Eco Conjoncture n°6 // Juillet 2021
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alléger les conditions d’embauche et de licenciement, afin de réduire la abondante. Toute la question aujourd’hui est de savoir si le secteur
part de travail informel dans l’économie. Le gouvernement espère ainsi bancaire et financier dans son ensemble sera en mesure de soutenir la
faciliter l’emploi formel, en particulier dans les entreprises de plus de reprise économique indienne à court et moyen terme, une fois la crise
cent salariés, et développer ainsi la protection sociale. L’emploi en Inde passée.
reste en effet trop concentré dans des petites structures sans aucune
protection sociale du fait de contraintes trop fortes sur l’embauche et
Dans son dernier rapport sur la stabilité financière, paru en janvier
le licenciement de salariés dans les plus grosses entreprises. Selon la
Banques commerciales : beaucoup plus solides qu’il y a cinq ans
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021, la banque centrale faisait état d’une situation du secteur ban-
Banque mondiale, si les nouvelles lois étaient appliquées, 2,8 millions
de travailleurs pourraient quitter le secteur informel. En théorie, ces
caire plus solide au T3 2020 qu’au cours des cinq dernières années,
bien qu’elle reste fragile. À ce jour, bien que les prévisions doivent être
révisées, du fait de la seconde vague épidémique, les agences de nota-
tion estiment que le secteur bancaire devrait être en mesure de faire
face à la hausse des risques de crédit et à la dégradation des ratios de
solvabilité induite par la première et la deuxième vague épidémique.
En revanche, les besoins de recapitalisation des banques vont être plus
importants que prévu initialement par les autorités bancaires, et le
gouvernement devra impérativement soutenir les banques publiques
pour qu’elles puissent assurer leur rôle de soutien à la reprise écono-
mique.
nouveaux codes du marché du travail devaient entrer en vigueur au
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avril 2021. En pratique, leur application a été retardée. Les États
doivent au préalable les valider pour qu’ils puissent s’appliquer
localement. Mi-juin, cela n’avait toujours pas été réalisé.
Pour accroître la productivité dans le secteur agricole, le gouvernement
Modi a fait adopter trois projets de loi en septembre 2020. L’État devrait
permettre aux agriculteurs de vendre leur production au prix que ces
derniers fixeront avec leurs acheteurs sans passer par l’intermédiaire du
gouvernement (ce qui est le cas d’une majorité d’entre eux aujourd’hui).
Cette réforme a comme objectif d’accroître les investissements et la
productivité dans le secteur agricole. Néanmoins, elle a été très mal
perçue par le monde agricole qui redoute une suppression du prix de
vente minimum (pourtant garanti par le gouvernement).
À partir de 2016, les banques publiques indiennes ont entrepris une
consolidation de leurs positions financières. Ainsi, leur situation s’était
même renforcée après la première vague épidémique. Au T3 2020, la
qualité des actifs bancaires était plus solide qu’en 2018 (la part des
créances douteuses s’élevait à 7,5% contre un point haut de 11,5% en
mars 2018), les provisions étaient plus élevées (elles couvraient 72,4%
des créances douteuses en septembre 2020 contre seulement 48,1% en
mars 2018) et les ratios de solvabilité étaient plus confortables (15,8%
contre un plus bas de 13,2% en mars 2016). Néanmoins, les disparités
entre les banques demeuraient fortes. Les banques publiques restent
les plus fragiles avec un ratio de créances douteuses supérieur (9,7%),
un taux de provisionnement inférieur (70,5%) et un ratio de solvabilité
beaucoup moins confortable (13,5%). Par ailleurs, les ratios de créances
douteuses ne portaient pas la marque de la récession car les banques
ont pu reporter l’enregistrement de leurs créances douteuses jusqu’à
mars 2021.
Finalement, pour favoriser les investissements productifs, en
particulier dans les secteurs à forte valeur ajoutée, le gouvernement a
tenté à de nombreuses reprises d’alléger les contraintes qui pèsent sur
l’acquisition de terres à des fins autres qu’agricoles. En effet, en dépit de
nombreuses tentatives de réformes, le développement d’activités non-
agricoles reste extrêmement contraint, ce qui dissuade les entreprises
nationales et étrangères d’investir en Inde. Plus de 1200 lois régissent
l’acquisition de terres. Néanmoins, les derniers amendements adoptés
au niveau local par les États du Gujarat et du Karnataka restent
marginaux, et les réformes adoptées semblent insuffisantes au regard
des contraintes qui pèsent sur l’utilisation non-agricole des terres. Des
réformes d’envergure doivent impérativement être menées, au niveau
national et local, pour que l’accès aux terres ne constitue plus un frein
majeur aux projets d’investissements industriels.
Avant la deuxième vague, les agences de notation et la banque centrale
estimaient que les banques devraient être en mesure de faire face à
une hausse des risques de crédit même si la banque centrale estimait
que la part des créances douteuses devrait augmenter de 6 points de
pourcentage, à 13,5% au T3 2021, dans l’ensemble du secteur bancaire.
Dans le même temps, elle prévoyait une dégradation progressive des
ratios de solvabilité des banques (de 15,6% à 14% d’ici le T3 2021) et
considérait que quatre banques publiques ne seraient pas en mesure de
respecter les ratios réglementaires en septembre 2021 sans injection
de capital. Aussi, le gouvernement avait-il déjà annoncé en février 2021
qu’il injecterait RS 200 mds de capitaux supplémentaires (0,1% du PIB)
dans les banques publiques après une recapitalisation d’un même
montant au cours de l’exercice budgétaire précédent. Néanmoins, ces
montants restent très en-deçà des besoins estimés par l’agence de
notation Moody’s (entre RS 1,9 trn et RS2,2 trn, soit entre 1% et 1,1%
du PIB), d’autant plus que ces projections ont été faites bien avant
la deuxième vague. Aussi, pour aider l’assainissement des bilans
En plus de ces freins structurels, la croissance économique indienne
a été contrainte au cours des dernières années par les fragilités des
banques publiques.
Les fragilités du système bancaire et financier contraignent la
croissance indienne
Au cours de la période 2016-2019, les banques indiennes ont cherché
à consolider leur situation financière et ont ralenti la distribution de
crédits. Les sociétés financières non-bancaires dans leur ensemble ont
apporté un complément de financement à l’économie en augmentant
sensiblement leur offre de crédit dans des secteurs de niche, comme
les financements des ménages sans revenus réguliers, les petites
et très petites entreprises ou encore les financements immobiliers
(
financements octroyés notamment par les Housing Finance
Companies).
Néanmoins, depuis septembre 2018, la part du crédit octroyé par des banques publiques et des organismes financiers non-bancaires
les sociétés financières non-bancaires a diminué conjointement à la (publics) et soutenir la reprise du crédit, le gouvernement a également
hausse de leurs coûts de financement qui a suivi la faillite d’Infrastruc- décidé en février 2021 la création d’un organisme de défaisance, la
ture Leasing and Financial Services. Dans le même temps, on a pu « National asset reconstruction company », pour les prêts immobiliers
observer une forte décélération des investissements des entreprises.
d’une valeur supérieure ou égale à RS5milliards. Seules les banques
publiques et les organismes financiers non-bancaires publics devraient
être autorisés à transférer les prêts non-performants provisionnés à
À la veille de la crise de la Covid-19, la situation des banques et des
sociétés financières non-bancaires restait fragile et l’offre de crédit peu
La banque
d’un monde
qui change