Les pays du Golfe - Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar - bénéficient d’une conjoncture économique très porteuse. La discipline du cartel des pays producteurs de pétrole et les tensions géopolitiques internationales maintiennent les prix du pétrole et du gaz à un niveau élevé, ce qui est favorable aux comptes budgétaires et extérieurs de pays toujours très dépendants de la rente pétrolière. Contrairement aux précédentes périodes d’embellie économique, il semble que la plupart des gouvernements maintiennent une certaine discipline budgétaire qui, à moyen terme, devrait réduire la vulnérabilité aux variations des revenus pétroliers. À plus long terme, le changement climatique et la transition énergétique constituent un défi existentiel pour ces économies basées sur l’exploitation des hydrocarbures. Tandis que les conditions de production sont favorables au maintien de la rente pétrolière dans un premier temps, les perspectives ouvertes par les alternatives aux hydrocarbures restent pour le moment très incertaines.
Depuis environ une décennie, les pays du Golfe (CCG) font face à deux phénomènes majeurs : d’une part, les bouleversements du marché pétrolier à partir de 2014 aux conséquences macroéconomiques douloureuses, et d’autre part, la prise de conscience accrue des conséquences du changement climatique. Ce dernier tend à accélérer la transition énergétique, source de bouleversements majeurs pour ces économies structurellement dépendantes des hydrocarbures. Ces deux contraintes ont poussé les gouvernements à agir dans deux directions : accélérer les réformes économiques afin de réduire la dépendance au pétrole, et préparer l’après-pétrole grâce à un effort de transformation des économies.
Rebond conjoncturel
Depuis 2021, le rebond des prix du pétrole a été un élément de soutien à l’activité et a sensiblement amélioré les indicateurs macroéconomiques dans le Golfe. Néanmoins, cette embellie fait suite à cinq années difficiles pendant lesquelles les déséquilibres se sont accentués et la croissance est restée inférieure aux autres pays émergents.
Une croissance en retrait des autres économies émergentes jusqu’en 2020
Les économies du Golfe ont fortement ralenti entre 2016 et 2020 en raison des conséquences de la baisse des prix du pétrole et de la pandémie de Covid-19. Sur le marché du pétrole, le développement du pétrole de schiste a permis aux États-Unis de reprendre une place majeure sur le marché pétrolier mondial (devenant le premier producteur mondial à partir de 2017) et a amené les producteurs du Golfe à renforcer l’influence du cartel de l’OPEP en l’élargissant à d’autres pays producteurs (principalement la Russie), et à réduire leur production de pétrole afin de soutenir les prix. Par ailleurs, la récession économique mondiale de 2020 a significativement réduit la demande d’énergie et a forcé à nouveau les producteurs à restreindre leur production.
Ainsi, dans le Golfe, la production de pétrole brut a été réduite de 10% entre 2016 et 2020. Sur cette période, le PIB pétrolier (environ 37% du PIB total en moyenne durant cette période, il inclut certains produits raffinés dérivés du pétrole) s’est replié de 1,1% alors qu’il avait progressé de 4,3% au cours des cinq années précédentes. Dans le même temps, la baisse des prix a entraîné une chute de 45% des recettes cumulées d’exportation pétrolière entre 2011-15 et 2016-20.
Dans ce contexte défavorable, les économies du Golfe ont enregistré une croissance inférieure à celle de l’ensemble des pays émergents et en développement (PEMD). Selon le FMI, ces derniers ont progressé de 4,4% en moyenne entre 2016 et 2019, contre 1,3% pour les pays du Golfe, et 1,6% si on ne prend en compte que le PIB non pétrolier. Cette sous-performance souligne, sans surprise, la persistance du lien entre revenus pétroliers et activité économique dans le Golfe. En 2020, malgré le rôle relativement limité joué par le secteur des services dans la formation du PIB, la récession a été plus prononcée dans le Golfe que pour l’ensemble des pays émergents (-4,6% dont -4,3% pour le PIB non pétrolier contre -1,9% pour le PIB des PEMD). La réduction du nombre de travailleurs expatriés dans un contexte de pandémie a pu être un facteur d’accélération de la récession.
Reprise économique modérée
Avec la reprise économique mondiale amorcée en 2021, le marché pétrolier est redevenu beaucoup plus favorable aux pays producteurs.
Dans ce contexte, la production pétrolière du cartel élargi OPEP+ a pu repartir à la hausse à partir de mi-2021, principalement en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU) qui disposent des principales capacités de production non utilisées et mobilisables à court terme. Néanmoins, les économies du Golfe sont restées largement à l’écart de la reprise économique constatée dans le reste du monde. Tandis que le rebond atteignait 6,8% en moyenne pour les PEMD, il n’était que de 2% en moyenne dans le Golfe (4% pour les secteurs non pétroliers). Ce n’est qu’en 2022 que la croissance sera supérieure à celle des autres pays émergents (6% dans le Golfe contre 3,8% pour les PEMD), principalement grâce à l’augmentation de la production pétrolière.
Au cours de la dernière décennie, malgré les investissements importants dans le domaine des infrastructures (notamment liés aux programmes de type « Vision 2030 ») et les progrès réalisés dans la diversification économique, la dépendance au pétrole a peu diminué, ce qui freine la croissance. La relative modération de la croissance hors hydrocarbures s’explique notamment par les difficultés durables du secteur immobilier (qui, après avoir été un moteur économique dans le Golfe durant la décennie 2000-10, souffre d’une surabondance de l’offre depuis de nombreuses années[1]) et une politique budgétaire moins pro-cyclique depuis quelques années.
À ces facteurs structurels s’ajoute actuellement la hausse des taux d’intérêt directeurs dans l’ensemble de la région, l’ancrage des monnaies sur le dollar US obligeant les autorités monétaires nationales à suivre la politique monétaire américaine, même si les pressions inflationnistes y sont moindres.
Les conséquences de ce durcissement monétaire sur l’activité devraient être limitées, comme le suggère une analyse de l’International Institute of Finance[2] sur le lien entre la hausse des taux américains et la croissance du PIB hors hydrocarbures. En effet, cette relation est d’autant plus faible que les prix du pétrole sont élevés, ce qui est le cas actuellement.
L’inflation reste sous contrôle
Dans un environnement international caractérisé par de fortes pressions inflationnistes, celles-ci devraient rester modérées en 2022, autour de 3,6% en moyenne dans l’ensemble de la région (contre 9,9% attendu pour les PEMD selon le FMI). Les prix des biens alimentaires et, dans une moindre mesure, le coût du logement sont les principaux moteurs de la hausse des prix. La composante « logement » croît d’une manière inégale suivant les pays, mais le mouvement de hausse est général après de nombreuses années de baisse ou de stagnation des prix.
La relative modération des pressions inflationnistes s’explique principalement par trois éléments : le maintien de subventions ou de prix plafond sur certains types de biens (biens essentiels ou carburants par exemple), l’absence de pression à la hausse sur les loyers dans un contexte où l’offre reste malgré tout excédentaire, l’appréciation du dollar américain et la modération induite de l’inflation importée. Le repli des prix mondiaux des matières premières agricoles au cours du second semestre 2022 et les perspectives de croissance mondiale défavorables en 2023 devraient contribuer à la réduction des pressions inflationnistes en 2023 (2,6% en moyenne annuelle attendu contre 8,1% pour les PEMD).
Rétablissement des comptes publics
À partir de 2021, la hausse des prix du pétrole a permis aux finances publiques de sortir de sept années de dégradation continue. Depuis 2015, les déficits budgétaires sont récurrents et assez élevés (5,1% en moyenne entre 2015 et 2021). La plupart des pays ont pu traverser cette période au prix d’une hausse de leur endettement net, mais sans remise en cause de leur solvabilité. Cela a été rendu possible par des actifs publics élevés, des niveaux de dette publique modérés et des conditions de financement favorables sur les marchés internationaux des capitaux.
Toutefois, la dégradation de la situation financière de Bahreïn et d’Oman, conséquence de cinq années successives de déficits budgétaires élevés, a pu soulever des interrogations quant à leur solvabilité, et leur capacité à rembourser leur dette en devises.
Entre 2015 et 2020, le déficit budgétaire a atteint en moyenne 15% du PIB à Bahreïn et 13% du PIB en Oman. Au contraire, le Qatar et les EAU ont limité les déficits budgétaires durant cette période grâce à des revenus relativement plus diversifiés et à des dépenses contenues. Les déficits ont été importants en Arabie saoudite, mais les indicateurs de solvabilité sont restés confortables.
Au Koweït, un blocage politique a provoqué des tensions temporaires sur la liquidité du gouvernement mais sans remettre en cause la solvabilité de l’État, compte tenu du niveau très élevé des actifs souverains.
À partir de 2015, les États ont procédé à des ventes d’actifs pour financer les déficits budgétaires. Néanmoins, la majeure partie a été couverte par des émissions de dette sur les marchés locaux et internationaux. Les primes de risque sont restées modérées, reflet d’une demande soutenue des investisseurs internationaux pour des signatures souveraines bien notées et mieux rémunérées que les emprunts d’État des économies avancées durant cette période.
Exprimée en pourcentage du PIB, la dette des gouvernements a été multipliée par trois entre 2015 et 2020 pour atteindre 41% du PIB en moyenne. Elle a doublé à Bahreïn pour atteindre 130% du PIB, et a été multipliée par 4,4 en Oman s’élevant à 70% du PIB. La charge d’intérêts de la dette du gouvernement exprimée en pourcentage des revenus totaux a atteint 10% en 2021 en Oman (contre 0,4% en 2015) et 27% à Bahreïn (14% en 2015).
En 2022 et en 2023, la région devrait afficher un excédent budgétaire respectivement de 7,1% et 4% du PIB en moyenne. Ces excédents alimenteront les stocks d’actifs gouvernementaux et participeront à la baisse modérée de la dette des gouvernements amorcée en 2021.
En effet, la priorité des gouvernements n’est pas de réduire la dette mais plutôt d’en améliorer le profil en continuant notamment d’émettre sur des maturités plus longues si les conditions de marché sont favorables. Malgré les excédents budgétaires attendus, les gouvernements continuent d’émettre de la dette afin de développer le marché de la dette locale en augmentant sa liquidité et en diversifiant les maturités.
Ainsi, en Arabie saoudite les émissions gouvernementales de sukuk ont fortement augmenté ces dernières années. Sur les dix premiers mois de l’année, ces émissions ont atteint environ USD 20 mds (2,1% du PIB).
Des réformes favorables à moyen terme
Au-delà des aléas conjoncturels, les gouvernements ont pour la plupart mis en place des réformes susceptibles de réduire leur dépendance au pétrole. Ainsi, la diversification économique progresse. Cette progression est lente en termes sectoriel et elle reste limitée concernant les comptes extérieurs. Elle est surtout significative au niveau des finances publiques.
Une diversification de l’économie qui reste insuffisante et inégale
La diversification des économies du Golfe en dehors du secteur des hydrocarbures est une problématique récurrente depuis plusieurs décennies.
La conjugaison de revenus pétroliers volatils, facteurs de fragilité pour les finances publiques, et d’un système économique favorisant l’emploi public des nationaux (dans un contexte de pression démographique relativement forte notamment en Arabie saoudite, à Bahreïn et à Oman) ont rendu nécessaire la mise en place de politiques de diversification économique afin notamment de créer des emplois dans le secteur privé.
Selon l’indice de diversification économique[3] développé par le World Government Summit[4] (WSG), les économies du Golfe font partie de celles qui ont le plus progressé dans ce domaine depuis 2000, bien qu’elles demeurent dans le quartile des économies les moins diversifiées au niveau mondial. L’Arabie saoudite et Oman ont connu les progressions les plus significatives. En revanche, Bahreïn a peu évolué en raison d’une économie historiquement plus diversifiée, car le pays ne bénéficie pas de ressources abondantes en hydrocarbures. Selon cette étude, ce sont principalement les composantes liées à la diversification de la production et, dans une moindre mesure, le commerce extérieur qui expliquent cette évolution. La diversification des revenus gouvernementaux évolue pour sa part très faiblement.
En 2020, le PIB hors hydrocarbures représentait environ 65% du PIB total de la région, contre 60% en 2010. Oman et le Qatar ont enregistré la progression la plus significative (respectivement de 53% à 71% et de 44% à 61%), tandis que la structure des PIB de Bahreïn et des EAU n’a que peu évolué étant donné un niveau de diversification déjà élevé avant 2010 (respectivement de 79% à 81% et de 69% à 71%). En Arabie saoudite, où la question de la diversification est la plus aiguë, la part du PIB hors hydrocarbures n’a que faiblement progressé au cours de la dernière décennie (de 55% à 56%).
D’un point de vue sectoriel, la hausse de la part du PIB hors hydrocarbures dans le PIB s’est généralement réalisée au profit des services, principalement le commerce, les services financiers et ceux liés à l’immobilier. La part du secteur manufacturier (qui inclut l’aval pétrolier) est relativement stable. En Oman, la progression des services est significative (de 38% à 47% du PIB sur la décennie) et concerne avant tout, en plus des services financiers et immobiliers, le secteur public dans son ensemble. L’évolution du PIB au Qatar est plus singulière puisque, parallèlement à la baisse significative de la part du PIB pétrolier, c’est le secteur de la construction qui a le plus progressé sur la période (de 5% à 12%), en lien avec le développement accéléré des infrastructures au cours de la dernière décennie.
Cependant, les résultats de l’étude du WGS concernant la diversification du PIB sont à relativiser. Les secteurs des services et de la construction restent pour le moment étroitement liés à la conjoncture pétrolière. Le fort ralentissement de la croissance du secteur des services à partir de 2015 est ainsi concomitant avec la baisse des revenus pétroliers. Dans le secteur manufacturier, entre un tiers et la moitié de l’activité est due aux secteurs de la pétrochimie et du raffinage de produits pétroliers. Ces derniers dépendent étroitement du secteur des hydrocarbures.
Les réformes devraient réduire la vulnérabilité des finances publiques à la conjoncture pétrolière
Les changements opérés dans la gestion des finances publiques ces dix dernières années sont notables, même s’ils varient selon les pays et la dépendance aux revenus des hydrocarbures reste significative.
On constate une hausse des revenus issus de la fiscalité, une réduction de la dépendance aux variations des cours du pétrole et un effort de rationalisation du secteur public, grâce à un double mouvement de consolidation et de privatisation. La dégradation rapide des finances publiques à partir de 2015 dans l’ensemble des pays du Golfe a agi comme un révélateur pour les gouvernements et a entraîné un processus de réformes budgétaires. Contrairement aux périodes antérieures de reflux des prix du pétrole, durant lesquelles les efforts de consolidation budgétaire s’interrompaient avec la reprise du marché pétrolier, il semble que les réformes mises en place depuis environ cinq ans s’inscrivent dans la durée. Elles devraient permettre de réduire la volatilité des performances budgétaires.
Introduction d’une fiscalité hors pétrole
Depuis 2019, c’est plutôt du côté des revenus que des progrès ont été accomplis dans la diversification. En moyenne, les revenus issus des hydrocarbures représentent environ 71% des revenus budgétaires totaux durant la période 2015-21, soit environ 11 points de moins que lors des années 2008-2014. Les progrès les plus significatifs ont été réalisés par l’Arabie saoudite (-27 points) et les EAU (-22 points), tandis que la diversification a quasiment stagné en Oman et au Qatar.
L’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est pour le moment la principale mesure de diversification des revenus budgétaires. Les EAU, Oman et Bahreïn appliquent un taux de 5%, tandis que l’Arabie saoudite a augmenté ce taux à 15% en 2020. Pour le premier groupe de pays, les revenus de TVA ne sont pas très élevés (environ 1-2% du PIB), de sorte que la structure des revenus fiscaux n’a pas fondamentalement évolué. En revanche, en Arabie saoudite, la part de la taxe sur les biens et services (dont la TVA est la principale composante) est passée à 29% des revenus budgétaires totaux en 2021 contre 4,8% en 2016. Les EAU, dont le budget dépend moins des revenus d’hydrocarbures (environ 50% selon les estimations du FMI), d’autres mesures fiscales sont envisagées telle que l’introduction d’une taxe fédérale sur les bénéfices des entreprises. Ailleurs dans le Golfe, la structure des revenus n’est pas significativement modifiée pour le moment et continue de dépendre directement des hydrocarbures à hauteur de 75% environ.
Relative modération des dépenses budgétaires
Parallèlement à la diversification des revenus, la modération des dépenses permet de réduire la vulnérabilité budgétaire de ces pays aux prix du pétrole. En effet, après la hausse des dépenses à partir de 2011 (notamment pour faire face à une augmentation des pressions politiques dans la région), celles-ci se sont repliées à partir de 2015 et la chute des prix du pétrole. Les dépenses primaires (i.e. hors intérêts de la dette) en pourcentage du PIB hors pétrole se sont réduites à 49% en 2021 contre 67% en 2011. Néanmoins, des différences de niveau importantes subsistent, Bahreïn et les EAU atteignant respectivement 27% et 39% en 2021, en raison de leur économie relativement diversifiée, tandis que le ratio atteignait 94% au Koweït.
Réduction de la vulnérabilité budgétaire
La conséquence majeure de ces mesures budgétaires est une réduction de la vulnérabilité des finances publiques aux prix du pétrole que l’on mesure communément en calculant le prix du baril de pétrole qui permet d’équilibrer le budget. Ainsi, pour l’ensemble des pays ce prix est en baisse entre 2015 et 2021.
Dans le cas de l’Arabie saoudite, le prix d’équilibre est passé de 119 dollars par baril (USD/bbl) en 2014 à environ 70 USD/bbl en 2021, et cette baisse devrait se poursuivre autour de 65 USD/bbl d’ici 2023. Aux EAU, le prix d’équilibre s’est également réduit passant de 85 USD/bbl à 63 USD/bbl et devrait se situer dans un intervalle 60-65 USD/bbl à court terme. Au Koweït, il s’est maintenu à un niveau modéré au cours de cette dernière décennie (environ 64 USD/bbl en 2021 selon le périmètre budgétaire retenu par le FMI). À Bahreïn, malgré une baisse récente, le prix d’équilibre reste à un niveau très élevé (113 USD /bbl en 2021) en raison de la rigidité à la baisse des dépenses publiques. La vulnérabilité baisse en Oman, mais se maintient autour de 85 USD/bbl à court terme, l’équilibre budgétaire demeure fragile. Au Qatar, le prix d’équilibre est le plus bas de la région (inférieur à 50 USD/bbl), même si la validité de cet indicateur est relativement moins pertinente pour ce pays étant donné l’importance de la rente gazière dans les revenus budgétaires.
Des mesures positives de rationalisation du secteur public
Depuis environ cinq ans, un mouvement de réorganisation du secteur public et d’entrée du secteur privé au capital (ou leur participation à la gestion) d’entités publiques est en cours. Pour le moment, la place du secteur public dans l’économie reste prépondérante. La participation du secteur privé au capital et/ou à la gestion d’actifs publics se limite principalement aux infrastructures de réseau (eau, génération d’énergie) et aux activités des entreprises pétrolières jugées moins stratégiques (oléoduc, réseau de distribution de carburant). La mise sur le marché d’une partie du capital d’Aramco fait figure d’exception et s’inscrit dans la politique plus générale du fonds souverain saoudien (Public Investment Fund) de mobilisation de ressources dans le cadre du programme vision 2030. Ces mouvements ne renforcent que marginalement le rôle du secteur privé, et permettent surtout aux entreprises publiques commerciales de se recentrer sur le cœur de leur activité, notamment en se développant à l’international.
Perspectives de long terme et transition énergétique
En tant que producteurs majeurs et consommateurs importants d’hydrocarbures, les États du Golfe sont particulièrement exposés aux conséquences de la transition énergétique. D’une part, ce sont des émetteurs très importants de gaz à effet de serre (GES) et, d’autre part, ils restent économiquement très dépendants des hydrocarbures malgré les récents progrès réalisés dans la diversification. Les pays du Golfe contribuent à environ 2,8% des émissions globales de GES, tandis que leur population totale représente 0,8% de la population mondiale. En moyenne, les émissions de CO2 par habitant sont de quatre à huit fois plus élevées dans le Golfe que dans le reste du monde. Cela est notamment dû à l’importance des industries intensives en énergie, aux conditions climatiques et géographiques particulières (besoins élevés de climatisation et d’équipements de dessalement d’eau) ainsi qu’à un mix énergétique presque exclusivement dominé par les hydrocarbures. Selon la Banque mondiale, la production d’électricité génère 75% des émissions de GES dans le Golfe[5]. Tous les pays de cette zone affichent des plans ambitieux de décarbonation de leur production d’électricité (par exemple générer 50% de l’offre d’électricité grâce à des énergies renouvelables en Arabie saoudite d’ici 2030), mais aussi, pour certains, d’accroissement de la production de gaz naturel pour répondre à la hausse de la consommation intérieure d’énergie.