Selon la Commission européenne, après épuisement de ces amortisseurs, entre 25 % et 35 % des entreprises de l’UE connaîtraient une pénurie de liquidité allant de EUR 350 à EUR 500 mds. Cela pourrait concerner de 180?000 à 260?000 sociétés employant entre 25 et 35 millions de personnes[2]. Si la difficulté à couvrir la pénurie de liquidité, par le biais à la fois de la recapitalisation et des emprunts supplémentaires, s’aggravait, le problème pourrait s’étendre aux ménages, confrontés à la hausse du chômage.
Certes, la couverture des besoins financiers éviterait une spirale négative - des pertes conduisant à des licenciements, à une baisse de la consommation et à des pertes accrues - néanmoins un endettement durablement très élevé des entreprises risque d’agir comme un frein sur la croissance[3]. L’un des principaux canaux de transmission est l’investissement. Les entreprises fortement endettées pourraient avoir du mal à obtenir des prêts pour financer des projets d’investissement, être confrontées à des coûts d’emprunt plus élevés ou encore à un durcissement des clauses de prêt (covenants). Les dirigeants pourraient aussi se montrer plus prudents afin d’éviter, qu’en cas d’investissements ne répondant pas à leurs attentes, la santé de leur entreprise soit menacée.
On peut cependant soutenir des arguments opposés. Dans un environnement de taux d’intérêt bas, la quête de rendement amènera les investisseurs à devenir de moins en moins exigeants en investissant dans des prêts à clauses allégées (covenant-lite). Les dirigeants de sociétés très endettées pourraient opter pour le «?tout ou rien?» et choisir des investissements plus risqués dès lors que leur rémunération dépend de la performance boursière de l’action de leur entreprise. Lorsque l’effet net est théoriquement ambigu, la recherche empirique peut apporter une réponse. La Banque d’Angleterre a ainsi constaté que, pendant la crise financière mondiale et la phase de reprise qui a suivi, les entreprises britanniques ayant une solide trésorerie ont investi nettement plus que celles qui manquaient de liquidités : «?Un niveau élevé de liquidités au bilan confère aux entreprises, lors du retournement du cycle du crédit, un avantage compétitif qui dure bien au-delà des années de crise?»[4]. La recherche récente[5], basée sur des données recueillies au niveau des entreprises, montre que, pendant la crise de la dette souveraine dans la zone euro, les sociétés ayant un endettement plus élevé ont davantage réduit leurs investissements que les autres, en particulier dans les pays périphériques. Cet effet négatif, qui a persisté les quatre années qui suivirent la crise, explique environ 40 % de la baisse observée de l’investissement des entreprises.