L’Allemagne a enregistré pour la première fois depuis 1991 un déficit de sa balance commerciale au mois de mai 2022. Du fait d’une hausse des importations nettement plus importante que prévu (+2,7% m/m) et du recul inattendu des exportations (-0,5% m/m), le solde commercial allemand est passé en territoire négatif pour un montant de EUR 1 md. Pour rappel, l’Allemagne dégageait, un excédent mensuel de près de EUR 20 mds fin 2019. Cette dégradation du commerce extérieur devrait, en outre, se poursuivre. Les prévisions en temps réel de l’institut de Kiel indiquent que les exportations continueraient de se dégrader sur les deux prochains mois et que les importations progresseraient. Résultat, le déficit commercial est attendu à plus de EUR 4 mds fin juillet.
Jusqu’ici, ce sont la hausse des prix à l’importation, et plus généralement les contraintes d’offre, qui ont contribué à déséquilibrer le modèle néo-mercantiliste allemand. Toutefois, le manque de demande pourrait venir prendre le relais durant la seconde moitié de l’année 2022. Les directeurs d’achats industriels interrogés en juin par S&P Global au sujet de leurs carnets de commandes font état d’une dégradation sensible depuis plusieurs mois.
Le solde des nouvelles commandes a perdu plus de 15 points depuis janvier 2022 (et -22 points sur un an). Il en va de même pour la demande anticipée par les chefs d’entreprises industrielles dans l’enquête mensuelle de l’IFO qui est en très net recul (-29 points en juin sur un an). Si, à l’heure actuelle, le remplissage des carnets de commande permet d’assurer plusieurs mois de production, l’affaiblissement de la demande risque de devenir le principal frein à l’activité des entreprises à mesure que les contraintes d’offre se desserreront.
Du côté de l’inflation, le léger recul observé en juin (+7,6% a/a après +7,9% a/a) s’explique en grande partie par les mesures exceptionnelles prises par le gouvernement pour faire baisser le coût des transports en commun (un ticket unique de EUR 9 par mois a été instauré à compter du 1er juin et offre l’accès à l’ensemble des trains, hors grandes lignes). Mais à côté de cette baisse administrée de l’inflation dans les services (+2,1% a/a contre +2,9% a/a en mai), l’inflation sur les biens a continué d’accélérer (+14 % a/a contre +13,6 % a/a en mai). À ce stade, rien n’indique que le pic d’inflation soit dépassé en Allemagne.
Les hausses de prix pèsent sur la consommation des ménages, notamment en biens, et aucun signe d’amélioration n’est décelable. Les ventes au détail ont peu rebondi au mois de mai (+0,6% m/m) après leur chute au mois d’avril (-5,4% m/m). La consommation totale des ménages devrait toutefois bénéficier de la normalisation des dépenses en services dont le potentiel de rattrapage reste très important (le chiffre d’affaires dans les services en avril demeure 25% inférieur à son niveau de fin 2019).