Alors qu’en début d’année, des signes de rebond de la croissance allemande étaient apparus, la récession industrielle a finalement repris, avec un impact négatif sur le marché du travail désormais perceptible, puisque le taux de chômage remonte. Dans ce contexte et à la suite du retrait du soutien à l’achat de véhicules électriques en décembre 2023, les ménages ont accru leur taux d’épargne. Pour autant, des signes encore timides de rebond commencent à se dessiner, avec un léger regain en termes de demande. La prise de conscience du décrochage industriel allemand par le gouvernement pourrait, en parallèle, déboucher sur le retour de mesures de soutien.
L’économie allemande est engluée dans une stagnation qui dure depuis près de deux ans. Le PIB du T2 2024 était même inférieur au pic du T3 2022 (de 0,5%). Entre ces deux dates, la consommation privée a diminué de 0,9% et l’investissement de 4,2%. La demande extérieure n’offre pas de relai.
On observe juste que les exportations se replient moins que les importations (-0,6% contre -2,8%). Or, dans le même temps, aucun autre pays de la zone euro n’a enregistré une telle stagnation. Ces chiffres soulignent donc une sous-performance majeure de l’Allemagne.
La récession industrielle est de retour
Durant cette période, l’industrie allemande a connu deux récessions. La deuxième est en cours. En Allemagne, industrie et construction représentent près du tiers du PIB (contre un cinquième en France). Leur impact sur la croissance est donc notable. Après une première récession entre le T2 et le T4 2023, la production de ces secteurs avait légèrement rebondi (+0,4% t/t) au T1 2024. La contraction a repris au T2 (-1,2% t/t) et un rebond ne semble pas d’actualité. La production industrielle a atteint en juillet son plus bas niveau (hors période de Covid) depuis avril 2010. Le climat des affaires IFO dans l’industrie s’est détérioré en septembre, à un niveau (-21,6) qui n’a été plus bas que lors des récessions de 1993, de 2009 et de la période Covid.
En parallèle, le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie est passé de 86% au T1 2022 (début de la guerre en Ukraine et du choc énergétique qu’elle a provoqué) à 77,4% au T3 2024 (après 80,2% au T2 2024). En comparaison, en zone euro, ces taux étaient de 82,8% au T1 2022, de 78,9% au T2 2024 et de 77,7% au T3 2024.
Ces évolutions sont lourdes de sens, d’autant plus qu’elles s’ajoutent au choc du Covid et à une perte d’activité notable déjà avant la pandémie : en moyenne sur les 3 derniers mois, la production industrielle était de 15% inférieure à son pic du T4 2017 (de 20% dans la métallurgie et de 19% dans l’automobile). Cette faiblesse risque d’engendrer de nouvelles fermetures de sites (déjà envisagées dans l’automobile), alors même que les capacités de production ont connu une première diminution de 6% suite à la période de Covid (inédite hors période de réunification), selon nos calculs.
Les ménages encaissent le coup
La situation de l’industrie grignote l’un des grands succès allemands de ces dernières années : le retour au plein emploi. Certes, le taux de chômage reste bas et la principale contrainte que rencontre le secteur des services reste le manque de main d’œuvre (davantage que le manque de demande). Toutefois, dans l’industrie, les contraintes de main d’œuvre ont reculé et le taux de chômage a rebondi, quittant son étiage de 3% qui prévalait avant le Covid et il y a encore un an, pour atteindre 3,7% en juillet 2024. Une hausse qui pourrait se poursuivre si l’on en croit le climat de l’emploi de l’enquête IFO, qui est tombé à 94,8 en août 2024. Hors période de Covid et crise de 2008, c’est un plus bas depuis 2005, c’est-à-dire juste avant que l’entrée en vigueur des réformes Hartz ne permette une forte décrue du chômage en Allemagne.
Selon l’enquête de la Commission européenne, les ménages allemands ne croient pas à une reprise de l activité : ils ont une perception négative de la situation économique des douze derniers mois comme des douze prochains. En août 2024, seuls 6,6% des ménages projetaient un achat important dans l’immédiat selon la Commission européenne, une proportion constamment en deçà de 10% depuis mars 2022, et qui n’était que très rarement passée en deçà auparavant.
La diminution de l’inflation, qui a atteint la marque symbolique de 2% a/a en août 2024 (selon l’indice harmonisé) contre 6,4% un an plus tôt, n’a pour le moment qu’un impact limité sur la confiance et la consommation des ménages. Selon Eurostat, le taux d’épargne des ménages a même augmenté, pour atteindre 21,2% au T1 2024, contre 19,9% un an plus tôt (et 18,2% fin 2019), dont près de la moitié en épargne financière (proportion inédite hors période de Covid).
À l’orée d’un sursaut ?
L’année 2025 verra t-elle la fin de la stagnation ? Quelques motifs d’espoir existent, même s’ils demandent à être confirmés.
Le premier concerne la demande. L’indice des nouvelles commandes dans l’industrie a rebondi en juin-juillet. Cet indice est assez volatile, volatilité qu’une moyenne sur 6 mois permet de lisser. Avec ce calcul, un rebond transparait en juillet 2024 (+1,2% m/m). Il est certes encore limité, mais il interrompt une baisse quasi-continue depuis mai 2022.
Le second pourrait provenir du policy mix. La BCE a de nouveau réduit son taux directeur de 25 pdb en septembre 2024. En parallèle, le retour des aides à l’achat de véhicules électriques pourrait intervenir. La fin de ce soutien avait été décidée en urgence en décembre 2023, afin de réduire le déficit budgétaire (suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe). Or, sur la période décembre 2023 – août 2024, les immatriculations de véhicules électriques ont diminué de 36%. Volkswagen a récemment annoncé la potentielle fermeture d'une de ses usines en Allemagne, ce qui constituerait une première. Suite à cette annonce, le gouvernement allemand s’est donc saisi du sujet et des mesures de soutien au secteur pourraient intervenir.
Achevé de rédiger le 23 septembre 2024