Inflation : le policy mix à l’épreuve
L’inflation, malgré un léger repli, reste élevée (11,7% en g.a en mai) et continue de se généraliser. La détente, observée depuis début juin, du prix de certaines matières premières et les réductions d’impôts annoncées récemment par le gouvernement pourraient agir favorablement sur les composantes les plus volatiles des prix à court terme[1]. Toutefois, le processus de désinflation devrait être lent. Il est contraint par i/ les effets de diffusion à l’ensemble des secteurs (72% des articles du panier de consommation à l’exclusion des biens alimentaires ont vu leur prix augmenter en mai, notamment dans les services), ii/ des pratiques d’indexation généralisée, et iii/ de la hausse des pressions salariales dans le secteur privé.
À environ trois mois de l’échéance électorale, les autorités s’inquiètent de la montée de l’insécurité alimentaire et des tensions sociales. Les augmentations de salaires limitées au sein de la fonction publique[2] ont conduit à des grèves (y compris au sein de la banque centrale qui a interrompu les publications de données et autres rapports il y a plusieurs mois). Des mesures de soutien (non ciblées) ont été déployées depuis le début de l’année. En mars, des assouplissements règlementaires devaient permettre d’injecter BRL 150 mds (1,7% du PIB) dans l’économie pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages (e.g. autorisation de retraits anticipés des comptes FGTS – fonds liés aux indemnités de licenciement, paiement anticipé de certaines prestations de retraites, etc.). Le gouvernement a ensuite annoncé une baisse d’impôts liés à la production (notamment pour limiter la hausse du prix des intrants dans l’agriculture) et proposé des réductions d’impôts sur le carburant, l’électricité et les télécommunications[3] (dont le coût est estimé à BRL 17 mds, environ 0,2% du PIB).
Par ailleurs, les autorités ont proposé, fin juin, des mesures plus ciblées pour un coût d’environ BRL 40 mds (0,45% du PIB) : i/ élargir la liste de bénéficiaires du programme Auxilio Brasil (ancien Bolsa Familia) d’environ 1,6 million de personnes et accroître de 50% les transferts mensuels (à hauteur de BRL 600 par mois), ii/ permettre aux personnes agées de bénéficier de la gratuité des transports, et iii/ revaloriser une nouvelle fois l’aide aux chauffeurs routiers[4]. Le coût de l’opération devrait toutefois enfler davantage – le Congrès ayant proposé des transferts supplémentaires pour les taxis et les petits agriculteurs. L’opération serait financée par les recettes de privatisation liées à la vente d’Électrobras ainsi que le versement de dividendes par Petrobras.
Le gouvernement a dû déposer un amendement constitutionel (motivé par un « état d’urgence ») pour que ces nouvelles dépenses ne soient pas comptabilisées dans le plafond des dépenses. Les autorités encourent le risque que la multiplication de mesures fiscales (pour certaines, permanentes) ou l’assouplissement du cadre budgétaire (e.g. révision des règles de calcul du plafond des dépenses fin 2021 et dépôt du récent amendement constitutionnel pour contourner la règle budgétaire) n’entraînent une remontée trop importante des taux long réels (ces derniers sont déjà près de deux fois supérieurs à ce qu’ils étaient au lendemain de la réforme des retraites, fin 2019).
Le soutien budgétaire représente un casse-tête pour la banque centrale (BCB), laquelle vient d’engager un ralentissement de son rythme de resserrement monétaire. À la mi-juin, la BCB a remonté son taux directeur (Selic) de 50 points de base (pb) à 13,25% (soit la 11e hausse consécutive depuis mars 2021) et le durcissement devrait se poursuivre. Le contexte inflationniste pourrait contraindre la BCB à maintenir son taux directeur à un niveau élevé tant que les anticipations d’inflation ne convergeront pas vers la cible à horizon 2024 (3%).
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