Edito

Un sentiment de malaise

04/07/2022

Les directeurs financiers des entreprises américaines se montrent plus pessimistes quant aux perspectives de l’économie américaine. La dernière enquête de l’Université Duke auprès de ces derniers montre que 20,8 % d’entre eux s’attendent à une croissance négative du PIB au cours des 12 prochains mois. Leur évaluation des perspectives propres à leur entreprise a nettement moins diminué, ce qui conduit à un écart record avec leur appréciation des perspectives relatives à l’économie dans son ensemble. Il y a là matière à préoccupation : combien de temps la confiance des entreprises peut-elle rester élevée si l’environnement global continue de se détériorer ? L’évolution des taux d’intérêt jouera un rôle clé à cet égard. Parmi les entreprises américaines qui envisagent d’emprunter, les deux tiers réduiraient leurs investissements en cas d’augmentation des coûts d’emprunt de 3 %. C’est un message qui donne à réfléchir, compte tenu du resserrement attendu de la politique monétaire.

Les directeurs financiers des entreprises américaines se montrent plus pessimistes quant aux perspectives de l’économie américaine. Le récent sondage trimestriel de l’Université Duke1 auprès des directeurs financiers pour le deuxième trimestre indique un mouvement vers la gauche de la distribution des attentes de croissance du PIB réel pour les quatre prochains trimestres (graphique 1). L’estimation médiane est passée de 2,8 % à 1,7 % et le pourcentage de participants à l’enquête s’attendant à une croissance négative au cours des 12 prochains mois a progressé de 12,3 % à 20,8 %.

On pourrait estimer que, malgré son augmentation, ce chiffre reste assez faible compte tenu de la forte baisse du niveau d’optimisme relatif aux perspectives de l’économie américaine (graphique 2).

Parmi les entreprises qui prévoient d’emprunter, la moitié réduirait leurs projets de dépenses en immobilisations si les coûts d’emprunt augmentaient de 2 %. En cas d’augmentation de 3 %, deux tiers des entreprises indiquent qu’elles réduiraient leurs investissements. C’est un message qui donne à réfléchir.

ANTICIPATIONS DES DIRECTEURS FINANCIERS SUR LA CROISSANCE RÉELLE DANS LES 4 PROCHAINS TRIMESTRES
INDICATEURS D'OPTIMISME DES DIRECTEURS FINANCIERS SUR LA CROISSANCE AMÉRICAINE

Si le sentiment économique reste à peu près aussi négatif qu’au premier trimestre de 2020 (crise de la COVID-19), au quatrième trimestre de 2012 et au troisième trimestre de 2010 (deux trimestres marqués par la crainte d’une rechute en récession), il s’établit bien au-dessus des bas niveaux atteints pendant la crise financière mondiale.

Cette morosité surprend compte tenu de la vigueur du marché du travail et des difficultés à recruter. Il est intéressant de noter que l’évaluation des entreprises sur leurs propres perspectives économiques a enregistré une baisse beaucoup moins marquée, ce qui a créé un écart record entre cette composante de l’enquête et celle relative aux perspectives pour l’ensemble de l’économie. Il est manifeste que les directeurs financiers se montrent systématiquement plus positifs quand il s’agit de leur entreprise que lorsqu’il est question de l’économie américaine. Ce n’est pas surprenant si l’on considère qu’ils sont mieux informés sur leur entreprise que sur l’économie en général. En outre, si le devenir de leur entreprise est entre leurs mains, ce n’est évidemment pas le cas pour l’économie dans son ensemble.

Cependant, dans la dernière enquête, l’écart constaté est exceptionnellement élevé. Il y a là matière à préoccupation. Pendant combien de temps la confiance des entreprises quant à leurs propres perspectives peut-elle rester élevée face à la détérioration de l’environnement global ? L’évolution des taux d’intérêt jouera un rôle clé à cet égard. 60 % des répondants pensent avoir suffisamment de liquidités pour financer leurs opérations au cours des 12 prochains mois. Toutefois, parmi les entreprises qui prévoient d’emprunter, la moitié réduirait leurs projets de dépenses en immobilisations si les coûts d’emprunt augmentaient de 2 %. En cas d’augmentation de 3 %, deux tiers des entreprises indiquent qu’elles réduiraient leurs investissements. C’est un message qui donne à réfléchir, compte tenu du resserrement attendu de la politique monétaire et son incidence probable sur les taux d’emprunt des sociétés2.

1 Source : The CFO Survey, Duke University et Réserves fédérales de Richmond et d’Atlanta. L’enquête trimestrielle auprès de 320 dirigeants financiers américains a été menée entre le 25 mai et le 10 juin.

2 L’enquête auprès des directeurs financiers a été menée avant la réunion du FOMC des 14 et 15 juin 2022. À l’occasion de cette réunion, le taux des fonds fédéraux a été relevé de 75 points de base. Les membres du FOMC prévoient un taux directeur de 3,8 % à la fin de 2023 (cette projection correspond au point médian de la fourchette cible appropriée projetée) (source : Réserve fédérale, Summary of Economic Projections, 15 juin 2022).

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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