L’économie espagnole souffre d’une faiblesse chronique des gains de productivité, symptomatique des pays d’Europe du Sud. La productivité horaire apparente du travail n’a enregistré au cours des vingt dernières années (2000-2021) qu’une croissance annuelle moyenne de 0,7%, contre +1,1% pour l‘Allemagne, +0,9% en France, et +1,0% pour la zone euro (graphique 1). Seuls trois pays ont enregistré de moins bons résultats que l’Espagne durant cette période : l’Italie (+0,3%), la Grèce (0,0%) et, enfin, le Luxembourg (+0,1%) dont le niveau de productivité est déjà élevé et la structure de l’économie peu comparable à l’Espagne.
Même si ces écarts de croissance de la productivité ne semblent pas significatifs, ils se sont créés sur une période longue, alors que l’Espagne enregistrait déjà des niveaux bien inférieurs à ceux de la plupart de ses voisins européens. Il n’y a donc pas eu d’effet de rattrapage au cours des vingt dernières années. L’écart s’est même creusé.
Plus précisément, l’Espagne a connu, à la fin des années 1990, une baisse de productivité suivie d’une phase de quasi-stagnation qui s’est prolongée jusqu’à la crise financière mondiale de 2008. Cela contrastait singulièrement avec le rythme de croissance annuelle soutenu du PIB réel, en moyenne de 3,1% entre 2000 et 2008.
Cet écart important de croissance entre la productivité et le PIB indiquait que le modèle d’expansion suivi par l’Espagne à cette époque était peu soutenable, principalement alimenté par des investissements peu productifs et l’endettement privé. En effet, le niveau élevé de la formation brute de capital fixe (FBCF) durant cette période reposait excessivement sur la construction de nouveaux bâtiments, une activité peu génératrice de gains de productivité.
Par ailleurs, les années précédant la crise sanitaire, l’économie espagnole s’est reposée essentiellement sur le volume d’heures travaillées pour stimuler la croissance du PIB. En moyenne sur la période 2014-2018, les heures travaillées ont, en effet, contribué à hauteur de 70% à la croissance du PIB, une part largement supérieure à celle estimée en France et en Allemagne (cf. graphique 2).
Cela résulte en partie du nombre important de créations d’emplois sur la période, lié au redressement économique qui a suivi la grande récession et crise financière de 2008. Cette contribution des heures travaillées à la croissance du PIB a d’ailleurs progressé depuis trois décennies, même si son accroissement a toutefois ralenti depuis 20 ans. À l’inverse, la contribution de l’investissement a décliné.
Malgré un regain de croissance du PIB durant les cinq années qui ont précédé la crise sanitaire – le PIB réel a progressé de 2,6% par an en moyenne entre 2014 et 2019 contre 1,9% pour la zone euro dans son ensemble – l’écart de PIB réel par habitant a continué de se creuser par rapport à l’Allemagne. Il est ainsi passé, au cours des vingt dernières années, de 74% en 2000 à 70% en 2019. Cet écart s’est encore creusé avec la crise sanitaire, pour atteindre 66% en 2021. L’Espagne était, en 2021, le 11e pays sur les dix-neuf qui composent la zone euro en termes de richesse par habitant[1].
Les multiples raisons de cette faible productivité
Rôle des effets de composition
Ce déficit de productivité a été alimenté par un effet de composition de l’activité lié au recentrage de l’économie sur le secteur des services : le commerce (ventes de détail, de gros, restauration, hôtellerie) et les services publics (éducation, santé), des secteurs à forte concentration de main-d’œuvre, tandis que l’emploi dans l’industrie a reculé. La désindustrialisation en Espagne, depuis la fin des années 1990, a été parmi les plus importantes et les plus rapides d’Europe[2]. L’économie espagnole repose désormais essentiellement sur la performance de secteurs dont la taille s’est accrue au cours des deux dernières décennies et dont les niveaux de productivité sont plus faibles, notamment face au secteur manufacturier (graphique 3) ou aux services répertoriés comme étant « à forte intensité de connaissances », c’est le cas de la plupart des emplois dans l’information et la communication et ceux des services professionnels, scientifiques et techniques.
Ce rééquilibrage inter-sectoriel n’est pas la seule explication à la faiblesse des gains de productivité, puisqu’il existe un écart important à l’intérieur même des secteurs d’activité. En 2018[3], l’Espagne enregistrait une productivité horaire supérieure à la moyenne de la zone euro dans seulement 8 des 31 industries considérées (cf. tableau 1), pour un déficit moyen de productivité de 18%. L’écart se chiffre à plus de 30% par rapport à l’Allemagne et à la France[4].
Un stock de capital trop faible
Si le stock net de capital en Espagne a continué de croître (graphique 4), une rupture s’est toutefois opérée à partir de la crise financière mondiale de 2008, avec une première phase de ralentissement de l’accumulation, qui s’est accentuée en 2012 à la suite de la crise des dettes souveraines en zone euro. Plus particulièrement, les investissements dans les logements et les autres bâtiments et ouvrages de génie civil (voir « construction ») ont reculé sensiblement.
Cela a logiquement engendré un ralentissement de l’accumulation du capital en construction : la croissance annuelle moyenne est passée de 3,7% entre 1998 et 2008, à 1,6% la décennie suivante[5]. La vitesse de dépréciation de ce capital (construction) étant relativement lente – à l’inverse notamment des actifs incorporels qui deviennent rapidement obsolètes[6] – le volume d’investissement brut, bien qu’en baisse, est donc resté suffisant pour que le stock net de capital progresse.
Jusqu’en 2008, la hausse de l’investissement dans le secteur de la construction a donc permis de soutenir la croissance économique et de masquer la faiblesse des investissements dans les autres actifs plus à même de générer des gains de productivité.
La part des investissements dans le secteur de la construction, dans le total de la FBCF, a atteint à l’été 2006 un pic à 70%, lorsque la moyenne au sein de la zone euro ne dépassait pas 55%. Cette dynamique, insoutenable, s’est brutalement inversée à partir de 2008, et un rééquilibrage s’est opéré.
La part de la FBCF dédiée à l’investissement en construction en Espagne se situe désormais sous la moyenne de la zone euro qui a, elle aussi, légèrement décliné par rapport aux années 2000 (graphique 5). Cet écart de volume important entre l’investissement en construction et les autres postes explique, en grande partie, pourquoi la productivité en Espagne est restée nettement inférieure à celle du reste des pays de la zone euro, malgré un taux d’investissement global très supérieur à la moyenne de l’Union monétaire.
Sous-investissement dans les actifs incorporels
Le stock de capital dans les actifs autres que la construction reste moins important que dans la plupart des autres pays industrialisés. En 2018, le stock net de capital par habitant (hors construction), était approximativement un quart inférieur à celui de la France, moitié moindre que celui de l’Allemagne et près d’un tiers en dessous de la moyenne de la zone euro (graphique 6).
Plus précisément, si l’Espagne possédait, en 2018, un stock net de capital par habitant proche de ses grands partenaires européens au niveau des équipements de transport et de communication, ainsi que dans les équipements informatiques (hardware), elle accusait un retard considérable en recherche et développement (R&D) et, dans une moindre mesure, dans les biens d’équipement (hors transports). La R&D occupe un rôle important dans la création des gains de productivité[7], tout particulièrement au sein des industries manufacturières de haute technologie, ainsi que dans les services répertoriés comme étant « à forte intensité de connaissances » évoqués précédemment. Ce faible niveau de stock de capital en R&D reflète les nombreuses années de sous-investissements dans ce domaine. Par ailleurs, une mesure de la FBCF élargie à l’ensemble des actifs incorporels (certains n’étant pas pris en compte dans le calcul actuel du PIB) indiquerait un retard d’investissement encore plus important de l’Espagne par rapport à ses grands voisins européens dans ce domaine (cf. encadré 2).
Bien que les données utilisées dans cet article (KLEMS) s’arrêtent, pour l’heure, à l’année 2018, il est peu vraisemblable qu’un renversement de tendance ait pu s’opérer depuis : les chiffres fournis par Eurostat indiquent que l’écart d’investissement dans les actifs incorporels, émanant principalement des droits de la propriété intellectuelle (logiciels et base de données, R&D), persiste jusqu’à aujourd’hui (graphique 7).
Investissement public en recul
Le déficit d’investissement espagnol n’est pas seulement attribuable aux entreprises du secteur privé. La FBCF du secteur public en Espagne a également fortement reculé. En pourcentage du PIB, elle est passée de 5,2% en 2009 (pic) à 2,7% en 2021 (graphique 8).
Rapportés au PIB national, ces investissements restent aujourd’hui parmi les plus faibles de l’OCDE. Or, il peut exister une synergie importante entre les investissements du secteur public et ceux du secteur privé ; En effet, les premiers permettent d’accompagner ou de faire émerger de nouveaux secteurs et de nouvelles activités, et donc in fine de soutenir le développement et la productivité des entreprises privées.
Les politiques d’austérité budgétaire mises en place en Espagne à la suite des deux grandes crises économiques de 2008 et 2011 se sont faites au détriment de ces investissements publics de long terme. Le poste « affaires économiques » (asuntos económicos), qui représente la part la plus importante des investissements de l’État, en a particulièrement pâti.
Malgré un léger redressement ces dernières années, le montant des dépenses pour ce poste se situait, en 2019, à un niveau à peine supérieur à celui du début des années 2000, et près de 60% inférieur à celui de 2010, qui est le pic historique. L’ensemble des branches ont été affectées par ces coupes budgétaires (graphique 9), notamment les transports, le poste le plus important (-65% par rapport à 2010), ainsi que le secteur de l’énergie (-80%).
Un rétablissement est-il possible ?
Après une chute importante, mais très brève, lors du premier confinement (-8,3% t/t au T2 2020), les investissements en droits de la propriété intellectuelle se sont redressés ; Ils évoluaient, fin 2022, autour de 3% au-dessus de leur niveau prépandémique, et à 3,5% en part de PIB. Le seuil des 4% du PIB devrait être rapidement dépassé, à mesure notamment que les plans d’investissements du Plan de relance, de transformation et de résilience national (PRR) se matérialisent sur le terrain.
La numérisation des activités, qui s’est accélérée avec la crise sanitaire, constitue un des leviers pour accroître l’efficacité productive des entreprises espagnoles. Paradoxalement, au regard de la faiblesse des investissements en la matière, l’Espagne se classerait parmi les pays de l’UE les plus avancés dans ce domaine. Selon l’indice DESI (Digital Economy and Society index), compilé par la Commission européenne et mis à jour en juillet dernier[8] (graphique 10), l’Espagne se classe septième au sein de l’UE et gagne deux places par rapport à 2021. L'une des principales améliorations de l'Espagne dans le nouveau rapport se trouve dans l'intégration des technologies numériques au sein des entreprises, où le pays se positionne en 11 e position, gagnant cinq places par rapport à 2021. Cependant, le rapport souligne que « les entreprises ne tirent pas suffisamment parti des nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle, le big data et le cloud, qui pourraient stimuler la productivité et le déploiement du commerce électronique ». Le déficit de formation des travailleurs aux nouvelles technologies numériques constitue l’autre frein manifeste Il mettra du temps à se résorber, notamment, la part des spécialistes en technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’emploi total qui se situe en dessous de la moyenne européenne (4,1% en 2021, contre une moyenne au sein de l’UE de 4,5%).
En matière de numérisation, l’Espagne possède donc un certain nombre d’atouts qu’il conviendra de renforcer, en s’appuyant sur les programmes structurels annoncés par l’exécutif depuis la crise de la Covid-19, notamment l’agenda España digital 2026, ou la politique industrielle España 2030, sur laquelle sont adossés les « Projets stratégiques de relance et de transformation économiques » (PERTE).
PERTE : un partenariat public-privé pour transformer l’économie espagnole
Partie structurante du PRR, les PERTE forment un ensemble de 11 projets visant à favoriser la transformation de l’économie espagnole à long terme (tableau 3). L’originalité du programme repose sur la création d’un partenariat public-privé, par lequel le gouvernement soutient les investissements des entreprises et des centres de recherche privés, à travers des subventions et des prêts. Depuis son lancement en juillet 2021 et jusqu’en 2027, EUR 33 mds d’aides publiques (2,7% du PIB) seront ainsi progressivement allouées au financement de ces projets stratégiques. Ces aides d’État versées aux entreprises – principalement des PME – devraient, selon les estimations du gouvernement espagnol, permettre de lever EUR 36 mds supplémentaires provenant du secteur privé (2,9% du PIB) d’ici à 2030.
Plusieurs projets portent sur des secteurs clés de l’économie, en raison de leur contribution importante à la croissance et à l’emploi en Espagne : l’automobile qui concentre 15% des exportations, l’industrie navale ou encore agro-alimentaire, qui sont des secteurs à transformer pour faciliter la transition énergétique et numérique, notamment. D’autres projets visent à développer des activités encore limitées, mais essentielles à long terme pour affronter les défis énergétiques (hydrogène renouvelable, stockage d’électricité, économie circulaire), industriels et technologiques (aérospatial, semi-conducteurs), et socio-démographiques (économie sociale, soins, santé). Ces initiatives devraient permettre notamment de rehausser, en lien avec la stratégie España 2050, les dépenses en recherche et développement en Espagne, ce qui constituerait une première étape importante pour redresser la productivité dans le pays.
Booster la productivité est essentiel
L’insuffisance de l’investissement productif et la faiblesse chronique des gains de productivité pèsent aujourd’hui fortement sur la croissance potentielle de l’économie espagnole. Celle-ci évolue, depuis la crise de 2008, à un rythme annuel moyen très inférieur à ce qu’il était auparavant (graphique 11). Les risques que cette croissance potentielle se réduise davantage, au point d’approcher d’une quasi-stagnation, sont réels, en raison notamment du vieillissement démographique et de son impact sur la population active. La contribution du facteur travail, levier principal de la croissance potentielle espagnole, devrait donc s’affaiblir avec le temps. Dans ces conditions, l’investissement ainsi que les gains de productivité devront se renforcer pour maintenir une trajectoire de croissance « soutenable » et suffisante, notamment pour contenir la trajectoire d’endettement du pays.
Le manque d’investissements et la faiblesse du stock de capital productif se reflètent dans les créations d’emplois peu dynamiques dans les secteurs à fort contenu technologique, tels que les services de l’« information et de la communication » et les « activités professionnelles scientifiques et technique ». Ces deux secteurs représentent aujourd’hui un emploi sur dix dans le pays. Le taux de chômage structurellement élevé en Espagne et une insertion professionnelle difficile[9] constituent d’autres freins aux créations d’emplois dans ces secteurs. Bien qu’en reflux, le taux de chômage des jeunes s’établissait à 29,6% en décembre 2022, soit près du double de la moyenne de la zone euro (14.8%). L’Espagne se caractérise aussi par un taux d’échec scolaire parmi les plus élevés en zone euro, avec près de la moitié (48%) de la population active des 25-64 ans sans diplôme en 2019. Ces phénomènes de décrochage, qui se sont amplifiés avec la période de récession économique qu’a connu le pays dans les années 2010, alimentent le faible taux d’emploi. En hausse notable depuis la sortie du grand confinement de 2020 (65,4% pour les 15-64 ans au T4 2022), le taux d’emploi n’en reste pas moins en deçà de ce que l’on observe ailleurs en Europe. Le taux d’emploi en zone euro s’établit ainsi cinq points au-dessus de l’Espagne, à 69,5% au T3 2022.
La hausse des investissements dans les domaines de la haute technologie et de la productivité, du travail et du capital, constitue, à raison, des piliers centraux du plan España 2050[10] dévoilé par le gouvernement de Pedro Sanchez en mai 2021. Composé de 50 indicateurs divisés en neuf grandes thématiques, ce programme de long terme a pour objectif, notamment, de combler le retard accumulé par l’Espagne vis-à-vis des pays européens les plus avancés. Ce plan vise, dans son premier volet (résumé dans le tableau 3), à augmenter la productivité du travail – un accroissement de 10% est ainsi ciblé d’ici à 2030, pour atteindre +50% d’ici à 2050. Dans ce but, les dépenses en R&D seront significativement accrues, l’objectif étant de parvenir à un niveau de dépenses équivalant à 3% du PIB, soit plus du double du niveau actuel (1,4% du PIB en 2020 selon l’OCDE).
Accroître le taux d’emploi est un troisième levier important qui permettrait d’endiguer les effets du vieillissement de la population sur l’activité nationale. L’exécutif espagnol table sur une hausse du taux d’emploi des 15-64 ans à 68% d’ici 2030 (contre près de 65% au quatrième trimestre 2022), ce qui rapprocherait l’Espagne de la moyenne de la zone euro (70% selon les données de l’OCDE) sans toutefois combler l’écart. Pour le moment, ce plan España 2050 n’offre que de grandes directions. Il doit être étayé par des projets ou des mesures structurelles concrètes afin d’évaluer son potentiel de réussite. Il a néanmoins d’ores et déjà le mérite de mettre sur le papier les faiblesses profondes de l’économie espagnole et les orientations stratégiques pour y remédier, qui semblent crédibles et réalisables.
Quelques dynamiques intéressantes sont déjà en place du côté du marché du travail. L’emploi a rebondi vigoureusement au sortir de la crise sanitaire, atteignant en 2022 des niveaux records. Le taux de chômage a reflué vers un niveau qui n’avait plus été observé depuis près de 14 ans. La structure des emplois s’est également améliorée à la suite de la réforme sur le droit du travail instaurée en début d’année 2022, qui a conduit à une hausse record des contrats à durée indéterminée[11]. L’amélioration de la stabilité des emplois devrait inciter les entreprises à recourir davantage à la formation, ce qui permettrait d’accroître la qualité et la productivité du travail, donc la croissance potentielle.
Côté investissement, le volume des financements provenant du PRR augmente sensiblement : entre le début de l’année 2022 et la mi-septembre 2022 (14 septembre), le gouvernement espagnol a débloqué près de EUR 19 mds par l’intermédiaire de ce programme, soit EUR 7 mds de plus qu’à la même époque l’an passé. Ces fonds sont en totalité financés par les subventions européennes provenant du plan Facilité pour la reprise et la résilience, dont les versements sont majoritairement concentrés sur 2022 et 2023 (graphique 12). Les effets sur l’investissement sont pour le moment contenus, et le ratio FBCF sur PIB restait, à la fin de l’année 2022, toujours en deçà de son niveau de fin 2019. Néanmoins, c’est au cours des deux à trois prochaines années que les effets de ce plan sur l’investissement devraient être les plus visibles, tandis que les bénéfices en termes de productivité et d’emplois seront plus diffus dans le temps.
Par ailleurs, l’une des raisons de la baisse des investissements privés provenait du fait que les entreprises espagnoles s’étaient, dans leur ensemble, lourdement endettées durant les années qui ont conduit à la grande crise de 2008. En outre, la phase de désendettement qui a suivi a été longue, ce qui a contribué à freiner les dépenses en capital des entreprises. Bien que toujours historiquement élevé, et récemment hausse en raison de la crise sanitaire, le ratio d’endettement des entreprises est actuellement, à l’échelle agrégée, moins important que par le passé. Cela n’empêchera pas les entreprises de pâtir très lourdement de la flambée actuelle des coûts de production. Ce ratio d’endettement moins conséquent devrait néanmoins leur permettre de mieux résister au choc que dix ans auparavant.
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À court terme, le resserrement des conditions de crédit, la détérioration de la situation économique en Europe et l’incertitude sur les perspectives pour 2023 risquent de peser sur les décisions d’investissement des entreprises. Si l’économie espagnole a encore beaucoup de chemin à parcourir pour combler son retard en matière d’investissement et de productivité, et donc de compétitivité, avec le reste de l’Europe, les marges de manœuvre pour y parvenir semblent toutefois plus importantes que par le passé.
Guillaume Derrien (avec la collaboration d'Elias Krief, stagiaire)