C’est l’un des paradoxes choquants de l’Amérique, berceau du miracle vaccinal contre la Covid-19 mais où les victimes quotidiennes de la maladie se comptent encore par milliers. Début octobre, le cap funeste des 700 000 morts était franchi, les États-Unis se révélant être le pays le moins immunisé du G7 (64 personnes sur 100 couvertes par au moins une dose, contre 75 en Italie ou en France).
La propagation durant les mois d’été du variant « Delta » du coronavirus aura, à elle seule, été fatale à près de 100 000 personnes. Constatant que pratiquement aucune d’entre elles n’était vaccinée[1], la Maison Blanche s’est décidée à hausser le ton : le 9 septembre, le président Biden signait un décret obligeant tous les personnels opérant dans l’espace fédéral (fonctionnaires, sous-traitants, enseignants du public, etc.) à se faire vacciner. Les grandes entreprises du secteur privé étaient enjointes, sous peine de sanction, à faire de même, ou, à défaut, à tester chaque semaine leurs employés. Au moment d’écrire ces lignes, le durcissement de la politique fédérale portait ses fruits, le nombre d’injections remontant pour s’établir à environ un million par jour.
Encore trop meurtrière, la vague épidémique des mois d’été a sans doute freiné la reprise de l’emploi. En septembre, l’économie américaine n’a créé que 194 000 postes hors du champ agricole (500 000 étaient attendus), ce qui porte à 1,7 million le bilan du troisième trimestre, un peu moins bon que le précédent. Sans surprise, les recrutements se concentrent dans les secteurs sensibles à la reprise des déplacements et regroupements de personnes : hôtellerie, restauration, loisirs, spectacles ; ils demeurent par ailleurs très nourris dans le commerce en ligne. A 4,8%, le taux de chômage se conforme avec un peu d’avance au chiffre attendu par la Réserve fédérale pour la fin d’année. Il est toutefois loin de refléter une situation normale, le taux d’activité des Américains restant, en particulier, très inférieur à son niveau pré-pandémique. L’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, dont témoigne le nombre élevé des vacances de postes, reste aussi un problème.