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Eco Emerging // 2 trimestre 2022
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Pour l’année fiscale 2022/23, les prix élevés des principales exporta-
tions (aluminium, or et diamants) devraient continuer d’accroître les
retombées fiscales. En revanche, et de manière inédite, les taxes sur le
carburant ne devraient pas être augmentées, le gouvernement veillant
à contenir les prix à la pompe.
Du côté des dépenses, le projet de maîtrise des dépenses courantes
est maintenu avec une hausse de 4% par rapport à 2021. Cette aug-
mentation est en ligne avec la hausse des programmes sociaux, et
notamment l’extension de l’allocation sociale exceptionnelle mise
en place pendant la pandémie. La subvention de 350 ZAR a été pro-
longée jusqu’à mars 2023, pour un coût total estimé à ZAR 44 mds,
soit 0,7 % du PIB. La stratégie de consolidation des dépenses repose
principalement sur la maîtrise des salaires dans la fonction publique
TRAJECTOIRE PÉRILLEUSE DE LA DETTE
Dette publique (é.d.)
%
% PIB
90
Taux d'intérêt réel sur la dette
Croissance réelle du PIB
8
6
4
2
0
2
projections
75
60
45
30
15
0
-
(
près de 35% des dépenses courantes totales) et l’absence de soutiens
-4
supplémentaires aux entreprises publiques. Le coût du service de la
dette reste le poste de dépenses qui augmente le plus (+12% par an
en moyenne sur 2022/23 et 2023/24), soit un rythme bien supérieur
à la croissance nominale anticipée. Ainsi, le budget se base sur des
projections optimistes de croissance du PIB en termes réels de 1,9% sur
-
6
-8
2
014/15
2016/17
2018/19
2020/21
2022/23
GRAPHIQUE 2
SOURCES : TRÉSOR NATIONAL, BNP PARIBAS
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022/23 et 1,7% sur 2023/24. Or, le budget ayant été élaboré avant le
début du conflit en Ukraine, on estime que la croissance réalisée sera
plus faible (respectivement +1,5% et +1% en 2022/23 et 2023/24 selon
nos prévisions) principalement à cause d’une baisse de la demande
intérieure.
riquement élevé (plus de 35% fin 2021), il est possible que la subven-
tion exceptionnelle versée aux ménages devienne permanente et que
d’autres subventions soient mises en place. Pour l’instant, seule une
baisse de la taxe sur le carburant (-40%) a été décidée. Son effet sur
le budget devrait être nul car cela repose sur la vente de réserves de
pétroles stratégiques.
Deuxièmement, le contexte pourrait amener le gouvernement à revoir
à la baisse son ambition de maîtriser la masse salariale du secteur
public. Les syndicats ont soumis au gouvernement une proposition de
hausse nominale annuelle du salaire de près de 8% (correspondant au
taux d’inflation augmenté de 2 points de pourcentage) contre un peu
plus de 2,6% prévu dans le budget pour 2022/23. Bien que le gouverne-
ment dispose d’une certaine flexibilité pour accorder une augmentation
nominale légèrement supérieure, la hausse souhaitée par les syndicats
nécessiterait des mesures supplémentaires pour contenir les dépenses
et/ou des réductions d’effectifs. Les négociations en cours seront déci-
sives.
Enfin, la situation financière dégradée et les mauvaises performances
des entreprises publiques pourraient nécessiter de nouveaux renfloue-
ments de la part de l’État. Le passif des entreprises publiques pèse sur
le budget, les garanties accordées représentant plus de 9% du PIB. À
titre d’illustration, la potentielle reprise de la dette d’Eskom représente
ZAR 329 mds (USD 25,8 mds). Les décisions concernant sa restructu-
ration ne cessent d’être retardées et l’augmentation tarifaire de 9,6%
en 2022/23 (bien en deçà 20,5% demandés) continuera de peser sur les
difficultés financières de l’entreprise.
L’escalade du conflit en Ukraine risque en effet d’accroître l’inflation,
ce qui pénaliserait la demande intérieure. L’Afrique du Sud a noué peu
de liens directs avec l’Ukraine et la Russie (0,8% des importations to-
tales en 2020) mais son statut d’importateur net d’hydrocarbures et de
céréales l’expose à l’augmentation générale des prix et aux ruptures
dans les chaînes d’approvisionnement. Déjà constatées sous l’effet de
la reprise mondiale, via la hausse du prix de l’énergie, les tensions sur
les prix commencent à se propager à d’autres postes tels que l’alimen-
tation. En conséquence, nous avons révisé drastiquement notre prévi-
sion d’inflation. Elle devrait atteindre +6,5% sur l’année civile 2022 et
4
,5% en 2023.
Malgré l’accélération de l’inflation, le ratio d’endettement atteindrait
plus de 72% du PIB selon nos estimations. Un tel niveau d’endettement
rend difficile sa stabilisation même si le déficit budgétaire hors intérêts
est modéré et que les prévisions tablent sur un retour à l’équilibre en
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023/2024 ; l’écart significatif entre taux d’intérêt réel et croissance du
PIB nourrit un effet boule de neige (cf. Graphique 2). Ainsi, le service de
la dette représente près de 15% des dépenses totales (plus de 4% du
PIB). De plus, le coût d’emprunt pour l’État pourrait augmenter dans un
contexte de resserrement monétaire.
Pour l’instant, la structure de la dette (une maturité moyenne de 12
ans dont seulement 10% libellé en devise étrangère et une part des
non- résidents sur la dette en monnaie locale réduite de 37% à 28%
depuis 2019) amortit l’impact de la hausse des taux et la dépréciation
du change, et limite le risque de refinancement. Néanmoins, l’envi-
ronnement international ne peut qu’accroître l’aversion au risque et
contraindre le gouvernement de se refinancer à court terme.
En sortie de crise, les perspectives budgétaires de l’Afrique du Sud
demeurent donc extrêmement fragiles. À court terme, la hausse
temporaire des revenus pourrait être contrecarrée par une croissance
plus faible qu’anticipé et des ajustements budgétaires qui creuseront le
déficit. À moyen terme, l’effet d’éviction des déséquilibres budgétaires
sur les dépenses d’investissement pourrait donc persister et continuer
de peser sur la croissance. Dans ce contexte, les perspectives
économiques de l’Afrique du Sud semblent structurellement orientées
à la baisse.
LES DÉFIS
Outre les répercussions diverses du conflit en Ukraine, trois sources de
pressions peuvent contrecarrer les plans d’assainissement budgétaire.
Achevé de rédiger le 11/04/2022
Premièrement, l’insatisfaction croissante de la population face à la
hausse des prix dans un contexte social déjà tendu. Compte tenu des
pressions exercées par des inégalités de revenus et un chômage histo-
Perrine GUERIN
perrine.guerin@bnpparibas.com
La banque
d’un monde
qui change