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Eco Emerging // 4 trimestre 2020 (achevé de rédiger le 28 septembre 2020)
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de 2021), on peut douter de la capacité de rebond de l’économie. Les
conditions extérieures, notamment les prix des matières premières
agricoles, vont rester déprimées et limiteront le redémarrage par les
exportations. Au-delà de la conjoncture internationale, l’économie
reste engluée dans une spirale de dépréciation du change et d’inflation
que la politique du précédent gouvernement (suppression du contrôle
de changes, baisse des taxes à l’exportation et libéralisation des tarifs
règlementés de l’eau et de l’énergie) n’avait pas réussi à juguler. Cette
spirale a grevé les finances publiques directement (par la nécessité
de revaloriser régulièrement les prestations sociales) et indirectement
DIFFICLE STABILISATION FINANCIÈRE
Réserves officielles de change, USD mds (éch.g.)
Taux officiel USD/ARS (éch.d.)
Taux swap "Blue chip" (éch.d.)
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(
par le coût de de stérilisation élevé des entrées de capitaux pour la
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banque centrale). Elle a empêché également de restaurer la fonction
de levier contra-cyclique de la politique monétaire, faute de pouvoir
dissocier les anticipations d’inflation de la dérive du taux de change
nominal.
Certes, au cours des douze derniers mois, la banque centrale (BCRA) a
pu réduire drastiquement son taux directeur de 85% à 32%, alors que le
taux d’inflation ne s’est réduit, sur la même période, que de 53% à 42%.
Cette détente monétaire est toutefois intervenue dans une situation
d’urgence caractérisée, non seulement par le défaut sur la dette et le
contrôle renforcé des changes, mais aussi par un abandon de fait de
la stabilité du taux de change ; l’écart entre le taux officiel contre USD
et le taux parallèle (blue chip swap rate). Ce dernier, qui était encore
négligeable en août 2019, est monté à près de 80% un an plus tard (cf.
graphique 2).
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2020
GRAPHIQUE 2
SOURCES : BCRA, DATASTREAM
Toutefois, il est peu probable que le FMI autorise la poursuite du
financement direct par la banque centrale. L’inflation d’origine
monétaire pourrait s’atténuer avec le retour à un financement
classique par emprunt. Mais, entre-temps, on peut craindre que la
dérive actuelle des agrégats monétaires ait des effets persistants au
moins jusqu’au début 2021.
Normalement, pour un pays bénéficiant, avant la crise sanitaire, d’une
inflation maîtrisée et d’une stabilité financière, le rebond en 2021
devrait être d’autant plus marqué que le choc a été violent en 2020.
Rien n’est moins sûr pour l’Argentine, même avec le soutien du FMI.
TENSIONS PERSISTANTES SUR LA LIQUIDITÉ EXTÉRIEURE
Les pressions persistantes sur la liquidité extérieure constituent une
deuxième contrainte au redémarrage. Le déficit de la balance courante
s’est fortement réduit (au T1 et en cumul sur 4 trimestres, son déficit
n’était plus que de USD 0,9 md) et devrait laisser place à un excédent
RÉ-ACCÉLÉRATION ANTICIPÉE DE L’INFLATION
Tout d’abord, malgré l’ampleur de la récession qui dure depuis 2 ans
et demi, l’inflation n’est pas endiguée. D’après les enquêtes de la BCRA,
l’anticipation en août du glissement annuel des prix à la consommation
à un horizon de 12 mois était remontée à 51,2% contre 40,7% au dernier
mois connu (août). La cause première est toujours la dynamique au-
toentretenue entre les salaires et le taux de change, dynamique d’au-
tant plus forte que l’écart entre le taux officiel et le taux parallèle est
(
en cumul sur 12 mois, le solde commercial est excédentaire de près
de USD 20 mds en juillet). Les réserves de change de la banque cen-
trale ont toutefois continué de s’éroder pour atteindre USD 42,6 mds
début septembre contre USD 45 mds fin 2019. Les achats de dollars
par les résidents, qui avaient fortement ralenti avec la mise en place
du contrôle des changes, se sont intensifiés depuis le mois de mars.
Mi-septembre, la banque centrale a dû introduire de nouvelles mesures
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élevé .
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de contrôle des changes incluant même des restrictions temporaires
Par ailleurs, nombre d’analystes locaux mettent aussi en exergue la
croissance excessive de la base monétaire (+35% sur janvier-août 2020
contre 30% sur l’ensemble de l’année 2019), en raison du financement
monétaire du déficit primaire qui a atteint 4,7% du PIB en cumul sur
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au remboursement de la dette en dollars des entreprises domestiques .
Un accord avec le FMI est donc une condition nécessaire pour
renforcer la liquidité extérieure et donner des gages d’amélioration
de la solvabilité du pays (qui restera très fragile, faute d’avoir obtenu
une réduction de la dette). Par ailleurs, le soutien financier du FMI
n’est pas une condition suffisante à une sortie de crise durable. Le
gouvernement argentin et le FMI devront trouver un bon dosage des
objectifs de consolidation budgétaire et de gestion monétaire et de
change qui permette de rassurer les créanciers privés mais ne soit pas
trop ambitieux pour donner une chance à la reprise.
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2 mois en juillet contre 0,5% en décembre 2019. De fait, les transferts
de la BCRA au Trésor (avances directes et profits comptables tirés de
la revalorisation des réserves de change) ont atteint près de 6% du PIB
depuis le début de l’année.
La situation exceptionnelle créée par la crise sanitaire justifiait jusqu’à
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présent un financement exceptionnel à coût nul pour l’État , mais cette
solution ne peut être que temporaire. Pour 2021, le gouvernement veut
limiter l’effort budgétaire en ramenant le déficit primaire à 4,5% du
PIB (hors dépenses exceptionnelles liées à la Covid 19, les dépenses
primaires devraient progresser de 7,6% en termes réels).
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Des estimations économétriques montrent que le degré de transmission (pass-through) entre le taux de change et l’inflation est de 0,2 ou 0,4 au bout d’un an selon que l’écart
entre le taux officiel et le taux parallèle est inférieur resp. supérieur à 40%.
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Les avances de la banque centrale à l’État (adelantos transitorios) ne génèrent pas d’intérêts.
Inclusion des achats en dollars par carte de crédit dans le plafond mensuel individuel des transactions en USD (USD 200) et instauration d’une avance de 35% de l’impôt sur
le revenu sur tous les achats de dollars (en plus de la taxe de 30% instaurée en décembre 2019 sur tous les achats de USD dite PAIS tax). Interdiction aux bénéficiaires d’aides
publiques d’acquérir des dollars US. Interdiction pour les non-résidents de revendre des actifs financiers détenus depuis moins d’un an si le règlement est en dollars US.
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Obligation pour les entreprises dont les échéances sont supérieures à USD 1 million par mois entre le 15 octobre 2020 et le 31 mars 2021 de n’en rembourser que 40% et de
er
présenter un plan de rééchelonnement des 60% restants d’ici le 1 Octobre.
La banque
d’un monde
qui change