L’économie française est traversée par des tendances contradictoires qui peuvent en compliquer la lecture. Alors que les taux d’intérêt remontent et que l’inflation a atteint un nouveau pic en février, la croissance a retrouvé quelques couleurs au 1er trimestre, avec 0,2% t/t, après deux trimestres de quasi-stagnation.
Première évolution marquante : les exportations ont soutenu la croissance française au 1er trimestre, notamment l’augmentation de celles des matériels de transport (+9,5% t/t), malgré une croissance modérée en zone euro tant au 4e trimestre 2022 (0%) qu’au 1er trimestre 2023 (0,1%),
Le motif principal de ce rebond tient dans la réduction des contraintes d’approvisionnement qui freinaient la production. En conséquence, la production automobile n’était plus inférieure à son niveau d’avant Covid que de seulement 0,5% en février 2023, contre encore près de 25% il y a un an.
La production aéronautique a également progressé : en février, son niveau a été inférieur de 25% à celui d’avant-Covid, contre 35% un an auparavant. Toutefois, les retards de production et de livraison sont encore notables, ce qui suggère un rebond qui devrait se poursuivre dans les prochains trimestres.
Deuxième évolution marquante : la consommation alimentaire par habitant a atteint son plus bas niveau depuis 1987, après une inflation alimentaire qui a culminé à 15,8% a/a fin mars.
Hors, la comptabilité nationale corrige ses statistiques de consommation de la qualité de ce qui est consommé. Lorsque le niveau de gamme baisse, ce qui est le cas en période d’inflation, c’est donc comme si les ménages consommaient moins. En complément, cette baisse de la consommation peut également s’expliquer par une « véritable » baisse des quantités achetées.
Distinguer ce qui provient de l’un ou l’autre de ces deux effets est difficile. Selon nos estimations, près du tiers de la baisse de 8,3% a/a observée au 1er trimestre 2023 correspondrait à un effet « qualité » et près des deux-tiers à une diminution de la quantité achetée. Une baisse qui ne devrait se résorber que progressivement, à mesure que l’inflation s’atténuera.
Cette désinflation a toutefois débuté : les prix des produits frais, poussés à la hausse jusqu’en mars par la proportion plus élevée d’aliments cultivés sous serre en hiver, ont commencé à se replier de 3,3% en avril. Un potentiel additionnel de baisse existe, puisque leurs prix restent supérieurs de 7,5% à leur niveau de décembre 2022. C’est pourquoi nous pensons que la consommation alimentaire est proche d’avoir atteint son point bas.
Troisième évolution marquante : la baisse de l’investissement des ménages. Cet investissement avait déjà été touché par le renchérissement des prix immobiliers, ainsi que par la fin de l’effet post-Covid qui avait vu davantage de ménages réaliser un projet immobilier.
La hausse des taux d’intérêt a provoqué une accélération de ce repli. Ainsi, le repli accumulé de l’investissement des ménages atteint 4,1% a/a au 1er trimestre 2023, une baisse qui pèse plus particulièrement sur le logement individuel. En toute logique, la proportion de ménages déclarant une intention d’achat immobilier dans les deux ans est passée de 12% en janvier 2022 à 8,5% en avril 2023.
Dans les trimestres qui viennent, la croissance française devrait être contrainte par une transmission plus conséquente à l’économie de la hausse des taux d’intérêt et par une désinflation qui sera graduelle. Autant d’éléments qui nous conduisent à anticiper une croissance de seulement 0,5% en 2023.