Certes, le PIB allemand a dépassé les attentes au 2e trimestre en se stabilisant (+0,1% t/t), contrairement à la baisse prévue. Cela s’explique en grande partie par le soutien de la consommation publique qui a une nouvelle fois enregistré une vive progression (+2,3% t/t). Les autres moteurs de la demande intérieure, la consommation privée comme l’investissement, sont à des niveaux dégradés (respectivement à -1,6% et -2% sous leur niveau de fin 2019).
Sur la seconde moitié de l’année, les perspectives allemandes sont lourdement menacées par le risque de pénuries d’énergie, notamment depuis le 2 septembre, date à laquelle Gazprom a décidé d’interrompre ses livraisons de gaz via le gazoduc NordStream1.
Même si les stocks de gaz devraient être remplis d’ici début novembre, ce qui constitue une sécurité à court terme, ils ne peuvent pallier que deux mois de consommation. En cas de risque de « blackout », le gouvernement allemand pourrait rationner volontairement l’approvisionnement des secteurs industriels qui consomment le plus d’énergie. Quatre grands secteurs apparaissent comme particulièrement énergivores : l’industrie chimique, la fabrication de bois/papier, l’industrie métallurgique, la production de caoutchouc/plastique (graphique 2).
Un arrêt, même partiel, de ces industries auraient un impact majeur sur l’activité du pays puisque, d’une part, ils représentent près d’un tiers de la valeur ajoutée de l’industrie (31,9%, soit 6,2% du PIB) et, d’autre part, ce sont également des fournisseurs d’un grand nombre d’autres secteurs.
Les premiers indicateurs disponibles pour le trimestre en cours montrent déjà une dégradation assez nette de l’activité économique. La production manufacturière (-1% m/m en juillet à -4,8% sous son niveau d’avant-crise) et les nouvelles commandes adressées à l’industrie (-1,1% m/m en juillet, soit une baisse de -9,3% depuis début 2022) sont en recul.
Du côté du commerce extérieur, la détérioration de la situation est tout aussi perceptible avec une nette réduction de l’excédent commercial (EUR -800 millions sur un mois en juillet à EUR 5,4 mds contre près de EUR 20 mds fin 2019). Les enquêtes confirment l’effritement de l’activité à la fin du 3e trimestre. Les PMI pour le mois d’août se dégradent aussi bien dans l’industrie que dans les services, et se situent tous deux sous leur niveau théorique d’expansion.
Sur l’ensemble de l’année 2022, la croissance du PIB atteindrait 1,4% grâce à un acquis de croissance de +1,8% à la fin du T2, mais le PIB se contracterait ensuite sur la deuxième partie de l’année. En revanche, l’activité serait en quasi-stagnation en 2023 avec un taux de croissance prévu à 0,4%.
L’Allemagne doit par ailleurs faire face à une inflation très élevée. L’indice harmonisé des prix à la consommation est ressorti en hausse de +8,3% sur un an en août. Le choc énergétique s’est très rapidement propagé aux biens manufacturés, dont la hausse atteint 14,7% a/a. Les pressions inflationnistes devraient se poursuivre sur la fin d’année et l’inflation atteindrait +8,1% en moyenne sur 2022, puis ralentirait significativement en 2023 à +4,7%.
Si les prix ne cessent d’accélérer, les revenus distribués aux travailleurs (incluant le salaire et les primes) ont, quant à eux, ralenti en termes nominaux au 2e trimestre (+2,9% a/a après +4% a/a au T1) du fait de la réduction des primes, qui a conduit à une très forte baisse des salaires réels (-4,4% a/a après -1,8% a/a au T1).
Face à une telle détérioration du pouvoir d’achat, le gouvernement d’Olaf Scholz a annoncé le 4 septembre dernier de nouvelles mesures de soutien pour un montant de EUR 65 mds (soit 1,8% du PIB). Parmi elles : un chèque énergie pour les retraités (EUR 300) et pour les étudiants (EUR 200). Avec un montant total de dépenses dépassant 3,5% de son PIB selon les estimations de Bruegel, l’Allemagne est désormais l’un des pays les plus interventionnistes d’Europe face au choc inflationniste et à la crise énergétique.