e
Eco Emerging // 2 trimestre 2022
economic-research.bnpparibas.com
5
seulement 3% de ses importations. Les liens commerciaux et financiers
entre la Russie et la Chine ont augmenté au cours de la dernière
décennie dans un contexte de sanctions américaines et européennes
contre Moscou. En 2020, près de 20% de leurs échanges commerciaux
étaient réglés en RMB. Ces liens sont actuellement maintenus, mais
il est peu probable qu’ils se renforcent beaucoup à court terme. La
capacité de la Chine à accroître ses importations de biens russes est
limitée, d’abord par son ralentissement économique en cours, ensuite
par des contraintes logistiques (manque de pipelines, coût du transport
des marchandises). Par ailleurs, les institutions chinoises devraient
respecter les sanctions internationales contre Moscou, en dépit des
discours officiels les dénonçant, par crainte de sanctions secondaires
de la part de ses principaux partenaires commerciaux (les États-Unis
et l’UE absorbent 33% des exportations chinoises).
CHINE : LÉGER ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE CRÉDIT
Total des crédits ('social financing'), g.a. (é.d.)
Taux moyen pondéré sur les prêts
Taux sur les facilités de financement (MLF) à 1 an
Taux repo à 7 jours
%
7 %
6
18
15
12
9
5
4
3
6
D’autre part, l’effet à court terme de la flambée des cours mondiaux
des matières premières sur l’indice des prix à la consommation (IPC)
et le pouvoir d’achat des ménages devrait être modéré, notamment
du fait de l’existence de contrôles partiels sur les prix de l’énergie et
des céréales. La Chine peut également puiser dans ses réserves de
céréales, jugés très confortables (à fin 2021, il était estimé que les
stocks de blé couvraient au moins un an de consommation locale). Par
ailleurs, la baisse des prix de la viande entretient depuis environ une
année des pressions déflationnistes sur les prix alimentaires (-3,1% en
g.a. au T1 2022). L’inflation IPC s’est établie à seulement 1,5% en mars
2
3
1
0
2017
2018
2019
2020
2021
2022
GRAPHIQUE 2
SOURCE : PBOC
Dans son rapport sur le budget 2022, le ministre des Finances table
sur un déficit général de 4,7% du PIB (contre un déficit réalisé en 2021
de 3,8%), un déficit des fonds gouvernementaux de 3,4% (contre 1,4%
en 2021), et un déficit consolidé de l’ensemble des administrations
publiques de 7,3% (contre 4,4% en 2021). Ces chiffres donnent une
idée plus exacte (mais toujours incomplète ) de l’ampleur considérable
de la relance envisagée en 2022. Les principales mesures consisteront
en de nouveaux investissements publics dans les infrastructures (en
particulier dans les transports, la conservation de l’eau, l’irrigation et
le numérique) et d’importantes aides et réductions d’impôts visant no-
tamment à soutenir les petites et moyennes entreprises et l’industrie
manufacturière. Des mesures d’aide aux ménages sont également évo-
quées dans le rapport sur le budget.
3
(
contre 0,9% en janvier et février) et restera inférieure à 3% en moyenne
4
en 2022.
5
En revanche, l’inflation des prix à la production devrait rester élevée
(
elle s’est établie à 8,7% en g.a. au T1), ce qui pésera sur l’activité in-
dustrielle. Certains secteurs pourraient également faire face à des pro-
blèmes d’approvisionnement, en provenance d’Ukraine tout au moins.
La Chine est surtout dépendante de ce pays pour son approvisionne-
ment en maïs (plus de 50% de ses importations totales de maïs), orge
(
26%) et huile de tournesol (59%). Les importations venant de Russie
devraient quant à elles continuer plus normalement. Environ la moitié
est constituée de pétrole (soit 14% des importations totales de pétrole
de la Chine en 2020). La Chine dépend également de la Russie pour son
approvisionnement en bois (19% de ses importations totales de bois),
fertilisants (22%) et métaux industriels (environ 7%).
La politique monétaire et les conditions de crédit ont été assouplies
progressivement depuis le T4 2021, via des mesures ciblées
(
programmes de prêts pour soutenir les PME, le monde rural ou
l’innovation), la réduction des coefficients de réserves obligatoires
passés en décembre de 12% à 11,5% pour les grandes banques) et
(
la baisse des taux d’intérêt. Les conditions de prêts hypothécaires et
d’accès des promoteurs immobiliers aux financements de court terme
ont également été légèrement assouplies. Le but principal est d’aider
les promoteurs à achever les chantiers en cours et de rassurer les
ménages envisageant des achats résidentiels afin de contenir la crise
du secteur. De nouvelles baisses de taux sont attendues au T2 2022.
La croissance du total des financements à l’économie, qui avait ralenti
au cours des trois premiers trimestres 2021, s’est à peine redressée
depuis octobre.
Enfin, après des mois de resserrement réglementaire dans le secteur
des services numériques, les autorités ont annoncé mi-mars des ajus-
tements. Cela a rassuré les investisseurs et pourrait permettre de lever
certains des freins qui avaient pesé sur la croissance en 2021.
SOUTIEN IMMÉDIAT À LA CROISSANCE
Les autorités ont défini leurs objectifs macroéconomiques pour 2022
lors de la session annuelle du Parlement début mars. La cible de crois-
sance, fixée à 5,5%, semble très ambitieuse dans le contexte actuel et
après un premier trimestre 2022 mitigé (le PIB réel a progressé de 4,8%
en g.a., résultat de deux premier mois solides suivis du coup de frein
en mars). L’assouplissement du policy mix, en cours depuis le dernier
trimestre 2021, devrait accélérer dans les prochaines semaines.
Pékin a établi son objectif de « déficit budgétaire officiel »1 à 2,8% du
PIB pour 2022, contre 3,1% en 2021. Cette réduction n’annonce pas
pour autant un resserrement budgétaire, mais peut être davantage
considérée comme un signal de prudence de la part des autorités, qui
souhaitent contenir le dérapage des comptes publics. En fait, d’impor-
tantes mesures sont envisagées pour soutenir l’activité. Elles seront
notamment financées grâce au report de ressources budgétées mais
non utilisées en 2021 et, comme souvent en Chine, par les « fonds
Achevé de rédiger le 19 avril 2022
Christine PELTIER
christine.peltier@bnpparibas.com
2
gouvernementaux » et d’autres entités quasi- et extra-budgétaires.
1
2
3
4
5
Pour une définition des soldes budgétaires, voir « Chine : le maquis des finances publiques », Eco Conjoncture, BNP Paribas, Sept. 2021.
Ces fonds sont gérés hors du budget « général », essentiellement par les collectivités locales, et principalement financés par les recettes foncières et l’émission d’obligations spéciales.
Déficit du gouvernement général (gouvernement central + collectivités locales), avant transferts d’autres comptes publics.
Gouvernement général + fonds gouvernementaux + fonds financé par des versements de bénéfices des sociétés publiques + caisses de sécurité sociale.
Les chiffres du rapport sur le budget ne tiennent pas compte des opérations extrabudgétaires notamment prises en charge par les véhicules de financement des collectivités locales.
La banque
d’un monde
qui change