Le marché du travail devrait jouer un rôle crucial dans la reprise par son impact sur les revenus et les dépenses des ménages. À cet égard, plusieurs éléments incitent à l’optimisme. Les dernières enquêtes auprès des chefs d’entreprises indiquent une nouvelle hausse des intentions de recrutement tandis que les anticipations de chômage des ménages ont reculé en deçà de leur niveau pré-pandémie. Les intentions d’achats importants des ménages au cours des douze prochains mois ont déjà augmenté, une tendance qui devrait se poursuivre à la faveur de l’amélioration de la situation financière et de la diminution de l’incertitude sur le revenu.
La croissance du PIB réel dans la zone euro, en base trimestrielle, devrait atteindre un pic au troisième trimestre et ralentir ensuite. L’accélération mécanique de la croissance, due à la levée des restrictions et à la libération consécutive de la demande contenue, devrait alors, dans une large mesure, être arrivée à son terme et céder la place à une normalisation progressive de la croissance1.
Concernant la consommation, le marché du travail devrait jouer un rôle crucial dans la reprise par son impact sur les revenus et les dépenses des ménages.
Il y a, à cet égard, plusieurs raisons d’être confiant. En effet, les enquêtes récentes auprès des chefs d’entreprises font ressortir une nouvelle progression des intentions de recrutement : le PMI manufacturier de la zone euro pour le mois de juin a affiché « le plus fort taux de progression de l’emploi total enregistré par l’enquête à ce jour »2.
Cela corrobore les données de l’indicateur des anticipations d’emploi de la Commission européenne qui, comme le montre le graphique 1, a de nouveau progressé en juin, à 111,6. Cet indicateur a dépassé son niveau pré-pandémie, réduisant ainsi l’écart avec son pic historique de 116,8, atteint en mai 2000.
Il convient également de souligner que les ménages sont plus confiants dans les perspectives d’emploi. Les anticipations de chômage pour les douze prochains mois ont reculé au cours des quatre derniers mois et, pour la zone euro dans son ensemble, elles se situent à présent légèrement en dessous du niveau atteint en janvier 2020. Cependant, dans certains pays, comme la France, l’Italie, le Portugal ou la Grèce, les anticipations de chômage restent supérieures à celles du début de l’année dernière (graphique 2).
En théorie, le marché du travail devrait jouer un rôle important dans la confiance et les décisions de dépense des consommateurs. Les fluctuations du taux de chômage ont non seulement un impact direct sur le revenu disponible, mais elles entraînent également des variations de l’incertitude sur les revenus futurs, pouvant conduire à une épargne de précaution lorsque les perspectives se dégradent.
Une étude de la BCE montre que la volatilité de l’indice de confiance des consommateurs dans la zone euro « résulte essentiellement des variations des anticipations relatives aux évolutions du chômage »3. Selon cette même étude, il existe une très forte corrélation entre les évolutions de la confiance des consommateurs et celles du chômage en rythme annuel.
Les variations de la confiance peuvent éclairer l’évolution probable de la consommation. Selon la BCE, « [l’indicateur] de confiance des consommateurs est étroitement lié à la croissance trimestrielle actuelle et future de la consommation ». Cette relation est néanmoins asymétrique : « de fortes baisses de la confiance des consommateurs sont plus importantes pour prévoir les variations futures de la consommation que les hausses importantes ».
Dans la zone euro, la confiance des consommateurs peut être évaluée sur la base de l’enquête menée par la Commission européenne. L’indicateur composite de la Commission est la moyenne de quatre séries : la situation financière au cours des douze derniers mois, la situation financière au cours des douze prochains moins, la situation économique générale au cours des douze prochains mois et les intentions d’achats importants au cours des douze prochains mois4. Il est intéressant de noter que la corrélation entre la croissance [future] de la consommation et la situation financière des ménages dépasse celle de l’indicateur composite de la Commission européenne5.
Pour évaluer les perspectives relatives aux dépenses de consommation, l’analyse des intentions d’achats importants au cours des douze prochains mois – l’une des questions de l’enquête de la Commission européenne – est particulièrement pertinente. Les dépenses en biens durables ont une plus grande amplitude cyclique et peuvent être facilement reportées, mais elles devraient stimuler la croissance au moment de la reprise économique. La confiance est à cet égard un facteur clé et la recherche de la BCE montre que les biens durables – les gros achats dans les douze prochains mois – sont plus affectés par les variations de la confiance des consommateurs que les dépenses en biens non durables. Comme l’indique le tableau 1, la corrélation la plus forte est celle entre les intentions d’achats importants et la situation financière au cours des douze derniers mois, suivie de près par son équivalent pour les douze prochains mois.
Avec le redressement de l’économie, les ménages porteront un meilleur jugement sur le passé récent, mais aussi sur les perspectives de sorte que l’augmentation de leurs dépenses en biens durables devrait contribuer à l’accélération de la croissance. La corrélation entre les achats importants au cours des douze prochains mois et les anticipations de chômage est, comme on pouvait s’y attendre, négative, mais elle est beaucoup plus faible en valeur absolue que celle entre les achats et la situation financière.
Cependant, dans une régression visant à expliquer le niveau des achats importants au cours des douze prochains moins, ces deux variables sont significatives (tableau 2). L’une des interprétations possibles est que les anticipations de chômage reflètent l’influence de l’incertitude sur les intentions de dépenses. Une recherche récente, basée sur une nouvelle enquête auprès des ménages européens, met en évidence le rôle clé de l’incertitude dans les décisions de dépense. «?L’augmentation de l’incertitude macroéconomique conduit les ménages à réduire leurs dépenses en biens et services non durables au cours des mois suivants ainsi qu’à effectuer moins de gros achats comme les forfaits vacances ou les produits de luxe?»6.