Eco Emerging

Trou d’air passager

20/07/2020
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Forte récession au 2e trimestre

Au sein de l’Union européenne, la Pologne est l’un des pays qui ont vu leur PIB se contracter le moins sévèrement au 1er trimestre 2020. Cela reflète le dynamisme résilient de l’économie qui ne se dément pas depuis maintenant près d’une quinzaine d’ans. Ainsi, la part de l’industrie manufacturière polonaise dans celle de l’ensemble de l’UE est passée de 2,2% en 2004 à 4,5% en 2019. Toutefois, le PIB enregistrera en 2020 avec -3%, sa première contraction en moyenne annuelle depuis 1991.

PRÉVISIONS

Le pays est parvenu à maintenir relativement sous contrôle l’épidémie de Covid-19, avec 900 cas pour 1 million d’habitants, au prix d’un confinement qui a débuté à la mi-mars et durci dans les semaines qui ont suivi. À partir de début mai, l’essentiel des restrictions ont été graduellement levées.

PRODUCTION MANUFACTURIÈRE ET PRODUCTION ANTICIPÉE

Au 2e trimestre, la Pologne a subi un double choc de demande, sur la demande extérieure (baisse de 30% des exportations en avril), mais également sur la demande domestique, bien que de façon plus atténuée. Les ventes au détail en volume ont ainsi reculé de près de 10% ce même mois, avant de revenir à la normale en mai.

La production manufacturière a chuté de 27% en glissement sur un an en avril 2020, un rythme voisin de celui de la moyenne de l’Union européenne, mais moindre que dans les autres pays d’Europe centrale (où le poids du commerce extérieur est plus élevé). En mai, la production a quelque peu repris, mais elle est restée -17% en deçà du niveau de mai 2019. Juin devrait encore rester en dessous de la normale malgré une plausible nouvelle accélération.

Les signes de récupération au 3e trimestre sont plus francs, avec l’anticipation, dans les enquêtes, d’un rebond de la production dans le secteur manufacturier, et d’un autre – léger – de la confiance des ménages. Les perspectives d’investissement seront néanmoins plus durablement affectées.

Malgré le fort à-coup conjoncturel récent, la convergence du niveau de vie des Polonais vers la moyenne européenne n’est pas remise en cause : il a atteint 76% de cette moyenne fin 2019, contre 61% dix ans plus tôt.

D’autres cercles vertueux devraient faciliter la sortie de récession. Premièrement, la baisse du prix du pétrole (qui pourrait atteindre USD 38 le baril en moyenne en 2020, contre 64 en 2019) devrait permettre à l’excédent courant de se renforcer à 2,2% du PIB (0,5% en 2019), et à l’inflation de passer sous les 2% au dernier trimestre 2020 après un pic à 4,6% au 1er trimestre. La désinflation sera un soutien notable au pouvoir d’achat des ménages.

Deuxièmement, malgré l’assouplissement monétaire en cours, ces cercles vertueux et un écart de rendements obligataires positif par rapport à la zone euro devraient continuer d’attirer des capitaux et donc de soutenir le zloty, Ce dernier devrait se réapprécier par rapport à sa parité actuelle de 4,35 PLN pour un euro.

Soutien conséquent du policy-mix

La Pologne disposait d’un avantage lorsque la crise de la Covid-19 a éclaté : ses marges de manœuvre tant budgétaires que monétaires. Ainsi, la dette publique n’avait cessé de diminuer depuis 2016, pour atteindre 46% du PIB en 2019.

Avec la crise sanitaire, des mesures budgétaires ont rapidement été prises. Elles ont consisté principalement dans l’octroi d’aides directes, le report de charges pour les entreprises et l’indemnisation du chômage partiel, pour un total atteignant près de 4,5% du PIB. De plus, des fonds hors budget ont été avancés, près de 4,5% du PIB par l’intermédiaire du fonds de développement polonais, grâce à des émissions obligataires avec la garantie de l’État. Enfin, des prêts garantis ont également été consentis pour un total proche de 3 points de PIB par l’intermédiaire de la banque publique BGK (pouvant aller jusqu’à 4,5 points).

Les finances publiques devront composer avec une sous-activité qui devrait s’étaler jusqu’à la mi-2021, ce qui laisse prévoir un déficit public encore conséquent en 2021 (5% du PIB), après déjà -7% en 2020. La crainte d’une hausse de chômage pourrait contribuer à une poursuite de l’effort budgétaire, même si cette dernière est contenue à 6% de la population active à fin mai (5% avant la Covid).

La dette publique devrait s’accroître d’environ 11 points de PIB à l’horizon 2021. Toutefois, la relance monétaire a permis de lever toute crainte sur la capacité d’absorption des émissions de dette supplémentaires par le marché. La banque centrale a initié un programme d’achat de titres publics, qui a déjà atteint près de PLN 100 mds entre la mi-mars et la fin mai (15% du total de l’actif de la banque centrale), couvrant un peu plus de la moitié des émissions. La poursuite de ces achats, qui ne sont pas limités dans leur ampleur, réduit nettement l’appel au marché. En complément, la banque centrale a également mis en œuvre une baisse des taux directeurs, qui sont désormais proches du plancher des taux zéro (0,1%).

En conséquence, la relance budgétaire mise en œuvre face à la pandémie de Covid n’a pas empêché la baisse des rendements obligataires à 10 ans, à 1,35% à fin juin contre plus de 2% fin février. La perspective d’une inflation durablement plus basse augure du maintien de ces taux longs à un niveau raisonnable.

En parallèle, le gouvernement a fait appel au soutien des banques, avec notamment le report conditionnel des échéances de remboursement de prêts de trois mois pour les ménages et les entreprises qui en feraient la demande. Avant la pandémie de Covid19, les banques étaient plutôt bien capitalisées, avec un ratio de fonds propres CET1 à 16,3% au 3e trimestre 2019. Cela a permis la suspension des contraintes réglementaires en la matière (telle que la surcharge de 3 points en capital pour risque systémique) et la gamme des collatéraux admissibles a été élargie.

Du vent dans les mollets

Au-delà d’une sous-utilisation des capacités de production qui devrait perdurer jusqu’à la mi-2021, la Pologne présente nombre d’atouts pour retrouver le chemin de la croissance. Le marché du travail est structurellement dynamique depuis 2015 grâce aux gains de productivité et aux créations d’emplois associées, ce qui a permis une baisse du chômage en-deçà de la barre des 10%.

BANQUE CENTRALE : ACTIFS DOMESTIQUES (MDS PLN)

L’avantage compétitif de l’industrie (25% de l’économie) s’est accentué ces dernières années grâce à des gains de productivité supérieurs à la moyenne européenne (30% contre 9%) entre 2010 et 2019, ainsi que la stabilité du taux de change effectif réel polonais sur la même période.

Par ailleurs, l’industrie polonaise est montée en gamme. Les indicateurs de complexité des exportations montrent que la Pologne a progressé et talonne désormais la Slovaquie. Dans le secteur automobile, près de 60% de la valeur d’une exportation est créée en Pologne, la proportion la plus élevée du Groupe de Višegrad (qui comprend également la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque).

Au-delà de ces éléments, la poursuite du développement industriel de la Pologne pourrait se heurter à la pénurie de main-d’œuvre observée au cours des dernières années. Il convient toutefois de noter que la part de l’emploi dans l’agriculture reste relativement élevée. Avec l’accroissement de la productivité, on peut estimer à un peu plus de 1 million le nombre d’emplois qui pourraient être libérés lorsque la part de l’emploi agricole aura rejoint celle des pays de l’UE qui ont achevé cette transition.

La transition énergétique est un autre virage que la Pologne se doit de prendre afin de maintenir son avenir industriel. Le pays doit relever deux défis : réduire le poids de son industrie lourde (métallurgie, notamment) et, surtout, celui du charbon dans la consommation d’énergie (70% actuellement). La transformation du secteur industriel implique celle des habitudes de consommation car, à la différence des autres pays d’Europe centrale, la consommation locale est le principal débouché de l’industrie. De premières avancées ont été réalisées avec l’adoption, en 2018, d’une loi sur l’ « électromobilité », les carburants alternatifs et le lancement de la production de véhicules électriques. Un plan de promotion des énergies renouvelables a pour objectif d’en accroître les capacités de production de 65% d’ici à 2024.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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