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Eco Emerging // 4 trimestre 2020 (achevé de rédiger le 28 septembre 2020)
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élevé (8,75%). Ceci peut se justifier pour au moins trois raisons.
Premièrement, après la réduction de 300 points effectuée en mars
dernier, de nouvelles baisses importantes auraient des conséquences
limitées sur l’activité économique. Même si la plupart des mesures
sanitaires restreignant l’activité ont été levées, les perspectives de
reprise restent très incertaines, ce qui n’incite pas les entreprises à
investir.
Deuxièmement, la baisse spectaculaire de l’inflation reste fragile.
D’une part, la baisse des prix des produits alimentaires est liée à des
éléments susceptibles de changer, et d’autre part, la libéralisation des
prix de l’énergie les rendent beaucoup plus sensibles qu’auparavant
aux prix du marché. Troisièmement, le choc économique et financier
survenu en 2020 a confirmé la vulnérabilité des comptes extérieurs
et la nécessité de maintenir une politique de taux d’intérêt attractive
pour les investisseurs étrangers actifs sur le marché de la dette en
monnaie locale.
Dans un contexte de chute de l’activité touristique et d’une aggravation
attendue du déficit courant, les investisseurs étrangers sont
massivement sortis du marché égyptien en mars. Le montant des bons
du Trésor détenus par les non-résidents a chuté de USD 12,7 mds en
trois mois, pour atteindre USD 7 mds en mai. La conclusion d’un accord
avec le FMI pour un soutien total de USD 8 mds, ainsi que l’émission
de USD 5 mds de dette souveraine sur les marchés internationaux ont
permis de rétablir la liquidité extérieure. En juillet, avec le retour des
investisseurs étrangers sur le marché égyptien, le montant des bons
du Trésor détenus par les non-résidents est repassé au-dessus de
USD 10 mds. Le niveau actuel des taux donne un avantage significatif
au marché égyptien en termes de rapport rendement/risque, et
il contribue à la stabilité du change, voire à sa légère appréciation,
favorisant d’autant les opérations de carry trade.
CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DE LA MASSE MONÉTAIRE (%)
Créances sur le secteur privé
Créances nettes sur le gouvernement
M2 a/a
Autres composantes
Actif extérieur net du système bancaire
Opérations d'open market (% de M2)
30
2
5
0
2
15
1
0
5
0
5
-
-
10
2
018
2019
2020
GRAPHIQUE 2
SOURCES : CBE, BNP PARIBAS
d’intérêts suffisamment attractifs pour les investisseurs étrangers peut
contribuer à libérer de la liquidité pour le secteur privé.
L’accélération des crédits au secteur privé est notable (+20% g.a. en juin
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020), bien que moins forte que celle des créances sur le gouvernement
(
+49%). Au cours du S1 2020, la progression du crédit aux entreprises a
surtout concerné des crédits à court terme et a bénéficié de la politique
de prêts à taux bonifiés mise en place par la BCE en 2019 et dont
le taux est passé de 10% à 8%. Si le crédit aux entreprises accélère
depuis le début de l’année (+18% g.a. en mai 2020), c’est le crédit aux
ménages (30% du crédit total au secteur privé) qui connaît la hausse
la plus rapide (+30%). Les banques égyptiennes sont connues pour
leur politique prudente de distribution du crédit, et l’endettement des
ménages est conditionné à une source régulière de revenu. Néanmoins,
cette accélération du crédit aux ménages est à surveiller étant donné
la détérioration de la situation économique. Sur fond d’augmentation
du taux de pauvreté constaté depuis 2016 par la Banque mondiale,
la suppression progressive de la politique de subvention a provoqué
la baisse du pouvoir d’achat d’une part significative des classes
moyennes. Le ralentissement économique actuel et les perspectives
négatives de l’activité touristique ne permettent pas d’envisager une
amélioration à court terme.
INJECTION DE LIQUIDITÉS SUPPLÉMENTAIRES DANS
L’ÉCONOMIE
La banque centrale injecte de la liquidité dans l’économie en utilisant
les opérations d’open market. Ces opérations ont été massivement
utilisées depuis fin 2016 afin de contenir le gonflement de la masse
monétaire et ses possibles conséquences inflationnistes. Depuis
le début de l’année, le montant des opérations d’open market s’est
sensiblement réduit, passant de 20% de M2 en moyenne en 2018-2019
à 8,5% en juillet 2020. Cette liquidité supplémentaire a majoritairement
permis de financer les créances du gouvernement qui ont contribué
en moyenne à 19% de la hausse de M2 depuis avril 2020 (contre 5,8%
pour le secteur privé). Cet accroissement de la liquidité n’a pas de
conséquences inflationnistes en raison du ralentissement de l’activité
et de l’attractivité des certificats de dépôts proposés par les banques
publiques (elles détiennent 50% des actifs bancaires) afin de décourager
la dollarisation des dépôts.
Pour le moment, la qualité des actifs des banques du secteur privé
reste stable. Selon les résultats des banques publiés pour le premier
semestre, le taux de créances douteuses s’élevait à 3,8% en T2 2020,
contre 3,9% en T1 2019 (4,5% en septembre 2019 pour l’ensemble du
système bancaire selon le FMI). Dans le même temps, les banques
ont significativement augmenté leurs provisions pour tenir compte de
la dégradation des conditions économiques. Mais le moratoire sur le
paiement des intérêts des prêts bancaires pour tous les débiteurs a lar-
gement contribué stabiliser la qualité des créances sur les entreprises.
La fin du moratoire en septembre 2020 pourrait révéler la situation
financière réelle des débiteurs et affecter la qualité du portefeuille des
banques.
GONFLEMENT DU CRÉDIT AUX MÉNAGES ET HAUSSE DE
L’EXPOSITION DES BANQUES AU RISQUE SOUVERAIN
On retrouve, dans l’évolution de l’exposition des banques au risque
souverain, les changements constatés au niveau de la masse monétaire.
Les créances du gouvernement représentent 42% du total en mai 2020
(
32% un an auparavant). L’exposition des banques au souverain retrouve
son niveau de fin 2016, quand les investisseurs étrangers étaient
absents du marché des titres publics. Pour autant, le maintien de taux
La banque
d’un monde
qui change