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Poursuite de l’amélioration budgétaire

15/04/2021
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L’économie égyptienne a bien résisté l’an dernier. L’activité est restée positive grâce au soutien budgétaire, et les principaux soldes macroéconomiques ne se sont pas dégradés significativement grâce, en partie, au soutien international. Les bons résultats des finances publiques sont notables et devraient maintenir l’attractivité de la dette égyptienne. Néanmoins, il convient de rester prudent. D’une part, le rythme de vaccination est faible dans un contexte de pandémie toujours active ; d’autre part, la vulnérabilité des comptes extérieurs est élevée, tandis que l’amélioration du solde extérieur énergétique, observée en 2020, pourrait ne pas se poursuivre à court terme

Résistance de l’activité économique

PRÉVISIONS

Depuis un an, les conséquences de la pandémie sur l’économie ont été contenues et les mesures restrictives ont été relativement limitées. Selon les données officielles, le taux de mortalité dû au covid est assez bas par rapport au reste la région, mais le pays connaît actuellement une seconde vague de contamination, plus longue que la précédente, et qui semble plus difficile à infléchir.

Pour le moment, la campagne de vaccination reste assez limitée. Environ 2 millions de doses de vaccin ont été réceptionnées (don de la Chine et programme Covax) pour un total de 8 millions attendu d’ici fin mai. Cela reste faible en regard de la population totale (100 millions, dont environ la moitié a plus de 24 ans).

Par ailleurs, l’Égypte devrait être en mesure de fabriquer un vaccin dans les mois à venir. Dans ce contexte, la situation sanitaire reste un élément d’incertitude significatif qui pourrait continuer de peser sur l’économie égyptienne.

Au cours des trois premiers trimestres de 2020, la croissance du PIB réel a été positive (+1,3% en moyenne en g.a.) grâce principalement à la consommation intérieure qui a bénéficié du soutien des dépenses publiques. D’un point de vue sectoriel, les principaux éléments de soutien à l’activité ont été sans surprise les secteurs de la construction, de l’immobilier et du commerce de détail. Ces secteurs bénéficient, d’une part, de la poursuite des grands chantiers d’infrastructure et d’urbanisme et, d’autre part, de la redistribution de pouvoir d’achat aux ménages par le gouvernement. Ces mêmes déterminants devraient permettre à la croissance de rester positive sur l’ensemble de l’année budgétaire 2020/21 (3,1%), bien qu’en retrait par rapport à 2019/20 (3,8%), en raison notamment de la chute de la fréquentation touristique.

Pour l’année 2021/22, bien que l’incertitude soit forte, nous anticipons un rebond significatif de l’activité (5,3%). En plus des traditionnels supports que sont le secteur de la construction et la consommation des ménages, trois facteurs devraient soutenir ce scénario : 1/ un projet de budget favorable à la demande intérieure, tout en mettant l’accent sur les dépenses structurelles?; 2/ la reprise de la production de gaz grâce au retour de la croissance en Asie, qui devrait soutenir les prix du gaz naturel liquéfié (GNL)?; 3/ une reprise très graduelle de la fréquentation touristique.

L’amélioration graduelle des finances publiques devrait se poursuivre

La situation des finances continue de s’améliorer même si le coût de la dette reste une contrainte budgétaire majeure. Dans un environnement économique défavorable, le déficit budgétaire est resté quasi-stable en 2019/20 (8% du PIB). Depuis un an, la politique budgétaire a pour priorité le soutien au pouvoir d’achat des ménages, notamment des fonctionnaires et des catégories de la population les plus défavorisées, et la hausse des dépenses de santé. Par ailleurs, le service de la dette amorce une légère baisse, conséquence du cycle de baisse des taux d’intérêt initié en 2018/19. Après un plus haut de 11,4% en 2019, le taux d’intérêt apparent de la dette totale du gouvernement central était de 10,9% en 2019/20.

SOLDE BUDGETAIRE DU GOUVERNEMENT (% DU PIB)

D’une manière générale, la hausse des recettes devrait permettre la poursuite de l’amélioration des finances publiques en 2020/21 malgré les mesures de soutien à l’économie. Au cours de la première moitié de 2020/21, les performances budgétaires ont été en amélioration avec une hausse des recettes de plus de 16% par rapport à la même période de l’année précédente (grâce notamment à une taxe exceptionnelle sur les salaires les plus élevés), tandis que les dépenses n’augmentaient que de 9,6%. Cette tendance s’est poursuivie durant T3 2020/21 selon le ministre des Finances. Par conséquent, en 2020/21 le gouvernement devrait à nouveau dégager un excédent primaire (équivalant à environ 1,6% du PIB) et le déficit budgétaire se réduire à 7,2% du PIB.

Néanmoins, même si le service de la dette se réduit en valeur, il reste très élevé en pourcentage des revenus du gouvernement (48% en 2019/20), ce qui limite fortement les marges de manœuvre budgétaires. Si ce ratio devrait poursuivre sa baisse (42% prévu en 2021/22), il restera élevé à moyen terme. En effet, le rythme de baisse des taux d’intérêt devrait ralentir, tandis que la proportion de financement de nature concessionnel provenant du FMI devrait se réduire à partir de 2021/22. Du côté des revenus, leur progression devrait rester modérée à moyen terme. Selon le FMI, ils atteindraient 22% du PIB en 2024/25 (19% en 2018/19). Au total le service de la dette devrait encore représenter environ un tiers des revenus totaux à moyen terme.

Le budget pour l’année 2021/22 est actuellement en cours d’examen à l’assemblée nationale. L’objectif budgétaire du gouvernement (un déficit équivalant à 6,6% du PIB) est étroitement dépendant de la reprise de l’activité économique, et souffre pour le moment de l’absence de nouvelles recettes clairement identifiées. Deux éléments pourraient empêcher la réduction espérée du déficit : la hausse de l’ensemble des salaires de la fonction publique et la fin de la taxe exceptionnelle sur les salaires. Nous tablons sur un déficit équivalant à 7% du PIB en 2021/22.

La dette du gouvernement va rester élevée à moyen terme étant donné la persistance du déficit budgétaire et des taux d’intérêt réels devenus positifs depuis 2020. Elle devrait atteindre un maximum de 94% du PIB à la fin de l’année budgétaire en cours avant de graduellement se réduire à 89% du PIB d’ici 2023/24.

Persistance de la vulnérabilité extérieure

Si les finances publiques ont continué de s’améliorer malgré un environnement économique difficile, la situation des comptes externes reste un facteur de vulnérabilité. En effet, en 2020, l’effondrement du tourisme et une volatilité accrue sur le marché international des capitaux de court terme ont pesé sur la liquidité en devises du pays. Ce sont le soutien financier international, le niveau élevé des transferts des Égyptiens à l’étranger et la baisse des importations qui ont permis la stabilité de la position extérieure en devises du système bancaire dans son ensemble. Les réserves de change brutes de la banque centrale s’élevaient à USD 40,3 mds en mars 2021 (contre USD 45 mds un an auparavant), auxquelles on peut ajouter USD 8,6 mds de réserves de change tier II, tandis que la position extérieure nette des banques commerciales a retrouvé son niveau de pré-crise à USD 7 mds. Les banques publiques (plus de 50% de l’actif bancaire total) participent activement à la politique de change des autorités monétaires. Le déficit courant devrait s’accroître et atteindre 3,9% du PIB en 2020/21 en raison principalement de la chute des revenus du tourisme (-40% attendu).

RÉSERVES EN DEVISES DE LA BANQUE CENTRALE (USD MDS)

Le montant élevé des flux de portefeuille et les déboursements du FMI assurent un niveau de liquidité en devises satisfaisant à court terme. Les perspectives sont plus incertaines en 2021/22. Nous prévoyons une légère baisse du déficit courant en valeur (USD 14,7 mds), mais un amortissement de la dette extérieure beaucoup plus élevé qu’en 2020/21.

Selon le FMI, celui-ci devrait s’élever à USD 17,5 mds (contre USD 14,2 mds en 2020/21). Par ailleurs, l’évolution des flux de capitaux internationaux pourrait être moins favorable aux pays émergents étant donné la remontée des taux observée aux États-Unis. Néanmoins, le ralentissement attendu du cycle de baisse des taux en Égypte, le risque de change limité et les bonnes performances budgétaires devraient maintenir l’attractivité des titres de dette publique égyptiens.

L’amélioration du solde énergétique pourrait n’être que temporaire

Le solde énergétique s’est sensiblement amélioré en 2020 à la faveur d’une baisse de la demande intérieure et d’une hausse de la demande asiatique en fin d’année. À court terme, l’évolution du solde énergétique est assez incertaine et l’excédent constaté en 2020 risque de ne pas se reproduire. Sur le marché intérieur, la demande de produits pétroliers (brut et raffiné) est en baisse régulière depuis environ cinq ans en raison notamment de la réduction des subventions. En 2020, la demande a baissé d’environ 13% avec le ralentissement de l’activité.

Du côté de l’offre, la production de pétrole brut poursuit son déclin (-6% en 2020), en raison notamment du manque d’investissements dans de nouvelles capacités de production. Parallèlement, la production et l’exportation de produits raffinés continuent de croître grâce au développement des capacités de production. En volume, le solde extérieur des produits raffinés a été positif pour la première fois en 2020 (17000 b/j), mais le solde pétrolier total (brut inclus) reste largement négatif (-101000 b/j). En valeur, selon les données disponibles, un surplus symbolique a été enregistré au T3 2020 (USD 54 m). De leur côté, les exportations de GNL ont repris fin 2020 à la faveur de la hausse de la demande et des prix en Asie. Sur l’ensemble de l’année budgétaire 2020/21 ces exportations devraient atteindre USD 1 à 2 mds. Les perspectives d’exportations de LNG restent incertaines à court terme. Celles-ci sont commercialisées sur le marché spot dont les prix connaissent une volatilité très importante et peuvent se situer en-dessous du prix de revient égyptien, contraignant les exportations.

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