Les perspectives continuent de se dégrader au Mexique, un des pays les plus exposés à la politique économique américaine. L’économie mexicaine devrait se contracter dans les trimestres à venir, la faiblesse de la demande intérieure ne permettant pas de compenser le ralentissement marqué des exportations. Le ministre de l’Économie mexicain a entamé des discussions avec Washington en vue d’une renégociation plus rapide que prévu du traité de libre-échange USMCA. Elles doivent permettre de réduire l’incertitude à court terme concernant les relations bilatérales entre les deux pays.
Légère récession en vue L’activité économique a mieux résisté que prévu au premier trimestre 2025. Le PIB a ainsi progressé de 0,8% en glissement annuel au T1 (après 0,4%. au T4). Le détail des composantes du PIB n’est pas encore connu mais les données conjoncturelles suggèrent que la croissance a largement été soutenue par le dynamisme des exportations (+3,6% en g.a.). Cela est dû à l’anticipation des droits de douanes supplémentaires annoncés par l’administration Trump. Les autres indicateurs (consommation privée, production industrielle, emploi) signalent à l’inverse un ralentissement marqué de l’activité. L’indice mensuel d’investissement a aussi très fortement reculé (-7% en g.a.) au T1.
Prévisions économiques du Mexique Les perspectives sont clairement défavorables et l’on s’attend à une contraction du PIB de 0,3% en 2025, Ce sera un des seuls pays émergents à enregistrer une récession en 2025. Les exportations devraient ralentir sous l’effet conjugué du ralentissement de l’économie américaine (notre scénario central cible une croissance de 1,7% en 2025) et de l’augmentation des droits de douane américains.
Nous n’attendons pas de rebond de la demande intérieure à court terme. La consommation des ménages restera au mieux atone. Nos prévisions pourraient être revues à la baisse si une nouvelle taxe visant les transferts des travailleurs étrangers (soutien important de la consommation privée, représentant près de 3% du PIB en 2024) était adoptée par le Congrès américain. Initialement proposée à 5%, la taxe devrait finalement représenter 3,5% du montant total des transferts, après les vives protestations du gouvernement mexicain. La taxe concernerait près de 70% des travailleurs mexicains présents sur le sol américain (elle ne vise pas les travailleurs naturalisés). En outre, l’adoption définitive de cette taxe compliquerait encore les relations diplomatiques entre les États-Unis et le Mexique.
Par ailleurs, les nouvelles mesures présentées par la présidente Sheinbaum, destinées à encourager l’investissement privé dans le cadre du « Plan Mexico », devraient avoir des effets limités. Quelques mesures présentées au début du mois d’avril retiennent l’attention, notamment dans le secteur de l’énergie. Le rôle du secteur public restera prédominant (comme annoncé précédemment) mais de nouvelles possibilités d’établir des partenariats avec le secteur privé ont été présentées. L’effet sur l’investissement devrait rester marginal, au moins à court terme. Le climat des affaires est très dégradé. De plus, les effets négatifs de la réforme judiciaire (qui comprend le démantèlement de plusieurs organismes de régulation autonomes) et l’évolution incertaine des relations avec les États-Unis se sont traduits par un attentisme des investisseurs (domestiques et étrangers) qui mettra du temps à se dissiper.
Mexique : baisse de la confiance des investisseurs Les marges de manœuvre des autorités pour soutenir l’économie sont limitées : d’une part, le gouvernement s’est engagé à consolider les finances publiques, et il est peu probable que des mesures de soutien soient annoncées, et, d’autre part, le soutien lié à l’assouplissement monétaire est faible, les taux réels restent élevés et le recours au crédit est relativement limité.
Pressions inflationnistes persistantes En avril, les indices d’inflation totale et sous-jacente sont ressortis à 3,9% en g.a. (après 3,8% et 3,6% respectivement en mars). Pour la troisième fois consécutive, la Banque centrale a abaissé son principal taux directeur de 50 points de base (à 8,5%) lors de la réunion du 15 mai dernier. Elle a également indiqué que de nouvelles baisses de taux sont envisagées à court terme.
Les prévisions d'inflation à court terme ont pourtant été légèrement revues à la hausse, à 3,6% et 3,1% respectivement pour 2025 et 2026 (contre 3,4% et 3,0% auparavant), principalement en raison d'une augmentation plus forte que prévu de l'inflation des biens de consommation.
Les risques restent élevés, surtout si l’administration Trump adopte une position plus agressive vis-à-vis du Mexique, particulièrement si elle impose des droits de douane plus élevés.
Dégradation des finances publiques Début avril, lors de la présentation préliminaire du budget 2026, le gouvernement a révisé ses objectifs de consolidation budgétaire. Compte tenu du ralentissement de l’activité, la réduction attendue du déficit est moindre, de 5,1% du PIB en 2024 à environ 4% en 2025 (3,5% auparavant). Bien que la prévision de croissance du gouvernement semble exagérément optimiste (le gouvernement attend une croissance du PIB comprise entre 1,5% et 2,3% pour l’année 2025), cet objectif semble atteignable : les recettes fiscales ont augmenté de 20% au premier trimestre relativement au T4 2024, grâce aux récentes mesures visant à améliorer la collecte (sur le commerce électronique notamment) et, à ce jour, la réduction des dépenses publiques annoncées par la présidente Sheinbaum se poursuit.
À moyen terme, en revanche, la consolidation budgétaire devrait devenir de plus en plus compliquée. D’une part, parce que les paiements d’intérêts resteront élevés (nous estimons qu’ils atteindront 17% des revenus du gouvernement en 2025 alors qu’ils étaient inférieurs à 12% en 2022), ce qui reflète la hausse prolongée des taux d’intérêt auxquels le gouvernement a se finance. D’autre part, les dépenses sociales et les rigidités budgétaires, problème structurel de l’économie mexicaine, rendront difficile l’application de nouvelles mesures d’austérité. Le nécessaire soutien à l’entreprise pétrolière Pemex et la volonté du gouvernement de ne pas mettre en œuvre de réforme fiscale de grande ampleur constituent aussi des freins importants à la consolidation budgétaire.
La renégociation du traité USMCA, point d’attention des prochains mois Les risques sur la croissance et les finances publiques sont fortement orientés à la baisse, principalement en raison des incertitudes sur la politique commerciale américaine et les relations bilatérales entre le Mexique et les États-Unis. Concernant le Mexique, à ce jour, les mesures tarifaires en vigueur comprennent une exonération des biens conformes aux critères du traité commercial liant les États-Unis, le Mexique et le Canada (USMCA), tandis que des droits de douane de 25% s’appliquent à tous les autres produits. S’ajoutent des droits de douane spécifiques, relevés à 50% au début du mois de juin, pour les biens du secteur acier-aluminium et certains biens du secteur automobile (véhicules légers).
Mexique : importations des États-Unis dans le cadre du traité USMCA Environ 80% du total des exportations mexicaines, soit 27% du PIB, sont à destination des États-Unis, et plus de 50% du total des exportations à destination des États-Unis ne satisfont pas les critères de l’USMCA et sont donc soumis à des droits de douane. Le taux effectif des droits de douane appliqués par les États Unis sur les importations de biens mexicains est donc actuellement de 12,1% (alors que celui-ci était quasi nul avant le début du deuxième mandat).
Ce taux pourrait baisser si une plus grande quantité de biens exportés était rendue conforme aux critères du traité USMCA (en remplissant les critères de la règle d’origine par exemple, ou en réglant des formalités administratives). La marge semble non négligeable pour les biens canadiens mais plus réduite pour le Mexique : d’après les données du Census Bureau américain, les biens importés par les États-Unis conformes aux critères USMCA représentaient respectivement 48% et 47% du total en mars et avril 2025, après 45% en février (la moyenne des cinq dernières années est proche de 50%). Dans le cas du Canada, en revanche, la proportion de biens conformes a bondi à 50% en mars 2025, puis 57% en avril, après 33% en février (voir graphique) et la moyenne sur cinq ans est proche de 36%. La répartition sectorielle est très hétérogène dans les deux pays, à l’exception du secteur automobile, dans lequel 84% et 90% des biens exportés en 2024 étaient conformes aux critères USMCA au Mexique et au Canada respectivement. À terme, la part de marché du Mexique dans les importations américaines pourrait décroitre.
Afin de réduire les incertitudes relatives à la reconduction du traité USMCA, le ministre de l’Économie Marcello Ebrard a demandé courant mai l’ouverture de négociations, qui devaient avoir lieu mi-2026.
En 2020, lorsque l’USMCA a remplacé le NAFTA, les négociations avaient été fructueuses et avaient renforcé le processus de nearshoring . Le scénario est nettement moins positif cette fois ci pour le Mexique, compte tenu de la préférence affichée par le Président Trump pour la relocalisation de la production aux États-Unis. En outre, les difficultés structurelles et la dégradation du climat des affaires au Mexique continueront d’y limiter fortement l’investissement.
Achevé de rédiger le 13 juin 2025