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Eco Emerging // 3 trimestre 2022
economic-research.bnpparibas.com
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sur l’amélioration de la couverture vaccinale de la population (passée
de 68% fin 2021 à 82% début juillet, 73% ayant également reçu la dose
de rappel). En dépit du changement de stratégie, les indicateurs de
mobilité ont chuté en avril-mai, ce qui a pesé sur l’activité, les ventes
au détail en particulier. Ils remontent progressivement depuis début
juin, et la consommation privée devrait se renforcer pendant l’été.
Cependant, d’autres freins pèsent sur la croissance économique, qui
est attendue à 3,5% sur l’ensemble de 2022. La croissance du PIB réel
a déjà marqué le pas au T1 2022 (+1,1% t/t contre 2,4% t/t au T4 2021),
et pourrait être négative (en glissement trimestriel) au T2. Elle ne se
redresserait que modérément au second semestre de l’année, dans un
contexte de ralentissement de la demande mondiale, de montée des
pressions inflationnistes et de resserrement monétaire. La politique
budgétaire devrait en revanche rester un soutien à l’activité.
L’industrie et les exportations taiwanaises ont été directement affec-
tées par les conséquences des récents confinements à Shanghai et
dans d’autres régions industrielles chinoises. Les perturbations dans le
transport de marchandises, les ruptures d’approvisionnement dans les
chaînes de valeur et la contraction de la demande chinoise ont conduit
au ralentissement de la production manufacturière (+5,1% en g.a. en
TAIWAN : RESSERREMENT DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE
Inflation, g.a.
Taux directeur (taux d'escompte)
Taux de base bancaire
6 %
5
4
3
2
1
0
1
2
-
-
2007
2009
2011
2013
2015
2017
2019
2021
GRAPHIQUE 2
SOURCES : DGBAS, CBRC, CEIC
mai 2022, contre 9,2% en décembre 2021) et des exportations (+12,5% décembre) et l’inflation IPC n’est pas excessive. Elle est toufefois à son
en g.a. en mai contre 23,3% en décembre). La Chine absorbe environ niveau le plus élevé depuis 2008, et les anticipations d’inflation conti-
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0% des exportations de Taiwan (et Hong Kong 14%), et représente 22% nuent de se détériorer.
de ses importations.
En conséquence, à l’instar de nombreuses autres banques centrales,
Les problèmes d’approvisionnement dans l’industrie ont commencé à les autorités monétaires taiwanaises ont entamé un cycle de resser-
s’atténuer avec la levée (partielle) des restrictions à la mobilité en rement. Le principal taux directeur, qui avait été maintenu à un niveau
Chine, mais le secteur exportateur taiwanais restera pénalisé à court bas historique de 1,125% depuis le choc de la Covid-19 début 2020, a
terme par l’affaiblissement de la demande mondiale. L’indice PMI du été relevé à 1,375% en mars et à 1,5% en juin. D’autres hausses sont
secteur manufacturier est d’ailleurs passé sous la barre des 50 au mois attendues aux comités de politique monétaire des deux prochains tri-
de juin 2022 (à 49,8), pour la première fois depuis juin 2020. Il est mestres.
notamment affecté par la baisse de la sous-composante « nouvelles
commandes à l’exportation » (à 47,9).
La hausse du taux directeur s’est répercutée sur les taux débiteurs
(
graphique 2), et la croissance du crédit bancaire devrait ralentir à
De fait, étant donné son degré élevé d’ouverture commerciale et sa court terme. Le crédit bancaire au secteur privé s’est progressivement
dépendance aux exportations, l’économie taiwanaise se trouve exposée renforcé depuis 2016, y compris au cours des deux dernières années
aux répercussions indirectes de la guerre en Ukraine via ses effets sur (sa hausse réelle a atteint 5,9% en g.a. en avril-mai 2022, contre 3,9%
le commerce mondial, les chaînes de valeur ainsi que sur les prix des en 2019). Il représentait près de 160% du PIB en 2021, soit un niveau
matières premières. Les conséquences directes du conflit sont quant relativement élevé, également réparti entre les secteurs des entre-
à elles infimes, les échanges commerciaux de l’île avec la Russie et prises et des ménages. Le durcissement des conditions de crédit et le
l’Ukraine étant extrêmement réduits.
ralentissement de l’activité pourraient conduire à une dégradation de
la qualité du portefeuille de prêts du secteur bancaire. En particulier,
l’importante exposition des banques au secteur immobilier (environ
Enfin, Taiwan a fait face à d’importantes sorties de capitaux depuis le
début de l’année : en plus du mouvement de retrait des investisse-
ments de portefeuille qu’ont subi une majorité de marchés émergents,
Taiwan a souffert d’un regain d’inquiétudes au sujet des tensions qui
règnent dans le détroit de Formose. Les conséquences sur les variables
financières ont été significatives (le dollar taiwanais a ainsi perdu plus
de 7% de sa valeur face au dollar américain au cours du S1 2022, et
l’indice principal de la Bourse de Taipei a chuté de près de 20%), mais
la position de liquidité extérieure de Taiwan est restée intacte, et ex-
trêmement solide.
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0% du total des prêts) est une source de vulnérabilité, d’autant que les
prix, qui ont fortement progressé entre le T4 2019 et le T1 2022 (+27%),
pourraient connaître une correction. Néanmoins, les risques de crédit
devraient rester largement sous contrôle. D’abord, le secteur bancaire
dans son ensemble est solide, bien capitalisé et liquide. Ensuite, la
qualité moyenne des prêts bancaires est très bonne, résultat de po-
litiques prudentes de gestion du risque (le ratio moyen de créances
douteuses est très bas, inférieur à 0,2% depuis août 2021). Enfin, les
autorités ont introduit des mesures macro-prudentielles depuis la fin
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020, qui ont notamment permis de limiter les transactions spécula-
RESSERREMENT MONÉTAIRE EN COURS
tives sur le marché immobilier et de contenir la charge du service de la
L’inflation des prix à la consommation (IPC) accélère depuis plusieurs dette hypothécaire des ménages.
mois (+3,4% en g.a. en mai 2022 contre 2,6% en décembre 2021), prin-
cipalement tirée par la hausse des prix des denrées alimentaires –
qui constituent 24,8% du panier de consommation des ménages et ont
augmenté de 7,4% en g.a. en mai (contre 4,2% en décembre). L’inflation
sous-jacente n’accélère guère (+1,7% en g.a. en mai contre 1,6% en
Achevé de rédiger le 5 juillet 2022
Christine PELTIER
christine.peltier@bnpparibas.com
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