Les perspectives défavorables pour le deuxième trimestre 2022, d’abord considérées comme un risque dans les enquêtes de conjoncture, se matérialisent concrètement en Allemagne.
Après le très net repli du commerce extérieur en mars (provenant d’une baisse de 4 % des exportations en volume et d’une hausse symétrique de 4,1% des importations), l’excédent commercial allemand s’est à peine amélioré en avril grâce à un léger redémarrage des exportations (+1 % m/m), mais il reste à un niveau extrêmement bas. D’après les prévisions en temps réel de l’institut de Kiel, les exportations devraient se replier en mai (-1,7% m/m) avant de connaître un léger rebond en juin (+0,6% m/m). Sur l’ensemble du deuxième trimestre, l’excédent commercial allemand se réduirait à son plus bas niveau depuis le T2 2001.
La mise à mal du commerce extérieur s’inscrit dans un contexte où la demande des principaux partenaires commerciaux de l’Allemagne diminue, comme l’indique le nouveau recul des commandes passées à l'industrie en avril (-2,7% m/m). Si le stock des commandes à honorer demeure à un niveau satisfaisant, la dégradation amorcée depuis février est rapide. Par ailleurs, le détail de cette baisse est de mauvais augure. En effet, ce sont les biens d'investissement (-4,3%), suivis des biens de consommation (-2,6%), qui ont le plus chuté, signe que la consommation ne serait pas la seule composante de la demande à être affectée : l’investissement des entreprises pâtirait aussi de la situation avec le report d’un certain nombre de projets.
Les difficultés d’approvisionnement continuent par ailleurs de peser sur la production manufacturière, qui s’est à peine redressée en avril (+0,4% m/m) et demeure loin de son niveau d’avant-Covid-19 (-6,1% par rapport au T4 2019). L’industrie automobile est le secteur le plus impacté puisqu’en plus des pénuries de semi-conducteurs, des goulots d'étranglement sont apparus sur les faisceaux de câbles dont l’Ukraine était l’unique fournisseur. Résultat : les nouvelles immatriculations de voitures ont continué de chuter en mai (-10,2% y/y). La fédération des constructeurs allemands (VDA) s’inquiète de la faiblesse des ventes : seulement 1 million d'unités vendues sur les cinq premiers mois de l’année, ce qui est inférieur de 33% à 2019.
La consommation n’envoie pas non plus de signaux favorables. Si les dépenses des ménages en services devraient résister, bénéficiant d’un acquis de croissance important après l’assouplissement des mesures sanitaires en début d’année, la consommation en biens décroche (les ventes au détail ont diminué de -5,4% m/m en avril).
Finalement, l’économie allemande apparaît plus fortement frappée que prévu par les répercussions du conflit russo-ukrainien. Lors de l’éclatement de la guerre en Ukraine, les premières estimations de l’impact d’un embargo sur les énergies russes mentionnaient une réduction de la croissance en 2022 de l’ordre de 2 points de pourcentage (Bachmann et al. 2022). L’impact semble en réalité bien plus important, alors même que l’embargo n’est pas encore effectif. L’OCDE ne prévoit plus qu’une progression du PIB de 1,9 % en 2022 et 1,7% en 2023 dans ses perspectives économiques de juin (contre respectivement +4,1% et +2,4% en décembre 2021).