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Marché du travail français : maintenir la dynamique

28/03/2022
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La France a terminé l’année 2021 avec le taux d’emploi le plus élevé depuis les années soixante-dix, le taux de chômage le plus bas depuis 2008 et un record de créations d’emplois depuis l’après-guerre. Ce dynamisme de l’emploi est imputable pour moitié au rebond des créations d’emplois dans les secteurs les plus affectés par la crise de la Covid-19 (dont la restauration et l’intérim). La pandémie a également soutenu l’emploi dans la santé et l’éducation. Le secteur privé marchand porte néanmoins encore la trace de la crise sanitaire : l’emploi y est inférieur de 1,3% au niveau qu’il aurait atteint si sa croissance observée entre 2017-19 s’était poursuivie jusqu’à fin 2021 (un même calcul sur le PIB réel donne un écart de 2,2%). Le taux d’emploi des 15-64 ans atteint 67,8% de la classe d’âge. Cette hausse s’explique principalement par celle du taux d’emploi des 50-64 ans (départs en retraite plus tardifs). L’amélioration du taux d’emploi des 15-24 ans en toute fin de période doit, quant à elle, être confirmée. La progression des salaires, qui a été modérée ces dernières années, devrait s’accélérer en 2022 sous l’effet combiné de la baisse du taux de chômage et de la hausse de l’inflation.

France : taux d'emploi et taux de chômage en % de la population active

Lorsqu’on observe la situation du marché du travail français à fin 2021, le choc lié à la pandémie de Covid-19 apparaît déjà en partie absorbé (graphique 1). Loin d’avoir connu une hausse durable, le taux de chômage est reparti à la baisse : à 7,4% en fin d’année 2021, il est même inférieur à son niveau d’avant-Covid-19 (8,1% fin 2019).

Par conséquent, le taux de chômage est désormais proche du point bas de 7,2% enregistré au 1er trimestre 2008. En parallèle, le taux d’emploi a, en parallèle, repris sa progression. Fin 2021, il atteint à 67,8% un plus haut depuis les années 70, près de 15 points au-dessus de son point bas de 1994.

Les mécanismes de soutien, en particulier au travers de l’indemnisation du chômage partiel, ont largement neutralisé l’impact du confinement, et donc permis de sauvegarder des emplois.

EMPLOI : AU-DELÀ DES APPARENCES

France : évolution de l'emploi dans le secteur privé

Le marché du travail a été dynamique entre 2017 et 2019, avec près de 760 000 créations d’emplois. La période de la pandémie a pendant quelques trimestres inversé cette dynamique, mais de façon temporaire. De fait, près de 370 000 emplois ont été détruits en 2020, mais 700 000 emplois autres ont été créés en 2021 (en comparant l’emploi à fin 2020 et à fin 2021), une dynamique inédite, avec près de 640 000 nouveaux emplois dans le secteur privé.

Près de la moitié de la performance du secteur privé concerne les secteurs les plus pénalisés par la Covid-19 en 2020 : le travail intérimaire, l’hébergement-restauration et, à un moindre degré, les métiers du spectacle (graphique 2). A l’exclusion de ces trois secteurs, on comptabilise 324 000 créations d’emplois dans le secteur privé, moins que le chiffre record atteint en l’an 2000 (428 000).

France : emploi à fin 2021 en écart à sa tendance d'avant Covid

Une autre question se pose : celle de savoir si le rebond post-Covid a permis au marché du travail d’effacer ce choc, c’est-à-dire d’être dans la situation qui aurait été atteinte fin 2021, si la tendance de créations d’emplois observée sur 2017-19 s’était poursuivie. Il ressort de cette comparaison un niveau d’emploi supérieur dans le tertiaire non marchand de 135 000 emplois, dont 76 000 dans le public. C’est dans la santé et l’éducation que cette évolution est la plus marquée, avec un impact positif de la pandémie sur l’emploi de ces secteurs.

En revanche, il manquerait près de 26 0000 emplois dans le secteur privé marchand hors intérim (graphique 3). L’industrie connaîtrait un retard de près de 60 000 emplois, cohérent avec une réduction des capacités de production observée autour de la période de Covid. C’est toutefois dans le tertiaire marchand que le retard pris sur la tendance d’avant-crise est le plus important, avec un déficit de près de 200 000 emplois, dont le tiers dans l’hébergement-restauration, le quart dans les services aux entreprises et un sixième dans le transport et l’entreposage. A contrario, dans l’agriculture et la construction, le niveau d’emploi est relativement conforme à ce qu’il aurait été sans pandémie.

La ventilation des effectifs de l’intérim par secteur d’activité n’atténue les tendances du graphique 3 que pour l’industrie, où sa prise en compte réduit le retard de moitié, en particulier dans la chimie, la pharmacie, la métallurgie ou l’agroalimentaire.

Au total, l’emploi dans le secteur privé marchand est inférieur de 1,3% au niveau qu’il aurait atteint fin 2021 s’il avait poursuivi sa croissance d’avant-Covid. En comparaison, le PIB réel est inférieur de 2,2% à son propre niveau théorique en utilisant la même méthode.

DES CARRIÈRES PLUS LONGUES QUI FAVORISENT UN TAUX D'EMPLOI PLUS ÉLEVÉ ET UN TAUX DE CHÔMAGE PLUS BAS

Taux d'emploi par âge

La France affiche un taux d’emploi inférieur de 1,5 point à la moyenne européenne, principalement en raison de débuts de carrières tardifs et de fins de carrières plus précoces. Des progrès significatifs ont cependant été faits sur ces deux fronts.

Les plus âgés (50-64 ans) connaissent une hausse structurelle de leur taux d’emploi depuis le milieu des années 90 (graphique 4). La hausse de l’emploi des femmes (quel que soit leur âge) est l’une des explications. Le taux d’emploi des 50-64 ans dépend directement de l’âge de départ à la retraite, avec une baisse notoire de ce taux dans les années 80, lorsque l’âge légal a été abaissé de 65 à 60 ans. Depuis, le report de l’âge légal de départ à la retraite s’est accompagné d’un allongement de la durée de cotisation et d’une retraite à taux plein plus tardive (entre 65 et 67 ans selon les cas). Ainsi, le taux d’emploi des 50-64 ans dépasse déjà celui atteint dans les années 70. Dans la perspective d’un nouveau report de l’âge légal de départ, le taux d’emploi devrait, dans les prochaines années, de nouveau augmenter et l’écart de près de 5 points avec la moyenne européenne devrait se combler.

France : taux de chômage par âge

Une deuxième tendance, plus récente, concerne le taux d’emploi des 15-24 ans. Ce dernier n’a cessé de diminuer jusqu’à la fin des années 90 sous l’effet de l’allongement de la durée des études, avant de connaître une stabilisation relative, aux alentours de 30%, durant les années 2000 et 2010. Mais il s’est nettement redressé à 32,2% en 2021 et atteint, ce faisant, la moyenne européenne.

Ce rebond s’explique principalement par la recrudescence des contrats d’apprentissage en 2021 qui, à 718 000, étaient près de deux fois plus nombreux qu’en 2019 (avec un taux d’insertion de 60% sur le marché du travail au bout de 6 mois, selon le gouvernement).

France : croissance moyenne annuelle du salaire mensuel de base (SMB) nominal

La baisse du taux de chômage des 15-24 ans en 2021, à 15,9% de la classe d’âge, y fait directement écho. C’est un point bas qui n’a plus été atteint depuis près de quarante ans. Cette réduction du chômage des jeunes a largement contribué à la baisse du taux de chômage global à 7,4% au 4e trimestre 2021.

La situation des 25-49 ans offre une statistique davantage comparable au fil du temps, car elle n’est pas affectée par les problématiques d’entrées tardives ou de départs précoces sur le marché du travail. Après avoir perdu près de 3,5 points de pourcentage entre 2008 et 2016, le taux d’emploi de la classe d’âge a rebondi de 1,5 point en 5 ans et frôle 82% en 2021. Un taux encore inférieur de près de 2 points à celui de 2008 suggère l’existence d’une réserve de main d’œuvre disponible.

Le taux de chômage des 25-49 ans est, quant à lui, retombé à 6,8% de la tranche d’âge à fin 2021, proche du point bas de 6,4% du 2e trimestre 2008.

LA CROISSANCE DES SALAIRES DEVRAIT S'ACCÉLÉRER

Les salaires ont connu une croissance relativement modérée ces dernières années (graphique 6), dans un contexte où le taux de chômage est resté important. Sa baisse pourrait toutefois le rapprocher du point où les hausses de salaires vont s’accélérer. Les difficultés de recrutement sont conséquentes dans l’ensemble de l’économie (graphique 7), et même supérieures au précédent record de 2000 dans l’industrie et les services (élevées mais inférieures dans la construction).

France : difficultés de recrutement (% des répondants)

Davantage d’entreprises anticipent désormais une hausse sensible des salaires (seuil non précisé dans l’enquête de l’Insee), notamment dans l’industrie où cette proportion n’a été plus élevée qu’en 2001. Cette statistique a été fournie par l’Insee pour la première fois en janvier 2022 pour la construction et les services, où une proportion conséquente d’entreprises confirme cette tendance (graphique 8). Dans l’industrie, l’agroalimentaire et les biens d’équipement affichent la proportion la plus élevée, tandis que dans les services ce sont les secteurs des transports et de l’hébergement-restauration.

France : entreprises anticipant en janvier 2022 une hausse sensible des salaires dans les 3 mois

L’inflation devrait favoriser une revalorisation du SMIC en 2022. Ce dernier a augmenté de 0,9% en janvier dernier après une première revalorisation anticipée de 2,2% au mois d’octobre 2021. Si l’inflation dépasse 2% en cours d’année entre deux revalorisations annuelles, une revalorisation automatique doit intervenir. Cela a été le cas en octobre dernier et ce devrait à nouveau l’être au mois de mai prochain, pour les mêmes raisons, dans une ampleur voisine. En sus, le gouvernement a annoncé une revalorisation du point d’indice des fonctionnaires avant l’été.

En complément, des accords de branches ont déjà acté une augmentation significative des salaires, en particulier dans le secteur de la restauration. Le salaire mensuel de base devrait ainsi voir sa croissance nominale moyenne s’accélérer en 2021, à 2,4% selon nos prévisions, une évolution qui n’a plus été observée depuis 2008.

Ainsi, le marché du travail français a connu des améliorations que la Covid-19 n’est venu altérer que partiellement et temporairement. La poursuite de cette dynamique sera toutefois nécessaire pour permettre une nouvelle baisse du taux de chômage en deçà de 7%. Cela permettrait de soutenir une croissance durable des salaires.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE