L’Inde n’a pas été épargnée par la crise de la Covid-19 et comme dans de nombreux pays émergents, la situation économie et sociale s’est sensiblement dégradée. Mais elle avait déjà commencé à se détériorer bien avant l’épidémie, laquelle n’a fait qu’accentuer les fragilités du pays. La très forte contraction de la croissance induite par l’épidémie de Covid-19 a mis en exergue les vulnérabilités structurelles de cette économie et, en particulier, l’importance des travailleurs ne bénéficiant d’aucune protection sociale. Le confinement national en avril et mai 2020 aurait ainsi renvoyé sous le seuil de pauvreté 75 millions d’Indiens et on peut s’inquiéter des effets de la seconde vague.
Sur l’année budgétaire 2021/2022, la croissance devrait sensiblement rebondir même si la contraction attendue de l’activité enregistrée au deuxième trimestre (premier trimestre de l’exercice budgétaire en cours), conjointement à la propagation de la deuxième vague épidémique, devrait conduire à une révision à la baisse. Au-delà, la croissance pourrait ne pas excéder 6% si les contraintes structurelles qui pèsent sur l’emploi de travailleurs réguliers et sur les investissements privés des entreprises ne sont pas allégées sensiblement. Le gouvernement se retrouverait alors confronté à un risque de dégradation de sa note par les agences de notation mais aussi à un risque social grandissant.
Risques sur la reprise
Les effets de la crise de la COVID-19
Au cours de l’exercice 2020/2021 (avril 2020 à mars 2021), l’économie indienne s’est contractée de 7,3% en raison de l’épidémie de Covid-19. Elle n’avait pas été en récession depuis l’année 1979/1980. Comme les autres économies émergentes, elle s’était redressée à partir de la mi-2020 et au cours des premiers mois de l’année 2021. Mais la deuxième vague épidémique est venue interrompre la reprise. On estime que cette seconde vague pourrait coûter plus de 2 points de pourcentage (pp) de croissance. Néanmoins, l’impact de cette seconde vague devrait être concentré sur le premier trimestre de l’exercice 2021/2022 (avril-juin 2021) et la croissance repartir à la hausse dès le deuxième trimestre budgétaire.
Une récession sans précédent
L’épidémie de Covid-19 a eu un impact particulièrement fort sur l’économie indienne. La contraction a été beaucoup plus marquée que dans les autres pays d’Asie (à l’exception des Philippines). Le confinement total de la population pendant plus de deux mois a particulièrement affecté cette économie très fortement dépendante de la consommation domestique.
Toutes les composantes de la demande ont affiché un recul, à l’exception des dépenses publiques. La consommation privée, principal moteur de la croissance (59,4% du PIB en moyenne au cours des cinq dernières années), s’est contractée de 9,1% et les dépenses par tête des ménages ont été abaissées au niveau qui prévalait trois ans plus tôt. Dans le même temps, les investissements ont enregistré un recul de 10,8%. La baisse de la demande intérieure s’est traduite par une forte contraction des importations qui n’a pourtant pas été suffisante pour compenser la diminution des exportations. La contribution des exportations nettes à la croissance a ainsi été négative.
La contraction de l’activité a été particulièrement sensible dans les services (-4,6%), et dans une moindre mesure dans l’industrie (-2,1%). Seule l’activité dans l’agriculture a résisté (+0,5%).
L’ampleur de la récession s’explique par le confinement total de la population alors que l’Inde est caractérisée par une population à faible revenu (le PIB par habitant était de seulement USD 2 098 par an à la veille de la crise de la Covid-19), qui ne bénéficie, pour la grande majorité, d’aucune protection sociale. Les organisations internationales estiment en effet qu’entre 78% et 90% de la population active travaille dans le secteur informel (selon respectivement l’Organisation internationale du travail et la Banque mondiale).
Par ailleurs, selon le Center for the Study of Developing Societies (CSDS) et l’université Azim Premji, 29% des travailleurs des grandes villes (les plus touchées par l’épidémie) sont des journaliers, sans aucune protection sociale, issus des zones rurales et que 12 à 18 millions d’entre eux ont été contraints de retourner dans leur État d’origine lors de la crise de la Covid-19[1].
Le taux de chômage, qui sous-estime donc très certainement l’ampleur du choc, a pour autant atteint un pic de 23,5% en avril 2020 (contre 7,2% en janvier 2020).
Dans ces conditions, l’institut Pew Research Center estime que 75 millions de personnes sont passées sous le seuil de pauvreté l’année dernière, alors que la période de croissance des vingt dernières années avait permis d’extraire de la pauvreté 248 millions de personnes. Selon l’institut de recherche, désormais 134 millions d’Indiens vivraient avec moins de USD 2 par jour. Par ailleurs, la population qui serait à la limite du seuil de pauvreté (avec un niveau de revenu compris entre USD2 et USD10 par jour) s’élèverait à près de 1,16 milliard fin 2020 sur une population totale de 1,3 milliard.
Le rebond menacé par la deuxième vague
Le recul de la première vague de Covid-19 (avril 2020) avait permis une importante reprise de l’économie indienne qui avait renoué avec une croissance positive à partir du troisième trimestre budgétaire (entre octobre et décembre 2020). Cette reprise s’est interrompue au mois de mars 2021 en raison de la deuxième vague épidémique beaucoup plus virulente que la première, dont le pic semble toutefois avoir été atteint au mois de mai. Même si le gouvernement de Narendra Modi n’a pas imposé de nouveau confinement national, de nombreux États, dont les plus importants en termes d’activité économique, ont imposé des confinements partiels, fermant notamment toutes les activités considérées comme non-essentielles.
Les indicateurs d’activité font état d’une très forte contraction en avril qui s’est accentuée en mai[2]. La mobilité des habitants[3], les recettes de TVA[4], les ventes d’automobiles, de deux roues et de tracteurs, la demande d’électricité, les trafics aérien et ferroviaire ont affiché un très important recul par rapport au mois de mars, même s’ils restent à des niveaux supérieurs à ceux enregistrés au plus fort de la première vague épidémique. Le taux de chômage a augmenté sensiblement même s’il est resté inférieur au point haut atteint en avril 2020 (à 12% fin mai 2021 alors qu’il était redescendu à seulement 6,5% en mars 2021). Ce sont essentiellement les activités de service qui semblent avoir été touchées dans la mesure où les usines sont restées ouvertes dans presque tous les États ayant imposé de nouvelles restrictions. En outre, alors que les indicateurs de confiance des ménages sont en très net recul (avec en mai 2021 un niveau jamais atteint jusqu’alors, inférieur à celui enregistré l’année précédente), ceux concernant les entrepreneurs restaient bien orientés en mai 2021, bien qu’en baisse par rapport au début de l’année. L’impact de cette deuxième vague sur la situation financière des ménages pourrait être particulièrement marquée dans la mesure où ces derniers ont déjà enregistré une perte de revenus lors de la première vague[5].
On estime ainsi que cette deuxième vague épidémique pourrait amputer la croissance de plus de 2 points de pourcentage. Sur l’ensemble de l’année 2021/2022, le consensus des économistes prévoit désormais une croissance comprise entre 8 et 10% (contre 11-12% avant la deuxième vague). Évidemment, même révisée à la baisse, la performance de 2021 sera atypique comme pour tous les pays. La question qui se pose aujourd’hui est davantage celle du rythme de croissance au-delà de l’exercice 2021/2022. Elle se pose particulièrement pour l’Inde dont la croissance avait sensiblement décéléré avant la crise de la Covid-19.
Le rythme de croissance ralentissait bien avant la crise de la COVID-19
La croissance économique indienne a commencé à décélérer bien avant la crise de la COVID-19. Ce ralentissement s’est fait en deux étapes. Une première décélération a été observée après la crise financière de 2009 et une seconde au cours des trois exercices budgétaires précédant la crise de la Covid-19.
Par ailleurs, la croissance est volatile car le pays est particulièrement vulnérable aux chocs climatiques du fait de sa dépendance aux revenus agricoles. En effet, la croissance est principalement soutenue par la consommation des ménages (57%), qui vivent majoritairement dans les campagnes (à plus de 65%), et dont les revenus sont fortement dépendants de la mousson car la moitié des terres ne sont pas irriguées.
Analyse de la décélération de la croissance
La décomposition de la croissance faite par le Conference Board montre qu’entre 2004-2008 et 2011-2019, la décélération de la croissance (de 8,1% à 6,6% en excluant la crise de 2009 et son rebond en 2010) s’explique par la diminution de la contribution du capital et, surtout, par la forte baisse de la productivité globale des facteurs.
Le rythme d’accumulation du capital productif a ralenti. Le taux d’investissement a baissé de 7 points de pourcentage entre l’année budgétaire 2007/2008 et 2019/2020 pour atteindre 28,8%. Plus important, la nature des investissements a également changé. Au cours des années budgétaires 2017-2019, la part des investissements réalisés par les entreprises (privées et publiques) a baissé sensiblement au profit des investissements du gouvernement et des ménages. Les entreprises ont notamment réduit leurs investissements en machines et équipement, qui n’ont atteint que l’équivalent de 5,7% du PIB au cours de l’exercice 2018/2019.
La baisse de la productivité globale des facteurs reflète une perte d’efficacité dans l’utilisation conjointe des facteurs de production et/ou une baisse du progrès technique, ou simplement une détérioration de l’attractivité du pays[6]. La baisse de la productivité globale reflète donc fondamentalement les contraintes structurelles qui pèsent sur le pays, pénalisent les investissements directs étrangers et contraignent les investissements productifs privés : corruption élevée, infrastructures insuffisantes, contraintes dans l’acquisition des terres, rigidités sur le marché du travail, niveau d’éducation insuffisant, faible taux de participation des femmes, concentration de l’emploi dans les secteurs à faible valeur ajoutée. À cela s’ajoutent un secteur bancaire et financier fragile, qui peine à soutenir l’économie, et une marge de manœuvre budgétaire du gouvernement, pour réaliser les dépenses d’investissement nécessaires, extrêmement limitée.
Dégradation de la qualité de la croissance
En plus de la décélération du rythme de croissance enregistré ces dernières années, on a observé une légère détérioration de la qualité de la croissance. En effet, les indicateurs sur le marché de l’emploi se sont dégradés et la progression en termes de développement humain a ralenti au cours des cinq dernières années. La crise économique a accru cette détérioration et la deuxième vague pourrait peser encore davantage sur une population déjà fragilisée.
Manque de dynamisme sur le marché de l’emploi
En 2020, l’économie indienne a dû intégrer plus de 12 millions de nouveaux entrants sur le marché du travail. Selon le Center for Monitoring Economy (CMIE), ce sont 16 millions d’emplois que l’Inde devra créer d’ici 2030 pour absorber les nouveaux entrants. Or, au regard du taux d’emploi, depuis plusieurs années les créations d’emplois ne suffisent pas à satisfaire la demande.
Selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT), le taux d’emploi (le ratio entre la population en activité et celle en âge de travailler) était de seulement 43% en 2020, un niveau très inférieur au seuil de 57% considéré comme « acceptable » par l’OIT. En outre, ce taux aurait enregistré, toujours selon les estimations de l’OIT, une baisse continue depuis 2008 où il atteignait 52,7%.
Dans le même temps, le taux de participation (le ratio entre la population en activité et celle en recherche d’emploi rapporté à la population en âge de travailler) a chuté de plus de 10 pp depuis un point haut en 2005 (58%) pour atteindre moins de 46,3% en 2020 selon l’OIT (moins de 42% selon le CMIE). Le taux de participation des femmes aurait suivi la même tendance à la baisse, alors qu’il était déjà faible il y a quinze ans. Il s’élevait à seulement 20,8% en Inde en 2019 d’après l’OIT. Selon cet indicateur, une partie de la population serait donc complètement exclue du marché du travail. Il s’agirait notamment des jeunes, sans expérience et sans éducation.
Développement humain : une faible progression
En 2019, l’Inde était classée 131e sur 188 pays en termes de développement humain selon l’Organisation des Nations-Unies (ONU), devant les pays du sous-continent indien mais loin derrière les pays de l’ASEAN-4. En outre, alors qu’elle avait enregistré une amélioration sensible sur la période 1990-2010, sa progression a été beaucoup plus faible au cours des cinq dernières années, estimée à seulement 1,2% sur la période 2010-2019 contre 1,6% sur la période 2000-2010. Ainsi, sur la période 2015-2019, elle n’a gagné qu’une seule place dans le classement international.
Pour parvenir à améliorer le capital humain et à accroître le rythme des créations d’emplois (en particulier des emplois réguliers), le gouvernement doit impérativement réduire les contraintes structurelles qui pèsent sur l’économie. Sans cela, son avantage démographique pourrait se transformer en véritable risque social.
À moyen terme, la croissance ne devrait guère excéder 6% en raison des contraintes structurelles et des fragilités du système bancaire et financier
Le capital humain : un atout inexploité
D’importantes contraintes structurelles contraignent les investissements et les créations d’emplois. Par ailleurs, l’environnement des affaires reste fragile bien qu’il s’améliore.
Au cours des cinq dernières années, bien que la gouvernance se soit légèrement améliorée, l’Inde a perdu cinq places dans le classement de la Banque mondiale. Elle était classée 109e parmi 211 pays (classement 2020). Le contrôle de la corruption reste insuffisant (110e sur 209 pays selon la Banque mondiale) ; la corruption semble toujours aussi répandue selon Transparency International qui a classé l’Inde 86e sur 183 pays en 2020 (soit 8 places de moins qu’en 2017).
La qualité des infrastructures s’est améliorée mais elle reste insuffisante. Avant la crise de la Covid-19, l’Inde était classée 70e parmi 141 pays dans le classement 2019 sur la compétitivité (Global Competitiveness Report). Les infrastructures publiques, notamment l’accès à l’électricité, restaient insuffisantes.
Les rigidités sur le marché du travail constituent une contrainte forte à l’emploi de travailleurs « réguliers » et favorisent, au contraire, le développement du marché parallèle. La note de l’Inde relative à la flexibilité du travail, dans le dernier rapport sur la compétitivité, est de seulement 44,4/100 (contre 64,4/100 en Chine).
Le manque de qualifications des travailleurs est aussi un frein majeur au développement des secteurs à forte valeur ajoutée. Selon l’OIT, 27,2% de la population active n’avait aucun diplôme en 2018 (18,8% des hommes et 35,7% des femmes), et seulement 34% avait un niveau équivalant au brevet des collèges, la durée moyenne d’études étant de seulement 6,5 ans. Par ailleurs, au cours des cinq dernières années, l’Inde n’est pas parvenue à améliorer la qualité de l’éducation. Le niveau de développement du capital humain a régressé. Le dernier rapport sur la compétitivité fait état d’une forte baisse (-25%) – la plus forte des pays émergents – de la part des diplômés en Inde au cours des cinq dernières années.
L’emploi reste concentré dans l’agriculture (41,4% de la population active en 2019) alors que son poids dans le PIB est faible (14,7% de la valeur ajoutée). À l’inverse, les services (dont la contribution à la valeur ajoutée du pays dépasse 55%) n’emploient que 33,2% de la population active. La part de l’emploi manufacturier reste elle aussi modeste (12,1%) au regard du poids du secteur dans l’économie (17,5%).
Des réformes d’envergure ont été adoptées mais leur mise en œuvre pourrait être difficile
Commencées en 2019 et poursuivies à l’automne 2020, le gouvernement Modi a adopté d’importantes réformes pour pallier les contraintes structurelles et tenter de stimuler la croissance à moyen terme. Ces réformes portent notamment sur la fiscalité des entreprises, le marché du travail, l’agriculture et l’acquisition des terres. Tout le problème réside dans leur mise en œuvre.
Pour stimuler les investissements (domestiques et étrangers), le gouvernement a abaissé fin 2019 le taux d’imposition sur les sociétés de 30% à 22% (de 25% à 15% pour les entreprises nouvellement créées dans le secteur manufacturier), un alignement avec ceux pratiqués dans les autres pays asiatiques.
Pour réduire les rigidités du marché du travail, la Chambre basse du Parlement a adopté, en août 2019 puis en septembre 2020, quatre nouveaux codes relatifs au droit du travail qui ont pour but de remplacer 29 lois existantes[7]. Ces nouveaux codes visent notamment à alléger les conditions d’embauche et de licenciement, afin de réduire la part de travail informel dans l’économie. Le gouvernement espère ainsi faciliter l’emploi formel, en particulier dans les entreprises de plus de cent salariés, et développer ainsi la protection sociale. L’emploi en Inde reste en effet trop concentré dans des petites structures sans aucune protection sociale du fait de contraintes trop fortes sur l’embauche et le licenciement de salariés dans les plus grosses entreprises. Selon la Banque mondiale, si les nouvelles lois étaient appliquées, 2,8 millions de travailleurs pourraient quitter le secteur informel. En théorie, ces nouveaux codes du marché du travail devaient entrer en vigueur au 1er avril 2021. En pratique, leur application a été retardée. Les États doivent au préalable les valider pour qu’ils puissent s’appliquer localement. Mi-juin, cela n’avait toujours pas été réalisé.
Pour accroître la productivité dans le secteur agricole, le gouvernement Modi a fait adopter trois projets de loi en septembre 2020. L’État devrait permettre aux agriculteurs de vendre leur production au prix que ces derniers fixeront avec leurs acheteurs sans passer par l’intermédiaire du gouvernement (ce qui est le cas d’une majorité d’entre eux aujourd’hui). Cette réforme a comme objectif d’accroître les investissements et la productivité dans le secteur agricole. Néanmoins, elle a été très mal perçue par le monde agricole qui redoute une suppression du prix de vente minimum (pourtant garanti par le gouvernement).
Finalement, pour favoriser les investissements productifs, en particulier dans les secteurs à forte valeur ajoutée, le gouvernement a tenté à de nombreuses reprises d’alléger les contraintes qui pèsent sur l’acquisition de terres à des fins autres qu’agricoles. En effet, en dépit de nombreuses tentatives de réformes, développer des activités non-agricoles reste extrêmement contraint, ce qui dissuade les entreprises nationales et étrangères d’investir en Inde. Plus de 1200 lois régissent l’acquisition de terres. Néanmoins, les derniers amendements adoptés au niveau local par les États du Gujarat et du Karnataka restent marginaux, et les réformes adoptées semblent insuffisantes au regard des contraintes qui pèsent sur l’utilisation non-agricole des terres. Des réformes d’envergure doivent impérativement être menées, au niveau national et local, pour que l’accès aux terres ne constitue plus un frein majeur aux projets d’investissements industriels.
En plus de ces freins structurels, la croissance économique indienne a été contrainte au cours des dernières années par les fragilités des banques publiques.
Les fragilités du système bancaire et financier contraignent la croissance indienne
Au cours de la période 2016-2019, les banques indiennes ont cherché à consolider leur situation financière et ont ralenti la distribution de crédits. Les sociétés financières non-bancaires dans leur ensemble ont apporté un complément de financement à l’économie en augmentant sensiblement leur offre de crédit dans des secteurs de niche, comme les financements des ménages sans revenus réguliers, les petites et très petites entreprises ou encore les financements immobiliers (financements octroyés notamment par les Housing Finance Companies).
Néanmoins, depuis septembre 2018, la part du crédit octroyé par les sociétés financières non-bancaires a diminué conjointement à la hausse de leurs coûts de financement qui a suivi la faillite d’Infrastructure Leasing and Financial Services.
Dans le même temps, on a pu observer une forte décélération des investissements des entreprises.
À la veille de la crise de la Covid-19, la situation des banques et des sociétés financières non-bancaires restait fragile et l’offre de crédit peu abondante. Toute la question aujourd’hui est de savoir si le secteur bancaire et financier dans son ensemble sera en mesure de soutenir la reprise économique indienne à court et moyen terme, une fois la crise passée.
Banques commerciales : beaucoup plus solides qu’il y a cinq ans
Dans son dernier rapport sur la stabilité financière, paru en janvier 2021, la banque centrale faisait état d’une situation du secteur bancaire plus solide au T3 2020 qu’au cours des cinq dernières années, bien qu’elle reste fragile. À ce jour, bien que les prévisions doivent être révisées, du fait de la seconde vague épidémique, les agences de notation estiment que le secteur bancaire devrait être en mesure de faire face à la hausse des risques de crédit et à la dégradation des ratios de solvabilité induite par la première et la deuxième vague épidémique. En revanche, les besoins de recapitalisation des banques vont être plus importants que prévu initialement par les autorités bancaires, et le gouvernement devra impérativement soutenir les banques publiques pour qu’elles puissent assurer leur rôle de soutien à la reprise économique.
À partir de 2016, les banques publiques indiennes ont entrepris une consolidation de leurs positions financières. Ainsi, leur situation s’était même renforcée après la première vague épidémique. Au T3 2020, la qualité des actifs bancaires était plus solide qu’en 2018 (la part des créances douteuses s’élevait à 7,5% contre un point haut de 11,5% en mars 2018), les provisions étaient plus élevées (elles couvraient 72,4% des créances douteuses en septembre 2020 contre seulement 48,1% en mars 2018) et les ratios de solvabilité étaient plus confortables (15,8% contre un plus bas de 13,2% en mars 2016). Néanmoins, les disparités entre les banques demeuraient fortes. Les banques publiques restent les plus fragiles avec un ratio de créances douteuses supérieur (9,7%), un taux de provisionnement inférieur (70,5%) et un ratio de solvabilité beaucoup moins confortable (13,5%). Par ailleurs, les ratios de créances douteuses ne portaient pas la marque de la récession car les banques ont pu reporter l’enregistrement de leurs créances douteuses jusqu’à mars 2021.
Avant la deuxième vague, les agences de notation et la banque centrale estimaient que les banques devraient être en mesure de faire face à une hausse des risques de crédit même si la banque centrale estimait que la part des créances douteuses devrait augmenter de 6 points de pourcentage, à 13,5% au T3 2021, dans l’ensemble du secteur bancaire. Dans le même temps, elle prévoyait une dégradation progressive des ratios de solvabilité des banques (de 15,6% à 14% d’ici le T3 2021) et considérait que quatre banques publiques ne seraient pas en mesure de respecter les ratios réglementaires en septembre 2021 sans injection de capital. Aussi, le gouvernement avait-il déjà annoncé en février 2021 qu’il injecterait RS 200 mds de capitaux supplémentaires (0,1% du PIB) dans les banques publiques après une recapitalisation d’un même montant au cours de l’exercice budgétaire précédent. Néanmoins, ces montants restent très en-deçà des besoins estimés par l’agence de notation Moody’s (entre RS 1,9 trn et RS2,2 trn, soit entre 1% et 1,1% du PIB), et ce d’autant plus que ces projections ont été faites bien avant la deuxième vague.
Aussi, pour aider l’assainissement des bilans des banques publiques et des organismes financiers non-bancaires (publics) et soutenir la reprise du crédit, le gouvernement a également décidé en février 2021 la création d’un organisme de défaisance « National asset reconstruction company » pour les prêts immobiliers d’une valeur supérieure ou égale à RS 5 milliards. Seules les banques publiques et les organismes financiers non-bancaires publics devraient être autorisés à transférer les prêts non performants provisionnés à près de 100% et susceptibles de voir leur créance recouverte à 75%. Le montant total des créances douteuses susceptibles d’être transférées est estimé à RS 2000 milliards. Ces transferts, dont les premiers sont attendus fin juin (pour un montant de RS 890 milliards), devraient permettre de libérer des capitaux pour les crédits (actuellement mobilisés en provisions). Cet organisme de défaisance devrait être financé par des fonds privés (provenant principalement de banques indiennes) et garanti à hauteur de RS310 milliards par le gouvernement (0,16% du PIB). Le coût de cet assainissement serait donc très largement supporté par le secteur (bail-in).
L’impact de la deuxième vague épidémique devrait être moins prononcé que celui de la première. Néanmoins, pour soutenir les acteurs économiques les plus fragiles, le gouverneur de la banque centrale a autorisé, le 5 mai dernier, les banques à restructurer les crédits accordés aux ménages ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises (pour des montants inférieurs à RS 250 millions) jusqu’au 30 septembre 2021.
Le crédit bancaire peinait à redémarrer avant la deuxième vague épidémique
En dépit de la politique d’assouplissement monétaire de la banque centrale en 2020, laquelle s’est pourtant traduite par une baisse des taux moyens sur les crédits nouvellement octroyés de 126 points de base (les taux directeurs ayant été abaissés de 115 points de base entre janvier 2020 et mars 2021), le rythme de croissance des crédits dans l’industrie est resté, globalement, extrêmement modeste sur les premiers mois de l’année 2021 (+0,4% en avril 2021 en glissement annuel pour les prêts dans l’industrie) après avoir enregistré cinq mois consécutifs de baisse entre octobre 2020 et février 2021.
Les crédits aux grandes entreprises se sont même contractés, reflet de la baisse de leurs investissements. En outre, ces dernières ont pu largement s’autofinancer car, même si les chiffres d’affaires se sont fortement contractés, leurs profits ont augmenté grâce à la forte diminution du coût du travail et des prix des matières premières sur la majeure partie de l’année 2020.
En revanche, les crédits aux ménages (hors prêts alimentaires) ont accéléré sensiblement en mars et en avril (+12,6% en g.a. en avril), conjointement à la hausse de la consommation, et ceux aux entreprises de taille moyenne (18% des crédits) ont enregistré une croissance extrêmement forte depuis le mois de septembre (+43,8% en avril en g.a.), avec le programme de prêts garantis par l’État (Emergency Credit Line Guarantee Scheme) – mis en place entre le 23 mai 2020 et le 31 mars 2021 – qui visait à répondre aux besoins de financement des petites et moyennes entreprises. Selon le gouvernement, à fin janvier 2021, RS 1,9 trn de prêts bancaires (hors sociétés financières non-bancaires) avaient été accordés au titre de ce programme (36,6% des crédits accordés durant l’année).
Les sociétés financières non-bancaires restent solides mais vulnérables aux évolutions de marché
À la veille de la crise de la Covid-19, l’encours des crédits accordés par les organismes de crédit non-bancaires s’élevait encore à 11,6% du PIB (52,5% du PIB pour les banques).
Le crédit octroyé par les sociétés financières non-bancaires a sensiblement décéléré pendant la crise de la Covid-19 (+2,5% en g.a. en décembre 2020) mais relativement moins que pour les organismes bancaires. Ce sont principalement les prêts à court terme qui ont augmenté en raison des difficultés de trésorerie rencontrées par les ménages. Fin 2020, la part des crédits de moins de trois mois avait augmenté de près de 2 pp par rapport au début de la crise pour atteindre 11,5% de leur portefeuille de crédit. La part des crédits à long terme a diminué même si elle constitue toujours 71,7% des crédits totaux, reflet de la baisse des investissements des entreprises dans un contexte économique peu porteur.
Les sociétés financières non-bancaires dans leur ensemble (y compris les sociétés de prêts immobilières ou « Housing Finance Companies ») sont, a priori, plus vulnérables au choc induit par l’épidémie de Covid-19 que les banques en raison de la structure de leur portefeuille de crédit. Elles financent, en particulier, une partie de la population indienne qui ne dispose d’aucun compte bancaire. Néanmoins, elles ont prouvé leur capacité d’adaptation et de résilience aux chocs depuis 2018/19.
Le secteur industriel reste le principal récipiendaire des crédits octroyés par les sociétés financières non-bancaires dans leur ensemble (61,6%). Néanmoins, la part des prêts à la consommation a augmenté pour atteindre 24,5% en 2020 conjointement à l’achat de véhicules automobiles en raison du contexte sanitaire.
La situation des sociétés financières non-bancaires était satisfaisante en décembre 2020, selon le dernier rapport de la banque centrale. Certes, ces organismes de crédit ont bénéficié, comme les banques, de la possibilité de reporter l’enregistrement des prêts non-performants (qui n’apparaîtront que dans les bilans du T1 2021). Néanmoins, la qualité de leurs actifs était plus solide que pour ceux du secteur bancaire (ce qui était déjà le cas avant la crise de la COVID-19), leur ratio de créances douteuses n’étant que de 5,3% fin décembre 2020, principalement concentrés dans les services (9,4%) et, dans une moindre mesure, l’agriculture (6,7%). La qualité des crédits à la consommation restait globalement satisfaisante (la part des créances douteuses était contenue à 3,4% des prêts fin 2020). Finalement, la rentabilité de ces organismes financiers non-bancaires restait globalement satisfaisante avec un ROA et un ROE de respectivement 1,9% et 10,2% en décembre 2020.
Néanmoins, les sociétés financières non-bancaires restent exposées au financement de marché. En décembre 2020, 46,4% de leur financement résultait d’émissions sur les marchés (obligations et billets de trésorerie) et 30,3% des emprunts contractés auprès des organismes bancaires. Toute hausse de l’aversion au risque, en particulier des fonds communs de placement (leurs principaux investisseurs), se traduit irrémédiablement par une forte augmentation des coûts de financement pour ces sociétés. Lors de la crise de la Covid-19, le rendement sur les obligations à trois mois des sociétés financières non-bancaires par rapport aux émissions du gouvernement avait augmenté de plus de 130 pb pour atteindre 230 pb en mai 2020 pour les sociétés les moins risquées, notées AAA, et 100 pb supplémentaires pour celles notées AA. Depuis, et grâce à la politique menée par les autorités monétaires, les tensions se sont fortement réduites et les coûts de financement atteignent des niveaux inférieurs à ceux qui prévalaient avant la crise de la Covid-19. Les sociétés les moins bien notées restent particulièrement vulnérables à toute nouvelle aversion au risque des investisseurs.
Pour conclure, au vu des indicateurs disponibles à la veille de la seconde vague épidémique, les banques et sociétés financières non-bancaires étaient en capacité d’accroître leur offre de crédit et, ainsi, de soutenir la reprise économique. Mais une hausse plus prononcée des risques de crédit, consécutive à la deuxième vague épidémique, est à craindre, et donc des besoins en capitaux plus importants pour provisionner les pertes éventuelles. Cela pourrait contraindre l’offre de crédit des banques, en particulier des banques publiques qui ont des ratios de solvabilité moins confortables que les banques privées. À ce jour, les banques publiques ont toujours bénéficié du soutien du gouvernement qui a injecté les capitaux nécessaires pour soutenir le secteur bancaire lorsqu’il n’était pas en mesure de lever des fonds par lui-même. La forte détérioration des finances publiques limite néanmoins les marges de manœuvre d’une recapitalisation par le
gouvernement (bail-out), ce qui pourrait peser sur la reprise du crédit à court et moyen terme.
Risques sur les finances publiques
Jusqu’à présent, l’évolution des finances publiques indiennes est principalement conditionnée par la croissance économique et le solde primaire, et moins par les taux d’intérêt. Or, comme on vient de le voir, les risques sur la croissance sont particulièrement élevés tant que le gouvernement ne parvient pas à mettre en œuvre efficacement les réformes adoptées. De même, les risques pesant sur la capacité du gouvernement à réduire sensiblement le déficit primaire de l’ensemble des administrations sont élevés car la base fiscale est faible et le poids des dépenses incompressibles en forte hausse.
La base fiscale, déjà faible, a diminué au cours des dernières années
Les finances publiques indiennes sont structurellement fragiles en raison d’une faible base fiscale et d’une proportion toujours élevée de dépenses incompressibles. Alors qu’elles s’étaient consolidées sur les cinq exercices budgétaires 2015/2019, elles ont commencé à se dégrader au cours de l’exercice budgétaire 2019/2020 et la crise économique induite par l’épidémie de Covid-19 les a fragilisées encore davantage.
Après cinq ans de baisse graduelle, le déficit du gouvernement central a augmenté pour la première fois au cours de l’exercice budgétaire 2019/2020 à 4,6% du PIB (contre 3,4% du PIB en FY2018/2019) et le déficit primaire s’est élevé à 1,6% du PIB. Dans le même temps, on estime que le déficit primaire de l’ensemble des administrations a atteint 3,1% du PIB alors qu’il était en moyenne de seulement 1,7% du PIB au cours des cinq exercices précédents.
Avant même le choc de la Covid-19, les recettes budgétaires n’atteignaient plus que 8,6% du PIB (contre 9,4% en 2017/18), un niveau bas en comparaison avec les autres pays d’Asie[8]. Cette baisse des revenus s’explique notamment par d’importantes difficultés de mise en œuvre de la taxe commune sur les biens et services à l’ensemble du pays en juillet 2017 qui a donné lieu à des compensations budgétaires faites aux États en dédommagement des pertes fiscales et à la baisse du taux de prélèvement sur les revenus des entreprises à partir de septembre 2019 (de 30% à 25,17%) adoptée pour stimuler les investissements.
Le choc de la Covid-19 a eu un effet massif sur les finances publiques. Sur l’ensemble de l’année budgétaire 2020/2021, le déficit du gouvernement a doublé, atteignant 9,2% du PIB, et celui de l’ensemble des administrations pourrait être supérieur à 14% du PIB[9]. Dans le même temps, on estime que la dette du gouvernement pourrait avoir atteint plus de 87% du PIB (contre 72,2% du PIB avant la crise).
La hausse du déficit a principalement résulté d’une forte augmentation des dépenses (+4,6 pp), notamment des subventions aux ménages (+2 pp à 3,3% du PIB) dont la part dans les dépenses totales a doublé pour atteindre plus de 18% (38% des recettes). Les dépenses d’intérêt ont elles aussi enregistré une forte augmentation (+11,4%). Elles représentaient ainsi plus de 40% des recettes du gouvernement (contre 34,5% au cours des cinq exercices budgétaires précédents), et ce alors même que les recettes du gouvernement ont enregistré une baisse minime (-3,6%) grâce notamment à une hausse des droits de douane. Les subventions et le paiement des intérêts ont ainsi constitué près de 38% des dépenses du gouvernement (soit plus de 78% des recettes). Le déficit primaire a atteint 5,8% du PIB alors qu’il s’élevait à seulement 0,7% du PIB en moyenne au cours des cinq exercices budgétaires précédents.
Pour l’année budgétaire 2021/2022 (du 1er avril 2021 au 31 mars 2022), le ministère des Finances prévoit une réduction du déficit du gouvernement à 6,8% du PIB et celui de l’ensemble des administrations devrait être ramené à 11,0% du PIB. Le déficit primaire du gouvernement central s’élèverait ainsi encore à 3,1% du PIB, soit un niveau encore très supérieur à celui qui prévalait avant la crise. De plus, ces prévisions qui paraissaient déjà optimistes en février 2021, au moment de la publication du budget, pourraient être revues à la hausse au regard de la très forte baisse des recettes de TVA enregistrées au T2 2020.
Au-delà de l’exercice budgétaire en cours, le gouvernement ne semble pas afficher la même volonté de consolider ses finances publiques que par le passé. Parvenir à stimuler la croissance à court et moyen terme paraît être sa priorité. Néanmoins, ses marges de manœuvre pour soutenir sa croissance et faire face à un nouveau choc (domestique ou extérieur), sans risquer de détériorer ses finances publiques et donc voir sa note souveraine être dégradée par les agences, sont minces. Une simulation de la dynamique de la dette montre ainsi que si le déficit primaire de l’ensemble des administrations ne repasse pas sous le seuil de 3%, alors le ratio de dette continuerait de se dégrader légèrement même si la croissance réelle se maintenait à 6%.
Les risques de refinancement restent contenus car la structure de la dette est peu risquée
À ce jour, les risques de refinancement de la dette indienne restent contenus du fait d’une structure peu risquée et de l’accès à une épargne domestique abondante.
La dette du gouvernement (hors administrations) a une maturité longue (11,3 ans en moyenne). Elle est principalement détenue par les résidents (à plus de 94%) et le risque de revalorisation induit par une dépréciation de la roupie est extrêmement limité car la dette est presque exclusivement libellée en monnaie locale (97%).
La dette de marché du gouvernement représente plus de 93,5% de sa dette. Elle est constituée principalement de titres émis à échéance déterminée (62,6% de la dette totale) et, dans une moindre mesure, de bons du trésor (Treasury Bills) à échéance comprise entre 14 et 364 jours (11,5% de la dette du gouvernement). Cette dette de marché est principalement détenue par les banques (37,8%) et les compagnies d’assurance (25,3%). La part de la dette détenue par la banque centrale a augmenté de 1 point de pourcentage au cours de l’année 2020/2021 pour s’élever à 16,2%. À horizon des cinq prochaines années, la dette arrivant à maturité est estimée à seulement 10,1% du PIB.
Depuis le début de l’année 2021, les coûts de financement du gouvernement sont restés relativement stables (le taux à 10 étant à 6% mi-juin 2021). Mais le gouvernement n’est pas à l’abri d’une hausse de ses coûts de financement, même si, à ce jour, les achats de dette par la banque centrale ont permis de maintenir les rendements sur la dette à des niveaux bas. Cependant, la forte hausse de la charge d’intérêts (en raison de celle de la dette) pèse sur la capacité du gouvernement à financer ses dépenses d’investissement. De plus, un recours accru au financement par les banques, déjà fragiles, réduirait leur capacité à financer le secteur privé.
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Le gouvernement de Narendra Modi est dans une situation délicate. Ses finances publiques, déjà fragiles avant la crise de la Covid-19, se sont sensiblement dégradées et l’évolution de la croissance à moyen terme est une source d’inquiétude. Sa note souveraine a été mise en perspective négative par les agences. Pour l’instant, le refinancement de l’État ne constitue pas un risque majeur et imminent.
La charge de la dette s’est néanmoins considérablement alourdie, limitant la capacité de l’État à investir, à soutenir sa reprise et/ou à faire face à un nouveau choc. Dans un tel contexte, s’il ne parvenait pas à mettre en place les réformes adoptées à l’automne 2020, alors sa croissance pourrait être bridée à 6% et le taux d’emploi pourrait continuer à diminuer (les créations d’emplois sont insuffisantes au regard de la croissance démographique).
Or, si la croissance se stabilisait sous le seuil de 6%, ou si le gouvernement ne consolidait pas rapidement ses finances (le déficit primaire du gouvernement et de l’ensemble des administrations doit être ramené sous le seuil de 2,7% du PIB, soit un niveau inférieur à celui qui prévalait avant la crise de la Covid-19), la trajectoire du ratio de dette publique continuerait de diverger et la note souveraine pourrait être dégradée par les agences dans la catégorie « non-investment grade » avec le risque que cela pèse encore davantage sur sa capacité à soutenir l’économie.
Dans le passé, l’application des réformes a toujours été extrêmement problématique en Inde et les manifestations contre les réformes agricoles laissent à penser que ce ne sera pas facile, et ce d’autant plus, que Narendra Modi semble avoir perdu un peu de son aura au regard des résultats des dernières élections régionales.