Au T3 2024, le PIB réel est resté inchangé. La demande intérieure a contribué à hauteur de 0,5 point de pourcentage à la croissance, tandis que la contribution des exportations nettes a été négative. Le ralentissement économique résulte de l’évolution décevante de l’industrie manufacturière (-1,3 %), elle-même le reflet de la baisse des exportations italiennes depuis un an et demi. En revanche, la valeur ajoutée des services a progressé et dépassé de 6,5% son niveau pré-Covid-19. Si la nouvelle administration américaine met en œuvre des mesures visant à protéger sa production nationale, cela pourrait avoir un impact majeur sur le système de production italien. Au cours des huit premiers mois de 2024, l’excédent commercial italien avec les États-Unis a atteint EUR 26,5 mds, soit environ 70 % de l’excédent total.
La demande intérieure reste le principal moteur de la croissance économique
La reprise de l’économie italienne s’est arrêtée au cours de l’été. Après avoir enregistré une croissance de 0,3 % en variation trimestrielle au T1 et de 0,2 % au T2, le PIB réel est resté inchangé au T3.
La demande intérieure a contribué à hauteur de 0,5 point de pourcentage à la croissance. En revanche, la contribution des exportations nettes a été négative (-0,7 pp) : les exportations ont diminué pour le troisième trimestre consécutif (-0,9 %) tandis que les importations ont augmenté de 1,2 %. La contribution des stocks s’est élevée à +0,2 pp. Au T3, le PIB réel est en hausse de 0,4 % en glissement annuel et de 5,6 % par rapport au T4 2019.
Sur l’ensemble de 2024, le taux de croissance de l’économie italienne s’élèverait à 0,5% selon nos prévisions En 2025, la croissance se redresserait progressivement grâce à la poursuite de la mise en œuvre du Plan national de relance et de résilience (PNRR) et à l’accélération de la consommation, tandis que la politique budgétaire devrait devenir moins accommodante.
L’augmentation du pouvoir d’achat soutient la consommation des ménages
Les conditions sur le marché du travail ont continué de s’améliorer. Le nombre de personnes employées a dépassé les 24 millions et le taux d’emploi a atteint 62,5 %, soit 3 points de pourcentage de plus qu’en 2019. La croissance des salaires nominaux a augmenté : de janvier à septembre, les salaires horaires nominaux ont progressé de plus de 3 %.
Après être tombée à 0,7 % en glissement annuel en septembre, l’inflation a rebondi à 1,6 % en novembre, mais cela reste bien en dessous de la moyenne de la zone euro (2,3 %). Cette accélération reflète la hausse mensuelle des prix des produits alimentaires (+3,2 % a/a en novembre, contre +2,5 % en octobre) et de l’énergie (-5,4 % a/a, contre -9 % en octobre). Pour l’ensemble de 2024, l’inflation devrait être légèrement supérieure à 1 % en moyenne annuelle. Au cours des prochaines années, l’évolution des prix devrait rester modérée, sauf pour les services, où les salaires devraient continuer d’exercer une pression à la hausse.
Le revenu nominal ayant augmenté plus que l’inflation, le pouvoir d’achat des ménages italiens s’est redressé, ce qui a eu pour effet de soutenir la consommation privée. Celle-ci a fortement progressé, de 1,4 % t/t au T3 (après +0,2 % au T1 et +0,6 % au T2), contribuant à hauteur de 0,8 point de pourcentage à la croissance totale. Malgré la persistance de l’incertitude générale, la confiance des consommateurs reste supérieure à sa moyenne de long terme. La consommation devrait accélérer en 2025, si le revenu nominal continue d’augmenter plus fortement que l’inflation.
Un taux d’investissement décevant
Les conditions économiques des entreprises italiennes se sont légèrement dégradées, la hausse des coûts ayant en partie érodé les marges. Bien que leur taux de croissance annuel soit tombé en territoire négatif, les prix à la production dans le secteur manufacturier sont toujours supérieurs d’environ 20 points de pourcentage à ceux de début 2021. Les coûts de la main-d’œuvre des sociétés non financières atteignent près de EUR 150 mds, soit plus de 55 % de la valeur ajoutée. La rentabilité des entreprises, mesurée par le rapport entre l’excédent brut d’exploitation et la valeur ajoutée, a chuté à 42,6 %, légèrement au-dessus de son plus bas niveau des vingt dernières années. Bien qu’elle reste supérieure à la moyenne à long terme, la confiance des entreprises s’est détériorée. De ce fait, et en raison de l’incertitude quant à la mise en œuvre de nouvelles mesures d’incitation fiscales pour soutenir les dépenses en machines et en équipements, la propension à investir a diminué. Au T3, la formation brute de capital fixe a enregistré sa troisième baisse consécutive (-1,2 %), coûtant 0,3 point de pourcentage à la croissance du PIB.
Une évolution mitigée d’un secteur à l’autre
Du côté de l’offre, le ralentissement de l’économie italienne résulte surtout de l’évolution décevante de l’industrie. Au T3 2024, la valeur ajoutée manufacturière s’est contractée pour la huitième fois au cours des neuf derniers trimestres (-1,3 %). La production, qui avait augmenté de près de 3 % dans la première partie de la reprise, a reculé de 7 % au cours des deux dernières années, pour retomber à environ 4,5 points de pourcentage en dessous de son niveau pré-Covid-19. La baisse a été plus prononcée dans les secteurs les plus énergivores, comme le bois et le papier, les métaux et les produits chimiques. La production de produits textiles, de vêtements et d’articles en cuir a reculé de plus d’un quart par rapport au T4 2019, là encore en raison d’un déclin structurel de l’activité.
L’évolution décevante du secteur manufacturier reflète le ralentissement des exportations de marchandises, en baisse depuis un an et demi. Sur un an en septembre, la valeur des ventes italiennes à l’étranger a chuté à environ EUR 620 mds, soit EUR 20 mds de moins qu’au début 2023. Les entreprises italiennes sont directement touchées par l’affaiblissement de l’économie allemande : de janvier à septembre, les exportations totales ont diminué de 5,5 %, celles des moyens de transport de plus de 20 % et celles des produits métallurgiques de 12 %.
L’évolution du secteur de la construction reste mitigée. Au T3, la valeur ajoutée a progressé de 0,3 % t/t, ne compensant que partiellement la baisse du trimestre précédent (-0,7 %). Le secteur résidentiel souffre à la fois de l’élimination progressive des incitations fiscales pour la rénovation des logements et du niveau toujours élevé des coûts de financement. Moins de permis de bâtir résidentiels ont été enregistrés, ce qui trahit un risque d’affaiblissement de l’activité dans les trimestres à venir. Des signes de résilience se manifestent néanmoins du côté des bâtiments non résidentiels, un sous-secteur qui devrait être soutenu par les dépenses découlant de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).
Les services sont restés le principal moteur de la croissance italienne. Après une progression de 0,6 % t/t au T1 et de 0,3 % au T2, la valeur ajoutée a augmenté de 0,2 % au T3, en hausse de 6,5 points de pourcentage par rapport au niveau pré-Covid-19. Les services bénéficient de la reprise du tourisme. Entre janvier et août, les dépenses des voyageurs étrangers en Italie ont augmenté à EUR 38,5 mds, un niveau bien supérieur à celui de la même période de 2019. De même, le nombre de voyageurs est passé à 62,8 millions, soit 3,4 millions de plus qu’en 2023.
Prudence en matière de finances publiques
La Commission européenne a approuvé le premier Plan budgétaire structurel à moyen terme de l’Italie, basé sur un parcours d’ajustement de sept ans. Il comporte un vaste programme d’investissements et de réformes structurelles cohérentes avec les thématiques du PNRR (judiciaire, administration publique, numérisation, concurrence et environnement commercial). Le Plan prévoit une sortie relativement rapide de la procédure de déficit excessif lancée par le Conseil de l’UE en juillet 2024.
Le déficit public devrait retomber sous les 4 % du PIB en 2024, alors qu’il était de 7,2 % en 2023. L’effet positif sur la réduction du déficit de la suppression progressive des mesures visant à atténuer l’impact des coûts de l’énergie et des crédits d’impôt pour la rénovation des bâtiments, associé à l’évolution plus favorable qu’anticipé des recettes fiscales, ne serait que partiellement contrebalancé par les moindres recettes dues à la diminution du coin fiscal. En comparaison au budget actuel, le projet de budget pour 2025-27en discussion au Parlement, aurait un effet expansionniste net de 0,4 % du PIB en 2025, de 0,6 % en 2026 et de 1,1 % en 2027. Le déficit public devrait néanmoins légèrement diminuer en 2025, avant de repasser en dessous de 3 % du PIB en 2026. Du fait du ralentissement de la croissance nominale et de l’impact retardé des crédits d’impôts pour la rénovation des bâtiments, le ratio dette/PIB devrait cependant légèrement augmenter à 138% du PIB en 2026, avant de diminuer au cours des années suivantes.
FOCUS | L’Italie, fortement exposée aux augmentations de tarifs douaniers américains
L’Italie et les États-Unis entretiennent des liens commerciaux étroits. Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, de nouvelles mesures pourraient être appliquées pour protéger la production nationale américaine. Ces dernières pourraient avoir un impact majeur sur le système de production italien.
Le poids des États-Unis dans le commerce extérieur italien a augmenté au cours des dernières années. En 2022, les États-Unis sont devenus le deuxième marché des exportations italiennes, devant la France. Durant les huit premiers mois de 2024, 10,4 % des ventes italiennes à l’étranger ont été réalisées aux États-Unis (pour une valeur de EUR 43,3 mds). Sur la même période, les produits américains représentaient 4,5 % des importations italiennes (EUR 16,9 mds). L’excédent commercial italien avec les États-Unis a donc atteint EUR 26,5 mds, soit environ 71 % du total de l’excédent commercial italien.
Côté américain, l’Italie occupait, en 2023, la dixième place au classement des pays avec lesquels les États-Unis affichaient les déficits commerciaux les plus importants. Cependant, le déficit vis-à-vis de l’Italie représentait moins de 1 % du déficit commercial américain global.
Par ailleurs, de très nombreuses multinationales américaines sont présentes en Italie. En 2022 (dernières données disponibles), elles étaient les deuxièmes les plus nombreuses (2 603), mais les premières en termes d’employés (environ 351 000), de valeur ajoutée et de chiffre d’affaires. Rien que dans le secteur manufacturier, les multinationales contrôlées par les États-Unis en Italie ont contribué à hauteur de 8,1 % au total de la valeur ajoutée. Selon une analyse d’Istat, en 2021, les multinationales américaines ont généré 46,1 % des exportations du secteur pharmaceutique et 10,6 % des exportations du secteur chimique. Du côté des importations italiennes, en 2021, les multinationales américaines ont généré plus de 54 % des importations de produits de cokéfaction et de raffinage. Elles ont aussi représenté 25 à 45 % des importations d’aliments, d’équipements électriques, de machines et de meubles. En ce qui concerne les flux commerciaux entre l’Italie et les États-Unis, les multinationales italiennes contrôlées par une maison-mère américaine représentaient, en 2021, 11,7 % des exportations de moyens de transport (autres que des voitures), 8,9 % des exportations de machines et 8,4 % des exportations de caoutchouc et de plastique vers les États-Unis.
Achevé de rédiger le 3 décembre 2024