La publication par la BCE de différents scénarios illustre l’ampleur de l’incertitude qui entoure les prévisions des variables macroéconomiques. Les entreprises peuvent ainsi reporter leurs investissements dans l’attente d’une meilleure visibilité. Compréhensible au niveau microéconomique, un tel attentisme peut freiner la croissance et conforter la conviction des dirigeants d’entreprises que leur prudence était justifiée. La forte augmentation de la dispersion des prévisions de résultats traduit un degré d’incertitude considérable à l’échelle de chaque société. Or, cela n’a pas empêché la poursuite du rebond du marché actions américain. Quels que soient les facteurs expliquant ces différentes réactions face à l’incertitude, de telles dissensions ne peuvent durer indéfiniment. À un moment donné, les entreprises devront renoncer à la prudence ou les investisseurs abandonner leur optimisme.
La pandémie de Covid-19 a non seulement entraîné une baisse massive de la demande et de l’activité, mais aussi une montée en flèche de l’incertitude des prévisions. Ce phénomène, classique dans un contexte de récession, est dû à la difficulté d’anticiper la vigueur et la rapidité de la reprise. Des facteurs psychologiques tels que la confiance et les «?esprits animaux?» jouent un rôle important, mais ils sont difficiles à prévoir. Lors de la précédente récession, les prévisions du consensus relatives à la croissance du PIB réel aux États-Unis en 2009 s’établissaient à -1,3 %, avec une fourchette comprise entre -2,5 % et 0,3 %[1]. L’actuel consensus Bloomberg pour 2020 s’inscrit à -5,9 %, avec une fourchette allant de -10,5 % à -2,5 %. Pour l’année prochaine, les chiffres sont respectivement de 4,1 %, 0,5 % et de 11,4 %. Les fourchettes de prévisions sont aujourd’hui cinq fois plus larges qu’à la fin de 2008. Cela en dit long sur l’incertitude entourant la gravité de la récession et sur le potentiel de rebond. Ces écarts rendent l’exercice de prévision particulièrement difficile.