L’économie française est caractérisée par une croissance modeste mais positive. Le passage de la comptabilité nationale en base 2020 et la publication des comptes annuels 2023, qui ont conduit l’Insee à relever son estimation du PIB 2023 de près de EUR 20 mds, en attestent. Cette croissance fait toutefois des gagnants et des perdants. En 2024, elle devrait être soutenue principalement par les services marchands, qui représentent l’essentiel des créations d’emploi et de la croissance de la demande. Toutefois ce développement des services se fait en partie en substitution des biens, tandis que les chocs d’inflation et de taux d’intérêt continuent de peser sur l’investissement.
La publication récente des comptes annuels 2023 par l’Insee a coïncidé avec le passage en base 2020 des comptes nationaux, deux avancées statistiques qui ont donné une image de la croissance française plus positive que celle que l’on avait jusqu’alors.
La croissance de la consommation des ménages a certes singulièrement fléchi par rapport à 2022 (+3%), à +0,9% en 2023, mais elle n’a pas stagné.
Le niveau très bas de la confiance des ménages s’est traduit par une substitution entre consommation de biens (-1,6% en 2023) et de services (+3,1% en 2023), plutôt que par une contraction de la dépense globale.
La croissance du PIB s’élève désormais à 1,1% en 2023 (0,9% dans une précédente estimation), et le 1er trimestre 2024 (à +0,2% t/t), a été en ligne avec cette performance : une croissance certes limitée mais positive.
Croissance en 2024 : comme en 2023 ?
Nous anticipons en 2024 une croissance identique à celle de 2023. Le point de départ est relativement comparable, même si la situation est légèrement plus favorable aujourd’hui, avec un acquis de croissance de 0,6 point à la fin du 1er trimestre 2024 quand il était de 0,5 point au 1er trimestre 2023. L’amélioration du climat des affaires est également à noter : le PMI des services a connu en avril-mai 2024 (51,3 puis 49,3) ses niveaux les plus élevés depuis mai 2023.
Toutefois, l’indice de confiance des ménages a interrompu son rebond à mi-chemin : à 100 avant l’accélération de l’inflation (en octobre 2021),il est tombé à un plus bas de 80 en juillet 2022, avant de revenir fin 2023 à un niveau proche de celui où il se trouve encore en mai 2024 (90), où il stagne depuis cinq mois. Les ménages devraient donc, à court terme, continuer de contraindre leurs dépenses, une probabilité accrue par l’incertitude politique liée aux élections législatives anticipées.
Les deux supports potentiels à la consommation ne devraient agir que modérément et graduellement. La désinflation, qui a été significative jusqu’en mars (à 2,4% a/a selon l’indice harmonisé, contre 5,7% a/a en septembre 2023), s’est interrompue. L’inflation a même rebondi (2,6% a/a en mai) et devrait rester un peu plus élevée jusqu’en août, sous l’effet de la hausse de prix de l’énergie (augmentation du prix du gaz en juillet) et des services (effet Jeux olympiques sur le coût des services de transports et des hébergements). Si le salaire mensuel brut (+3,3% a/a) a progressé au T1 2024 plus vite que l’inflation (+3% a/a) pour la première fois en trois ans, cette pause dans la désinflation, devrait limiter les gains additionnels de pouvoir d’achat au T2.
La baisse du taux d’épargne (17,6% de leur revenu disponible brut au 1er trimestre 2024) constituerait le second support potentiel de la consommation des ménages . Toutefois, étant donné le contexte actuel, cette baisse devrait rester limitée. Au global, la consommation des ménages n’accélèrerait que modérément en 2024 (+1,3%) par rapport à 2023 (+0,9%) et sa croissance proviendrait intégralement des services.
En parallèle, les exportations de biens et services seraient soutenues par des dynamiques favorables dans l’aéronautique, l’énergie et le tourisme. En net (des importations), la contribution du commerce extérieur à la croissance augmenterait de +0,5 point en 2023 à +0,7 point en 2024 (cette contribution positive deux années consécutives constitue un phénomène rare). Ces deux soutiens à l’économie – consommation des ménages et exportations – permettraient tout juste de compenser l’impact de la baisse attendue de l’investissement et la croissance du PIB se maintiendrait à 1,1% en 2024 comme en 2023.
Moins d’investissement en 2024, mais les services continuent de soutenir la dynamique
Nous prévoyons en effet une diminution de 1,1% de l’investissement en 2024, sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt. L’investissement des ménages poursuivrait son recul (-5,7% en 2024), le portant à près de -18% entre mi-2021 et la fin 2024. Seulement 282 000 logements ont été mis en chantier entre mai 2023 et avril 2024 (-22,3% a/a), un niveau inédit depuis 1993 (274 000). Dans l’ancien, les transactions ont atteint 822 000 unités au 1er trimestre sur 12 mois (-23,2% a/a), bien qu’elles restent supérieures à leurs niveaux enregistrés jusqu’en 2016. L’investissement public, soutenu par la préparation des Jeux olympiques jusqu’à mi-2024, subirait un contrecoup dès le 3e trimestre, avant de stagner en 2025 sous l’effet de mesures d’économies budgétaires.
Enfin, l’investissement des entreprises non-financières (ENF) diminuerait de 0,7% d’après nos prévisions, avant un rebond modéré en 2025. La remontée des taux pénalise leur investissement en biens et en construction : -3% et -2,5% respectivement au T1 2024 par rapport au pic du T3 2023. Toutefois, la dynamique de l’investissement total des ENF a été forte entre 2019 et 2023 (+10,2%), une dynamique portée en totalité par les services marchands.
Cette montée en puissance des services se reflète dans les dynamiques du marché du travail et de la création d’entreprise : depuis fin 2019, près de 9 créations d’emplois sur 10 et 9 créations d’entreprises sur 10 ont été issues du secteur des services. Au 1er trimestre 2024, celui-ci a été intégralement à l’origine de la création nette des 75 000 emplois salariés dénombrés par l’Insee.
Achevé de rédiger le 20 juin 2024