Graphiques de la semaine

Kenya : fortes pressions sur la solvabilité extérieure

03/05/2023
PDF

Depuis plusieurs mois, la solvabilité extérieure du Kenya se détériore. Après des années d’endettement auprès des marchés internationaux et de la Chine, le service de la dette publique extérieure a considérablement augmenté : il représentait 22% des recettes d’exportations en 2022. En outre, la sécheresse locale accroît la dépendance du pays aux importations et les termes de l’échange se sont nettement dégradés depuis le début de la guerre en Ukraine. À cela s’ajoute la dynamique de resserrement monétaire mondial, qui a empêché l’émission d’un nouvel Eurobond à des taux attractifs sur les marchés internationaux en juin dernier.

Kenya : fortes pressions sur la solvabilité extérieure

En conséquence, le pays est en proie à une pénurie de devises sans précédent. Face à la forte demande de dollar US, le shilling kenyan (KES) se déprécie de façon accélérée (-10,1% depuis le début de l’année) et la liquidité extérieure sur le marché interbancaire s’est asséchée. En outre, pour limiter la dépréciation du shilling et faire face aux échéances des paiements en devises, la Banque centrale (CBK) est contrainte de puiser régulièrement dans ses réserves de change, qui couvrent depuis fin janvier moins de 4 mois d’importations, le seuil réglementaire fixé par la Communauté d’Afrique de l’Est. Elles ont atteint début avril leur plus bas niveau en dix ans, avant de remonter légèrement.

Grâce à la signature fin mars d’un accord entre le Kenya et ses fournisseurs de pétrole au Moyen-Orient, le pays bénéficie d’un sursis. Selon les termes de cet accord, le Kenya peut importer du pétrole à crédit jusqu’en septembre. Cela permettra de réduire la pression sur le shilling, puisque les importations de pétrole s’élèvent à USD 500 mn chaque mois. D’ici là, le gouvernement compte sur le soutien des créanciers multilatéraux pour regonfler ses réserves de change. Il attend notamment le décaissement en juin d’un prêt de la Banque mondiale à hauteur de USD 1 md, ainsi que le décaissement de USD 200 mn du FMI dans le cadre de sa facilité élargie de crédit.

Si ces solutions permettent de contenir le risque de défaut à très court terme, celui-ci reste très élevé au-delà. D’ici juin 2024, le gouvernement devra trouver le moyen de refinancer un Eurobond de USD 2 mds qui arrivera à maturité. Le soutien des créanciers multilatéraux ne sera pas suffisant. Le gouvernement a donc récemment annoncé son projet d’émettre un nouvel Eurobond sur les marchés internationaux dans les prochains mois. Toutefois, le prix à payer est prohibitif : sur le marché secondaire, le rendement de l’Eurobond kenyan de 2024 avoisine les 15% et ne fait qu’augmenter depuis le début de l’année.

Lucas Plé

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE