Une reprise meilleure que prévu début 2021
Au début de 2021, la croissance économique a été supérieure aux prévisions. Au premier trimestre, le PIB réel a augmenté de 0,1%, contre -1,8% au T4 2020. La demande intérieure a amputé la croissance de 0,1%, tandis que la variation des stocks a représenté un apport positif de 0,6%. La contribution des exportations nettes a été négative, les importations augmentant davantage que les exportations. La croissance du PIB annuel est ressortie ainsi à -0,8 %, contre -6,5% au T4 2019.
Au T1, la reprise a été inégalement répartie, avec un rebond plus rapide de l’industrie et du bâtiment tandis que les difficultés ont persisté dans les services. La construction a ainsi retrouvé ses niveaux antérieurs à la pandémie, avec une hausse de 8 % par rapport au T4 2019, grâce aux mesures budgétaires adoptées pour améliorer l’efficacité énergétique et parasismique des bâtiments. Par ailleurs, la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a enregistré une troisième hausse consécutive (+0,7%) tout en se maintenant à environ deux points de pourcentage en dessous du T4 2019. L’industrie italienne a bénéficié du redressement de la demande mondiale, les exportations ayant retrouvé leur niveau antérieur à la pandémie. La production d’intrants intermédiaires a fortement augmenté, notamment celle de produits en caoutchouc, en plastique et métalliques non minéraux (plus de 4%), et celle de produits chimiques (environ 2%).
Toujours au T1, sous l’effet d’une demande intérieure toujours aussi décevante, la valeur ajoutée des services est restée près de 8% en dessous du niveau enregistré au T4 2019. Le commerce, le transport et l’hébergement ont accusé une contraction d’environ 2%, absorbant largement la légère reprise des activités financières et des services d’information et de communication.
consommation atone et vigueur de l’investissement
Au premier trimestre, du fait de l’évolution décevante du revenu, la consommation a baissé de 1,2%, obérant la croissance du PIB de 0,7%. La situation sur le marché du travail reste incertaine. Au T1, le nombre de personnes occupant un emploi a baissé davantage que celui des heures travaillées, avec environ 1,7 million d’emplois en moins qu’au T4 2019. Les salaires horaires ont progressé de 0,6% en base annuelle, soit moins que l’inflation. La dépense privée continue de se heurter à la propension toujours élevée des ménages à épargner, toujours inquiets de l’évolution de la pandémie et des restrictions imposées pour limiter la propagation du virus. Sur la période janvier-mars, les dépôts bancaires des ménages ont augmenté de près de EUR 20 mds.
Au T1, la reprise italienne a eu principalement pour moteur le fort rebond de l’investissement (+4% t/t), avec une contribution positive de 0,7% à la croissance du PIB, atteignant ainsi le plus haut niveau de ces dix dernières années. Les dépenses en machines-outils et équipements ont augmenté de 3,5% et celles dans le bâtiment, d’environ 5%.
Les entreprises italiennes ont bénéficié des mesures mises en œuvre pour prévenir un resserrement généralisé du crédit comme les prêts bancaires garantis par l’État. Malgré un taux d’endettement en hausse d’environ deux points de pourcentage en 2020, la situation financière des sociétés non financières s’est renforcée. Les dépôts des entreprises ont grimpé à EUR 480 mds, 38% du total des dettes financières, soit environ deux fois plus qu’en 2008.
Renforcement de la reprise
La croissance économique devrait se renforcer dans les prochains mois. Porté par l’accélération du programme de vaccination et une amélioration significative des perspectives en matière de santé, l’optimisme des consommateurs et des entreprises est en hausse.
La dépense privée bénéficie non seulement de l’allégement des mesures restrictives sur la mobilité mais aussi de l’évolution des revenus et d’une propension accrue à consommer. En avril, le nombre d’actifs occupés et celui des actifs sans emploi ont augmenté tandis que celui des inactifs a diminué. Un recours plus large aux prêts bancaires soutient également la consommation. Le taux de croissance annuel du crédit à la consommation des banques est ainsi passé de -3% au début de 2021 à +0,3% en avril. De janvier à avril, le commerce de détail a progressé de 8,4% en g.a., avec une demande plus forte pour les produits non alimentaires. En mai, le PMI des services est revenu en territoire positif. L’industrie manufacturière continue de profiter de l’évolution favorable du commerce international. En avril, les exportations ont grimpé de près de 3,5% (m/m). Les ventes italiennes à l’étranger ont entièrement rattrapé les pertes accumulées pendant la première partie de la crise, soutenant la production industrielle, qui a progressé de près de 2% (m/m) en avril.
Érosion démographique et vieillissement de la population
La pandémie de Covid-19 a montré à quel point il était important de bien appréhender la pyramide des âges pour renforcer la résilience du système de santé et adapter les programmes éducatifs aux différents groupes d’âge, de manière à leur donner les compétences appropriées pour entrer sur le marché du travail ou s’y maintenir, tout en assurant une bonne productivité.
L’Italie est l’un des pays les plus exposés à la hausse du nombre de personnes âgées, proportionnellement aux autres cohortes d’âges, ainsi qu’à l’érosion démographique. La population diminue depuis sept années consécutives : elle s’élève à 59?258?000 habitants en 2021, soit 384 000 de moins qu’en 2019, principalement en raison de la baisse du taux de natalité. En 2020, seules 404 000 naissances ont été enregistrées, soit environ un tiers de moins qu’en 2008, où elles avaient atteint leur point culminant à 577 000. La chute de la natalité s’explique à la fois par des facteurs « structurels » c’est-à-dire une diminution de la population féminine en âge de procréer (fixé par convention entre 15 et 49 ans) et par la baisse de la propension moyenne à avoir des enfants. Selon les estimations, si le taux de fécondité s’était maintenu au niveau de 2019, où 420 000 naissances ont été recensées, il y aurait eu, en 2020, environ 413 000 nouveau-nés. L’effet structurel lié au seul vieillissement des femmes a entraîné une diminution, toutes choses égales par ailleurs, d’au moins 7?000 naissances. Le reste des 9?000 naissances manquantes par rapport à 2019, serait le fait d’une moindre propension à avoir des enfants.
En effet, après avoir atteint un pic de 1,46 enfant par femme en 2010, le taux de fécondité total en Italie a suivi une tendance à la baisse pour aboutir à 1,24 naissance par femme en 2020 (la deuxième plus faible valeur des vingt dernières années, après celle de 2003). La chute du taux de natalité concerne toutes les régions du pays. La pandémie de Covid-19 a ainsi stoppé l’allongement progressif de l’espérance de vie. Après une progression extraordinaire depuis 1950 (où elle était de 66,5 ans en moyenne), l’espérance de vie à la naissance s’est établie, en 2020, à 82 ans, soit 1,2 an de moins qu’en 2019. Plus précisément, elle est passée à 79,7 ans pour les hommes (1,4 an de moins que l’année précédente) et à 84,4 ans pour les femmes (un an de moins qu’en 2019).
L’augmentation de l’espérance de vie au fil des ans a conduit à un accroissement significatif de la part des personnes âgées dans la population totale : en particulier, le pourcentage des plus de 65 ans, qui était de 8,1% de la population italienne totale en 1950, est passé à 23,5% en 2020. Ce chiffre devrait, selon les prévisions, augmenter jusqu’en 2049 (où ce groupe d’âge pourrait représenter 33,9% de la population totale) et diminuer progressivement ensuite. En revanche, entre 1950 et 2020, la part des 0-14 ans a été plus que divisée par deux, passant de 26,7 % à 11,8% de la population italienne. En janvier 2021, l’Italie comptait 17?935 centenaires.
L’analyse de la relation entre la pyramide des âges et la qualité du capital humain revêt en Italie une grande importance en raison, à la fois, de la présence grandissante des travailleurs âgés dans le système de production et du niveau d’éducation moyen des actifs, qui reste faible, même s’il augmente dans les cohortes plus jeunes. L’âge moyen des actifs italiens reflète clairement celui de l’ensemble de la population. D’après les dernières données de l’Istat, plus de 33% des personnes employées dans les entreprises italiennes ont plus de 50 ans, 52,6% ont entre 30 et 49 ans et 13,6% seulement sont âgées de 15 à 29 ans.
La forte participation des plus de 50 ans au monde de l’entreprise n’est pas un problème en soi ; toutefois, conjugué à un faible niveau d’éducation, comme c’est le cas en Italie, cela peut avoir des conséquences négatives sur la productivité et la propension à innover. Selon les données de l’Istat, seuls 5,1% des employés des entreprises italiennes ont suivi des études supérieures ou obtenu un diplôme universitaire, ce qui représente un taux extrêmement bas, contre 4,7% qui n’ont pas été scolarisés ou qui ont, au plus, obtenu un diplôme de fin de cycle primaire, et 35,9% qui sont titulaires d’un diplôme du premier cycle du secondaire. Comme on pouvait s’y attendre, les employés les moins qualifiés (école primaire ou aucune qualification) sont surtout des seniors (69,4% ont plus de cinquante ans). Cependant, leur part n’est pas négligeable non plus chez les 30-49 ans (plus de 27%) tandis qu’elle est assez faible chez les plus jeunes (environ 3%).
paolo.ciocca@bnlmail.com
simona.costagli@bnlmail.com