La Banque du Japon poursuit son entreprise de resserrement monétaire de façon incrémentale et précautionneuse, avec une seule hausse de taux directeur au troisième trimestre, qui doit précéder un nouveau mouvement attendu en décembre, alors que la décision de juillet n’a pas été sans contribuer à une forte volatilité sur les marchés financiers. Dans le même temps, l’économie récupère d’un début d’année mouvementé et l’inflation se maintient au-dessus de la cible de 2%. Enfin, le pays a changé de Premier ministre et de nouvelles élections législatives anticipées sont désormais prévues pour le 27 octobre.
L’économie japonaise a fait l’objet d’un rebond notable lors du deuxième trimestre 2024, illustré par une croissance trimestrielle du PIB de +0,7% – en ligne avec nos prévisions – succédant à la contraction (-0,6% t/t) du premier trimestre. La croissance devrait ralentir mais demeurer positive (+0,2%-+0,3% t/t) durant le second semestre de l’année. Néanmoins, du fait de l’acquis de croissance négatif de l’année 2023 (-0,3 pp) amplifié par le recul du premier trimestre, l’année 2024 devrait, in fine, se caractériser par un taux de croissance annuel moyen négatif (-0,2%), soit un recul marqué par rapport à 2023 (1,7%).
La croissance du T2 2024 est à imputer partiellement à un rebond technique après les contingences ponctuelles ayant perturbé l’activité en début d’année, telles que le séisme sur la péninsule de Noto et les perturbations de la production automobile. Le rattrapage de la dernière (en chute de -12,7% t/t au T1 2024 avant de gagner +7,7% au T2) est toutefois incomplet par rapport à son niveau de la fin de l’année 2023. Néanmoins, des points positifs sont à relever, notamment s’agissant de la consommation privée : sa progression de +0,9% t/t vient interrompre une série de quatre trimestres consécutifs de contraction. De plus, si la contribution du commerce extérieur à la croissance est à nouveau négative, son ampleur est largement plus faible, les exportations comme les importations ayant augmenté après leur recul conjoint du T1. Ainsi, bien qu’il faille rappeler la variabilité relativement importante de cette composante du PIB (par rapport à celles liées à la demande intérieure), les exportations, qui constituent le principal moteur de croissance du Japon, regagnent en vigueur, tandis que la hausse des importations suggère une forme de regain de la demande.
L’inflation sous-jacente suit une trajectoire haussière depuis le début du T2, ayant progressé de +2,2% à +2,8% a/a entre les mois d’avril et d’août. Quant aux prix des services, ils s’affichent en ralentissement sur la même période (de +1,7% à +1,4%), mais marquent une accélération mensuelle sur les deux derniers mois. Les salaires nominaux progressent au fil de l’implémentation des hausses négociées dans le cadre du Shunto, permettant aux salaires réels d’enregistrer, en juin/juillet 2024, deux mois consécutifs d’amélioration en variation annuelle pour la première fois depuis le T1 2022 (+1,1% et +0,4%), ce qui justifie une amélioration des attentes en matière de consommation des ménages.
L'exception monétaire
La Banque du Japon (BoJ) poursuit son processus incrémental de resserrement monétaire, à rebours de ses homologues du G7, après avoir mis un terme à la politique des taux d’intérêts négatif en début d’année. Le plan détaillé de resserrement quantitatif, impliquant une réduction de près de moitié du rythme mensuel d’achats d’obligations gouvernementales japonaises (JGB) à horizon du T1 2026, a été présenté lors de la réunion de politique monétaire de juillet. Cette dernière fut également l’occasion du second relèvement du taux directeur, l’uncollateralized overnight call rate, à +0,25% (+0,15pp). Ce mouvement a surpris les observateurs et les marchés, contribuant à un regain de volatilité de ces derniers au début du mois d’août, illustré par l’envolée de l’indice VIX à un plus haut depuis mars 2020.
Si le gouverneur de la BoJ, Kazuo Ueda, a minimisé la relation entre la décision de juillet et les soubresauts des marchés financiers de début août, les officiels (incluant Ueda) n’en ont pas moins admis qu’il fallait les prendre en compte dans la trajectoire de resserrement. Aussi, la réunion de septembre a abouti à un statu quo sur le taux directeur. De plus, Kazuo Ueda a rappelé la volonté de la BoJ de poursuivre le relèvement de son taux directeur et l’ajustement du degré d’assouplissement de la politique monétaire. Nous anticipons une prochaine hausse de taux lors de la réunion de décembre (+0,25pp), avant une poursuite graduelle de la trajectoire ascendante vers le niveau neutre en 2025, soit trois hausses de l’uncollateralized overnight call rate, le portant à +1,25% en fin d’année.
En outre, le yen s’est globalement renforcé face au dollar américain lors des dernières semaines, l’USD/JPY passant de plus de 160 début juillet à 143 au 23 septembre. Nous anticipons, au fil de la réduction du différentiel de taux d’intérêt avec la Fed, une plus ample amélioration de la valeur relative du JPY lors des trimestres à venir, avec un USD/JPY à 131 à horizon du T4 2025.
Changements politiques
Le Premier ministre sortant, Fumio Kishida (en poste depuis octobre 2021), avait fait savoir le 14 août qu’il ne briguerait pas le renouvellement de son mandat à la tête du Parti libéral-démocrate (PLD) – impliquant un départ de ses fonctions gouvernementales à l’issue de l’élection du 27 septembre. Kishida avait pris cette décision dans un contexte de déclin de sa popularité sur fond de scandales entourant son parti. La campagne pour sa succession au poste de président du PLD pour un mandat de trois ans a débouché sur la nomination de Shigeru Ishiba (ex-secrétaire général du PLD), qui a devancé Shinjiro Koizum (ex-ministre de l’Environnement) et Sanae Takaichi (actuelle ministre de la Sécurité économique). Dans la foulée, Shigeru Ishiba a annoncé la tenue de nouvelles élections anticipées à la chambre des représentants, prévues pour le 27 octobre.
Achevé de rédiger le 07 octobre 2024