La Grèce, le Portugal et, dans une moindre mesure, l’Espagne, ont affiché une baisse notable de leurs déficits publics en 2022. Selon les résultats préliminaires d’Eurostat publiés le 21 avril, le déficit primaire s’est, en effet, réduit de près de moitié en Espagne (-2,4% du PIB), il a été résorbé en Grèce, tandis que le Portugal affiche à nouveau un excédent (1,6% du PIB).
En Grèce et au Portugal, le déficit public est repassé sous la limite des 3% de PIB fixée par le pacte de croissance et de stabilité, sur laquelle ils s’étaient déjà réalignés entre 2016 et 2019. Bien qu’en nette baisse, le déficit en Espagne reste conséquent, à 4,8% du PIB.
La croissance de l’activité et de l’emploi, meilleure qu’attendu, et l’inflation élevée ont généré des rentrées fiscales importantes, qui ont plus que compensé la hausse des dépenses engagée pour amortir le choc inflationniste.
Après un creusement historique des déficits publics en 2020-2021 lié à la crise sanitaire, les craintes que le choc inflationniste entraine un nouveau dérapage budgétaire en 2022 ne se sont pas matérialisées.
Dans son Debt Sustainability Monitor publié mi-avril, la Commission européenne a amélioré les perspectives de soutenabilité de la dette à long terme pour ces trois pays, en pointant notamment le besoin d’ajustements budgétaires moins importants que la plupart des autres économies de l’UE pour pallier le vieillissement démographique.
Les finances publiques en Grèce, Portugal et Espagne se sont sensiblement améliorées en 2022. Selon Eurostat, le Portugal affiche, sur l’ensemble de l’année dernière, un excédent primaire à hauteur de 1,6% du PIB, après un déficit de 0,5% en 2021. C’est en Grèce que le redressement des comptes publics a été le plus remarquable : le déficit primaire a été résorbé, passant de -4,6% du PIB en 2021 à un léger excédent de 0,1% l’an passé. La situation reste plus détériorée en Espagne, mais le déficit primaire s’est toutefois réduit de près de moitié en l’espace d’un an, passant d’un ratio sur PIB de -4,7% en 2021 à -2,4% en 2022. Les soldes budgétaires, qui intègrent la charge d’intérêts sur la dette, restent en déficit, mais ils se sont notablement réduits, dans le sillage des soldes primaires : en 2022, le déficit public se situait à -2,3% du PIB en Grèce (contre -7,1% en 2021), -0,4% au Portugal (-2,9% en 2021), et -4,8% en Espagne (-6,9% en 2021).
C’est en Grèce que la hausse des revenus a été la plus forte (+13,7% en 2022), toujours selon Eurostat. L’Espagne et le Portugal affichent également une augmentation notable des recettes, respectivement de 8,1% et 10,1% sur un an. Cet accroissement a été alimenté par des rentrées importantes de TVA, de cotisations sociales (salariés et employeurs), et d’impôts sur le revenu et sur les entreprises. Les dépenses publiques ont, pour leur part, progressé de 4,1% en Grèce, 4,4% au Portugal et 3,8% en Espagne, principalement en raison des mesures de soutien destinées à amortir le choc économique (subventions, transferts sociaux), mais l’augmentation a été nettement moins soutenue que les revenus.
Bien que toujours élevé, les ratios d’endettement des États ont fléchi à nouveau en 2022 (cf. graphique 3). En Grèce et au Portugal, la dette consolidée1 rapportée au PIB est repassée sous les niveaux de 2019, en recul respectivement de 23 points de PIB (à 171,3%) et de 11,5 points (à 113,9%). Le niveau d’endettement au Portugal est désormais le même qu’en Espagne alors que le pays affichait un écart avec son voisin culminant à 45 points de PIB en 2011. La dette publique baisse en effet moins sensiblement en Espagne, ce qui est logique compte tenu du solde budgétaire plus détérioré. Le ratio de dette publique espagnol a chuté de 5 points de PIB à 113,2%, et se maintient toujours près de 15 points de PIB au-dessus de 2019.
Le redressement préalable des soldes structurels porte ses fruits
Ces évolutions positives ne sont pas uniquement le fruit d’une conjoncture post-Covid favorable. Le Portugal, la Grèce et l’Espagne étaient parvenus, avant la crise sanitaire, à redresser leurs comptes publics, au prix de programmes d’ajustement drastiques mis en place durant la crise des dettes souveraines en zone euro. Ces mesures d’austérité ont été très douloureuses pour la population locale (hausses des taxes, gel prolongé des salaires dans la fonction publique, baisse des pensions et augmentation de l’âge de départ à la retraite). En 2009, ces trois pays accusaient des déficits budgétaires très importants, allant de -7,2% du PIB au Portugal, -10% en Espagne et jusqu’à -10,4% en Grèce. Dix ans plus tard, en 2019, le déficit espagnol s’était réduit à seulement -1,0% du PIB, tandis que la Grèce et le Portugal enregistraient de larges excédents budgétaires, respectivement à +3,9% et +2,9% du PIB.
Grâce à ces ajustements de fond, les soldes budgétaires structurels2, dont le déficit avait atteint en Grèce pas moins de 13% du PIB en 2009 (chiffres FMI3), se sont rapidement redressés. Le solde structurel est ainsi repassé en excédent dès 2012 en Grèce et en 2014 au Portugal. Le déficit structurel en Espagne s’est réduit de près de 8 points de PIB au cours de cette même période 2009-2014.
2023 sur la lancée de 2022 ?
La conjoncture reste pour l’heure bien orientée, avec notamment un marché du travail toujours dynamique en Espagne et au Portugal, ce qui alimentera d’autant plus la hausse des cotisations sociales et la trésorerie des États. La dynamique a flanché en Grèce sur les deux premiers mois de l’année, mais après une progression des embauches impressionnante en 2022 (+5,4%). Le taux de chômage en Grèce est retombé à des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis plus d’une décennie (10,9% en mars 2023). L’évolution des comptes publics sur les premiers mois de 2023 montre ainsi un redressement qui se poursuit, même si les chiffres doivent être pris avec un certain recul car la période de comparaison est encore courte4.
La Commission européenne prend note de ces évolutions
Avec la hausse des taux de refinancement en Europe, le stock de dette publique élevé reste l’un des talons d’Achille des pays du sud de l’Europe, que la Commission européenne n’a pas manqué de rappeler dans son dernier Debt Sustainability Monitor, publié le 14 avril5. Dans son profil de risque, établi sur trois horizons (court [année 2023], moyen et long terme) la Commission maintient un risque « élevé » à moyen terme sur la Grèce et le Portugal en raison du niveau d’endettement public, tout comme l’Espagne qui est vulnérable aux différents scénarios adverses utilisés.
Cependant, le risque à court terme reste « bas » pour ces trois pays, comme pour l’ensemble des économies de la zone euro. Hormis l’Espagne, les besoins de financement en pourcentage du PIB en Grèce et au Portugal seront parmi les plus bas en Europe (cf. graphique 4), ce qui découle en partie de l’amélioration des soldes budgétaires. L’institution de Bruxelles met aussi en avant plusieurs autres facteurs, communs à la plupart de pays de la zone euro, et qui permettent d’amortir le choc lié à la remontée des taux d’intérêt : extension de la maturité moyenne des obligations d’État, hausse de la part de dette publique détenue par l’Eurosystème, nouveaux mécanismes de solidarité budgétaire, notamment via le programme Next Generation EU.
A long terme, le profil de risque de la Grèce et du Portugal a été revu à la baisse cette année, passant de « moyen » à « bas ». Ces pays possèdent désormais une note de long terme meilleure que les Pays-Bas, la France ou l’Allemagne qui devront procéder, selon les estimations de la Commission européenne, à des ajustements budgétaires plus importants à la fois pour stabiliser le niveau de leur dette publique à long terme et pour rabaisser leur ratio d’endettement sur PIB à 60% d’ici à 20706. Le profil de risque à long terme de l’Espagne a également été révisé, passant d’« élevé » à « moyen ». La Grèce et le Portugal sont donc, du point de vue de leurs équilibres budgétaires, en meilleure position que l’Espagne, même si pour la Grèce, le point de départ – le ratio d’endettement – est bien moins favorable.
Cette trajectoire de la dette à long terme, plus rassurante pour les marchés financiers que par le passé, offre sans doute une explication à la relative stabilité des spreads obligataires de ces pays par rapport au Bund allemand dans le contexte actuel de remontée des taux d’intérêt en Europe (cf. graphique 5).