Une nouvelle épreuve
La croissance économique a chuté très fortement au cours des deux dernières années. En glissement annuel (g.a.), elle est tombée de 4% au S1 2018 à 1,9% au S2 2018, puis à 0,6% au S1 2019 et -2,8% au S2 2019. Hong Kong devrait connaître au T1 2020 son quatrième trimestre consécutif de croissance trimestrielle négative, et la récession devrait se prolonger au T2. Si l’environnement international s’améliore par la suite, l’activité devrait se redresser progressivement, aidée par le rebond de la croissance en Chine continentale et une importante relance budgétaire. Elle pourrait néanmoins rester contrainte par la faiblesse persistante de la demande du secteur privé.
La contraction du PIB réel en 2019, et sans aucun doute aussi au T1 2020, s’explique par l’important recul de la demande intérieure (hors dépenses publiques) et des exportations de biens et services. La consommation privée a chuté au S2 2019 (-3,1% en g.a., contre +0,9% au S1 et +5,4% en 2018) en raison des mouvements de protestation, de la forte baisse des entrées de touristes et de la détérioration du marché du travail. La situation s’est ensuite brutalement aggravée en février du fait des mesures de confinement imposées en Chine et à Hong Kong. La baisse des ventes au détail s’est accélérée, passant d’environ -20% en g.a. par mois entre août 2019 et janvier 2020, à -47% en février (graphique 2). Le nombre d’entrées de touristes est tombé à moins de 200 000 en février, alors que le territoire accueillait encore 3,2 millions de visiteurs par mois en moyenne entre août 2019 et janvier 2020 (contre 5,8 millions au S1 2019). L’activité dans le secteur du tourisme devrait rester à l’arrêt encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Or, son poids dans l’économie est important : les dépenses des touristes (dont 78% sont des chinois) dans les commerces locaux comptent pour environ un tiers des ventes au détail à Hong Kong, et la part du tourisme dans le PIB est estimée à 4,5%.
La dégradation du marché du travail était encore modérée en 2019, mais va s’accélérer au S1 2020, ce qui freinera le redressement de la consommation privée. L’emploi et les salaires réels n’ont que légèrement fléchi au S2 2019, et le taux de chômage est passé de 2,8% mi-2019 à 3,3% fin 2019. Mais il s’élevait déjà à 3,7% en février 2020. Enfin, des effets de richesse négatifs résultant de la correction du marché boursier (l’indice Hang Seng a chuté de 16% au T1 2020) et des prix immobiliers (-6% depuis mi-2019) devraient également peser sur la consommation des ménages à court terme.
L’investissement s’est effondré en 2019 (-12% contre +2% en 2018), avec la dégradation de la confiance des entreprises et des perspectives de croissance. Cette situation devrait s’être aggravée au T1 2020 étant donné la contraction de l’activité et les pertes enregistrées par les entreprises. L’investissement privé devrait rester à la peine au cours des prochains trimestres.
La contraction de l’activité dans le secteur touristique et le recul du commerce mondial et des échanges extérieurs chinois ont conduit à la baisse des exportations et des importations de biens et services de Hong Kong en 2019, et ces dynamiques vont se poursuivre en 2020. Les exportations de marchandises (dont 99% sont des réexportations) ont chuté de 4% en 2019 et de 12% en g.a. sur les deux premiers mois de 2020. Toutefois, en termes nets, la demande extérieure a apporté une contribution positive à la croissance du PIB réel en 2019 (+2,3 points de pourcentage) alors qu’elle était négative sur les trois années précédentes.
Virage expansionniste de la politique budgétaire
Le gouvernement a conduit une politique budgétaire clairement expansionniste en 2019, en réponse à la contraction de la demande privée et à la détérioration du sentiment des entreprises et des ménages. Le budget pour l’année 2019/20 comprenait des réductions d’impôts, une hausse des dépenses sociales et de nouveaux investissements dans les infrastructures, l’innovation et le développement de pôles technologiques. Puis, face au choc provoqué par l’épidémie de coronavirus, le gouvernement a annoncé deux vastes plans de relance : le premier en février, le deuxième début avril. Ces plans prévoient surtout des mesures ponctuelles permettant de limiter le recul de la demande intérieure à court terme. Par la suite, le gouvernement devra compléter son programme budgétaire par des mesures plus structurelles visant notamment à améliorer le système de protection sociale et l’accès au logement, ce qui permettra de soutenir la consommation privée et de renforcer les perspectives de croissance à moyen terme.
Le plan de relance budgétaire introduit pour l’exercice 2019/20 représentait 1,3% du PIB. Les deux plans de soutien introduits depuis février représentent au total 10% du PIB. Ils visent, d’une part, à renforcer le dispositif de lutte contre les épidémies avec la création d’un Fond dédié (HKD 30 mds, soit 1% du PIB) et, d’autre part, à aider les entreprises et les ménages et compenser leurs pertes de revenus, stimuler la demande et encourager un redémarrage rapide de l’activité. Les mesures incluent : 1) un versement de HKD 10 000 (près de USD 1 300) en liquide à chaque résident adulte, pour un montant total de HKD 71 mds (2,5% du PIB) ; 2) des réductions fiscales et autres allègements de frais (services publics, loyers des logements sociaux, etc.) pour un montant total de HKD 81 mds (2,8% du PIB) ; 3) des subventions aux entreprises pour les aider à payer les salaires pendant six mois, pour un total de HKD 80 mds (2,8% du PIB) ; 4) des mesures d’aide ciblée aux secteurs les plus fragilisés (tourisme, construction, etc.) pour un total de HKD 21 mds (0,7% du PIB) ; et 5) un programme de création d’emplois temporaires, pour un montant de HKD 6 mds (0,2% du PIB).
La politique monétaire a également été assouplie, Hong Kong suivant les décisions de la Fed américaine dans le cadre de son régime de Currency Board. Le taux de base a ainsi été abaissé de 2% à 0,86% au cours du mois de mars. Les autorités ont également introduit des programmes de prêts aux PME (à taux bas, garantis par le gouvernement) et ajusté les normes prudentielles des banques pour les inciter à assurer la couverture des besoins de financement des entreprises et des ménages à court terme.
Des finances publiques solides face au choc
Le gouvernement devrait afficher un déficit de 1,3% du PIB sur l’exercice budgétaire 2019/20 (qui se termine le 31 mars 2020) : il s’agit du premier déficit enregistré depuis 2003. Pour l’année 2020/21, le déficit devrait atteindre 10% du PIB. Le déficit devrait ensuite diminuer dans un contexte de redressement de l’activité et d’ajustement de la politique budgétaire. Le gouvernement prévoit néanmoins que les finances publiques restent déficitaires sur les cinq prochaines années.
En 2019/20, les revenus totaux du gouvernement ont chuté de 5% pour représenter moins de 20% du PIB (première estimation), les recettes fiscales ayant souffert de la récession et de la correction sur les marchés boursier et immobilier. Les dépenses se sont accrues de 15%, avec une accélération au T1 2020 liée au plan de relance. En 2020/21, les revenus devraient se réduire fortement et les dépenses augmenteront pour atteindre un niveau sans précédent, proche de 28% du PIB – contre 19% en moyenne sur les cinq dernières années (graphique 3).
Le gouvernement bénéficie d’une importante marge de manœuvre pour absorber le dérapage de ses finances à court et à moyen terme. Une solide tradition de discipline budgétaire lui a permis de dégager des excédents sur les quinze dernières années, en dépit de la volatilité des revenus (qui reposent sur les impôts, les droits de timbres et les revenus sur les ventes de terrains). Le gouvernement a pu accumuler des réserves budgétaires très confortables. En 2019/20, elles représentaient 39% du PIB et 23 mois de dépenses budgétaires (contre 13 mois en 2004/05). Ces réserves financeront, au moins en partie, les déficits à venir, et vont donc se réduire au cours des prochaines années. Elles pourraient passer sous 15 mois de dépenses budgétaires à la fin de l’année 2020/21, ce qui reste un matelas de sécurité encore confortable. Le gouvernement central pourrait aussi choisir d’émettre des obligations. Sa dette est minimale, largement couverte par ses actifs ; d’une part, son obligation internationale émise en 2004 est arrivée à échéance en 2019 ; d’autre part, les obligations émises dans le cadre de programmes de développement du marché local (qui ne sont pas utilisées pour financer le budget) représentent moins de 5% du PIB.
En revanche, l’endettement des entreprises (226% du PIB en septembre 2019) et des ménages (79%) est très élevé et constitue une source de vulnérabilité dans le contexte actuel. Les difficultés de paiements vont s’accroître en dépit des mesures d’aide proposées par les autorités et par les créanciers. La performance des banques devrait se détériorer, mais le système financier dans son ensemble est solide. Il dispose de fonds propres et de niveaux de liquidité suffisamment confortables pour résister au choc.