi, laissant anticiper une sous-activité des secteurs les plus exposés dans les prochains trimestres.
Une surperformance de la croissance au 4e trimestre
Les indicateurs conjoncturels se sont révélés plutôt résilients. En termes de demande, les exportations semblent avoir été le premier soutien à la croissance au 4e trimestre (+9% en g.a. en septembre et en octobre), notamment grâce à la filière automobile. C’est une performance remarquable, puisque les exportations mondiales de marchandises hors Chine stagnaient dans le même temps.
Cette bonne tenue s’explique notamment par l’attractivité de la Pologne pour les investisseurs étrangers ces dernières années, tant pour son potentiel à exporter que pour la taille de son marché domestique.
En conséquence, l’excédent courant a largement augmenté (4% du PIB en 2020). Le pays a traversé l’année 2020 sans à-coup particulier sur les flux de capitaux (avec même un maintien relatif des investissements directs étrangers) et a pu consolider ses réserves de change, facilitant la mise en œuvre d’une politique monétaire très accommodante.
La consommation des ménages se révèle très résiliente. Elle s’est stabilisée en octobre et novembre à un niveau proche de celui de septembre, malgré la fermeture de certains commerces. La Pologne devrait être l’un des rares pays à avoir connu au 4e trimestre 2020 un niveau de consommation supérieur à l’avant-Covid. L’enquête de la Commission européenne sur l’opportunité de réaliser des achats importants montre d’ailleurs que les ménages polonais ont l’intention de dépenser davantage que ceux de la plupart des autres pays de l’UE.
La relative bonne tenue du marché du travail est un soutien majeur à la demande des ménages, avec un taux de chômage qui est resté contenu (6,1%, contre 5,4% avant Covid) et une progression des salaires. Les coûts salariaux unitaires ont par conséquent affiché une forte hausse au 2e trimestre (+10% en g.a.) qui s’est depuis atténuée mais reste significative (+5,4% au 3e trimestre). Les coûts des transports et de la logistique ont par la suite augmenté du fait de la pandémie. Le niveau record de l’indice correspondant au prix des intrants dans le PMI manufacturier de décembre témoigne de fortes tensions sur les coûts. Le cours relativement bas du pétrole depuis mars dernier les compense en partie.
Le policy mix peut et devrait rester accommodant
La Pologne est entrée dans la crise de la Covid-19 avec un niveau de dette publique modéré (46% du PIB en 2019). Celui-ci permettra de maintenir un effort de soutien à l’économie à court terme, qui devrait toutefois être moindre que ce qui a été mis en œuvre au printemps 2020. La différence s’explique par des conséquences plus modestes de la vague épidémique sur l’activité à l’automne 2020 qu’au printemps (notamment grâce aux usines restées ouvertes). Le premier plan de soutien à l’économie avait compris des mesures strictement budgétaires, équivalentes à 4,5 points de PIB, et un cumul de près de 7 points de prêts subventionnés ou garantis octroyés par le fonds de développement polonais, ainsi que par la banque publique BGK. Tout cela a porté la dette publique à 58% du PIB en 2020.
Les mesures complémentaires mises en œuvre à partir de décembre totalisent un montant proche de 1,5% du PIB et se limitent aux secteurs les plus affectés par le confinement, comme par exemple le transport. Il s’agit d’exemptions de charges, de prêts subventionnés et de compensations liés à la sous-activité (chômage partiel, aides aux ménages ayant perdu leur emploi). Ce coût plus limité pour les finances publiques, ainsi qu’une croissance nominale du PIB positive devraient permettre de contenir l’augmentation de la dette publique à 60% du PIB en 2021.
De plus, la mise en œuvre du plan de relance européen promet le décaissement de près de EUR 19 mds sur 2021-2022 (dans la partie subventions), selon l’hypothèse retenue par la Commission européenne. La clause dite de « rule of law » n’est pas applicable tant que la Cour de justice européenne (CJE) n’a pas statué sur un recours de la Hongrie et de la Pologne. Compte tenu des délais de traitement habituels de la Cour, cela ne devrait pas perturber les premiers décaissements.
La banque centrale (NBP) ne prévoit pas de nouveau programme d’achat de dette publique. Le premier a permis d’acquérir l’équivalent de 4,7% du PIB (soit plus de 15% de l’actif de la banque centrale), et de diminuer le taux à 10 ans de plus de 2% avant la crise sanitaire à 1,25% début 2021.
En parallèle, la banque centrale n’a plus touché à ses taux directeurs depuis les assouplissements du printemps 2020 (qui ont conduit le taux principal à 0,1%). Toutefois, un biais à l’assouplissement persiste, avec un objectif implicite de maintenir le zloty au niveau relativement bas atteint actuellement (4,6 PLN par EUR), nonobstant l’ampleur de l’excédent courant qui aurait pu justifier une appréciation.
Le risque de crédit reste contenu, mais devrait croître de façon maîtrisable
La croissance du crédit bancaire au secteur privé non financier a largement diminué depuis le début de la pandémie de Covid-19. Ces crédits représentent 50,7% du PIB. La croissance des prêts délivrés au secteur privé (pour près de 7 points de PIB) provient d’institutions financières étatiques (fonds de développement polonais, BGK) et n’a donc pas aggravé l’exposition du secteur bancaire.
Un premier moratoire de 6 mois sur les remboursements des prêts aux banques a été mis en œuvre à partir de mars 2020 et a pris fin en septembre. À la fin du 1er semestre, 12,3% des prêts aux entreprises et 8,4% aux ménages étaient éligibles selon la NBP, cette éligibilité dépendant d’un examen au cas par cas par les banques. Ces proportions ont nettement baissé par la suite, notamment pour les ménages, dont la crainte d’une recrudescence du chômage a fortement baissé. Un nouveau moratoire a été introduit mi-décembre 2020, mais il ne concerne que les entreprises. Il est limité à 3 mois pour les entreprises ayant déjà bénéficié du premier moratoire, à 6 mois pour les autres.
Par nature, la part des prêts remboursés avec retard n’a pas évolué (5,7% des prêts remboursés avec un retard supérieur à 30 jours), malgré des difficultés plus fortes dans les secteurs les plus pénalisés par la pandémie. La hausse du risque de crédit s’est matérialisée au travers de l’accroissement de la part des prêts sous observation (de 8 à 13% pour les prêts aux entreprises), pour lesquels un provisionnement est nécessaire, ce qui affecte mécaniquement la rentabilité des banques. Le ROA (return on assets) a ainsi diminué de 0,7% fin 2019 à 0,45% à la fin du premier semestre 2020. Le sujet de la restructuration des prêts anciennement accordés en francs suisses (CHF) aux ménages a également contribué à cette baisse de la rentabilité. En effet, la CJE a statué en faveur d’une annulation, ce qui a conduit les banques à provisionner à hauteur de 15% de leur profit annuel.
Nonobstant ces éléments, les banques restent bien capitalisées (le ratio CET1 est à 16,9%) et devraient pouvoir faire face au risque de hausse du ratio de créances douteuses (qui reste contenu à 3,8% pour le moment).