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Algérie : des signaux positifs mais des défis de taille

12/07/2024
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Portée par des cours mondiaux de l’énergie relativement élevés et une demande soutenue pour son gaz, l’économie algérienne continue d’enregistrer des performances solides. En 2023, la croissance a été une des plus fortes des pays producteurs d’hydrocarbures de la région, et les perspectives pour 2024 restent favorables. Cependant, l’orientation expansionniste de la politique économique commence à montrer certaines limites, en particulier à cause de la hausse des déséquilibres budgétaires. Si les risques d’instabilité macroéconomique sont largement contenus à court terme, le rééquilibrage des moteurs de la croissance reste un défi d’envergure à moyen terme. Plusieurs décisions récentes des autorités vont dans le bon sens, mais les efforts de diversification de l’économie devront être poursuivis. Ils deviendront d’autant plus nécessaires dans un contexte mondial de transition bas carbone.

Croissance : la bonne dynamique se poursuit

PRÉVISIONS

Grâce à une croissance vigoureuse, l’Algérie est en passe d’intégrer le trio des trois plus grandes économies africaines. Depuis 2022 et le choc énergétique qui a touché l’Europe, l’activité a crû de 3,8% en moyenne par an, soit un rythme trois fois supérieur à ce qui prévalait avant la pandémie. Le taux de croissance économique a même dépassé 4% en 2023 pour la première fois depuis 2014, une performance à comparer avec celle des autres pays producteurs d’hydrocarbures de la région (graphique 1). Pour ces derniers, la croissance n'a atteint que 1,7% en moyenne en 2023 en raison des baisses de quotas de production pétrolière décidées dans le cadre de l’OPEP +. L’Algérie y a bien pris sa part. La production de pétrole brut est tombée à 973 mb/j en 2023 contre 1020 mb/j en 2022. Mais celle-ci a été plus que compensée par la hausse de presque 6% de la production de gaz naturel, dont le poids dans le secteur extractif demeure prépondérant : le gaz naturel représente 60% de la production totale d’hydrocarbures et des volumes exportés de l’Algérie. Contrairement à la plupart de ses pairs régionaux, le PIB réel des hydrocarbures de l’Algérie a progressé de 4,5% l’an dernier. Hors-hydrocarbures, la dynamique a été également robuste avec une croissance du PIB supérieure à 4% en 2022-2023 grâce à une politique économique expansionniste. Malgré la forte poussée de l’inflation (9,2% en 2022, 9,3% en 2023), la banque centrale a maintenu son taux directeur à 3%. Surtout, le soutien budgétaire a été massif, ce qui a soutenu la consommation des ménages (+3,5% en 2022, +3,8% en 2023) et l’investissement (+8,4% en 2023).

ALGÉRIE : TAUX DE CROISSANCE DU PIB RÉEL

La croissance économique devrait rester proche de 4% en 2024. Malgré l’extension de la politique restrictive de l’OPEP + jusqu’à la fin de l’année, le développement du secteur gazier et les hausses significatives des dépenses publiques prévues dans la Loi de finances devraient permettre à l’Algérie d’enregistrer des performances parmi les plus élevées de la région. En outre, les risques sur la croissance apparaissent contenus. L’accalmie sur les prix des produits alimentaires a notamment fait retomber les pressions inflationnistes. En avril, l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) ne progressait plus que de 2,4%. Hors-alimentation, la décrue est plus lente (5,1% en avril contre 5,9% fin 2023). Mais comme la croissance de la masse monétaire a aussi ralenti, atteignant moins de 6% en début d’année après avoir culminé à 16,7% en mars 2023, les craintes d’un emballement des prix lié à un trop fort stimulus de la demande se sont en partie estompées. Dans un environnement géopolitique instable, la faible exposition de l’Algérie aux perturbations dans la mer Rouge rassure également. Dernier élément, la situation des comptes extérieurs et des finances publiques demeure suffisamment solide pour protéger l’Algérie d’un éventuel retournement des cours mondiaux de l’énergie, du moins à court terme.

Stabilité macroéconomique : risques contenus en 2024

ALGÉRIE : PRIX DU POINT MORT BUDGÉTAIRE DU PÉTROLE EN 2024

Grâce au redressement des comptes extérieurs depuis 2022, l’Algérie a été en mesure de reconstituer ses réserves de change. De USD 47 mds en 2021, elles sont passées à USD 62 mds l’année suivante, puis à USD 70 mds en 2023 avant de rester relativement stables sur les premiers mois de l’année 2024. Après avoir atteint 8,4% du PIB en 2022, l’excédent de la balance des transactions courantes s’est réduit à 2,3% du PIB en 2023 en raison essentiellement de la chute de 16% des exportations d’hydrocarbures. La progression marquée des importations de marchandises a aussi pesé sur les comptes extérieurs. En hausse de presque 10% en 2023, les importations ont été tirées par la forte hausse (+49,3%) des achats de machines et matériels de transports consécutive au regain d’investissement et à l’assouplissement des contrôles à l’importation pour les véhicules de tourisme et utilitaires. La stratégie des autorités mise en place ces dernières années pour limiter les importations et favoriser la production locale semble donc avoir atteint ses limites. La hausse rapide des importations va se poursuivre en 2024, mais l’Algérie devrait quand même être en mesure de dégager un nouvel excédent courant grâce à un cours du Brent supérieur à USD80. En outre, les réserves de change couvrent désormais 16 mois d’importations de biens et services, et le pays n’a pas de dette extérieure.

Les finances publiques ne soulèvent pas non plus d’inquiétude majeure pour 2024 même si la pression y est plus forte. Selon le FMI, il faudrait en effet que le pétrole atteigne USD 126 le baril pour que l’Algérie puisse équilibrer son budget, soit le plus haut niveau parmi les producteurs d’hydrocarbures de la région avec Bahreïn (graphique 2). Depuis que les autorités ont adopté une orientation de politique expansionniste en 2022, les dépenses publiques ont progressé de plus de 20% en moyenne chaque année, et une hausse similaire est attendue pour 2024. Après être revenu à un niveau modéré de 2,5-3% du PIB en 2022-2023, le déficit budgétaire devrait ainsi se creuser à 7% du PIB cette année. A un tel niveau, la question de la couverture des besoins de financement pourrait se poser, comme ce fut le cas entre 2017 et 2019, lorsque la banque centrale avait dû acheter massivement de la dette du gouvernement. Mais le contexte actuel est différent puisque le Trésor va pouvoir puiser dans le Fonds de Régulation des Recettes (FRR). Cette épargne pétrolière qui était encore totalement asséchée en 2020 dépasse désormais 8% du PIB. Ce faisant, la dette publique resterait inférieure à 50% du PIB en 2024.

Diversification et décarbonation : deux grands défis à moyen terme

Les voyants sont au vert mais pour combien de temps ? Si la stabilité des comptes extérieurs ne semble pas menacée, le développement économique de l’Algérie pourrait de nouveau buter sur une contrainte de financement liée aux déséquilibres budgétaires. Au niveau actuel de déficit, le gouvernement pourrait avoir épuisé son épargne financière dès 2025. Ceci imposerait un effort de rationalisation des dépenses budgétaires et donc un moindre soutien de l’investissement public à l’activité. En effet, les charges courantes, plus difficiles à réduire, représentent désormais 80% du budget, contre 63% en 2019, en raison de la multiplication des mesures sociales ces dernières années. Par conséquent, sans le relais de l’investissement privé, la croissance économique pourrait ralentir progressivement pour se stabiliser autour de 2% à partir de 2027 (FMI). Une autre option serait de laisser filer les déficits budgétaires, avec le risque de revenir à des stratégies de financement non conventionnelles. En outre, avec une structure des dépenses de plus en plus en rigide, la vulnérabilité des finances publiques aux fluctuations des recettes d’hydrocarbures s’est accrue.

Le chantier de la diversification de l’économie reste donc une priorité. Plusieurs mesures témoignent de la volonté des autorités d’agir dans ce sens, à commencer par la mise en place d’un nouveau code de l’investissement en 2022 ou l’ouverture du capital d’une banque publique (CPA) à la bourse d’Alger. La décision d’installer des filiales bancaires dans plusieurs pays africains reflète aussi la volonté d’accompagner les exportateurs sur de nouveaux marchés. Dans ce contexte, l’accélération de la croissance du crédit bancaire au secteur privé est encourageante. Après plusieurs années d’atonie, elle a atteint 9,5% en avril, soit un niveau supérieur à l’inflation. Néanmoins, le faible taux de bancarisation (le total des encours de prêts au secteur privé est inférieur à 20% du PIB) limite encore la portée de cette dynamique. Il en est de même pour les investissements directs étrangers qui sont passés de USD254mn en 2022 à USD1,2mds en 2023. Malgré cette forte progression, ils ne représentent que 0,5% du PIB, faisant de l’Algérie l’économie la moins attractive de la région.

La nécessité de développer le secteur privé est renforcée par un autre défi : la transition bas-carbone. Dans ce processus encore incertain, l’Algérie dispose de deux avantages. Premièrement, le coût d’extraction du pétrole demeure bas, ce qui lui permettrait de maintenir ses parts de marché dans un scénario de transition adverse. Deuxièmement, son sous-sol regorge de réserves de gaz dont le pic de demande est a priori plus éloigné que celui du pétrole. Néanmoins, il faut aussi s’attendre à plus de volatilité des cours de l’énergie et à des pressions baissières dans les années à venir. A brève échéance, la mise en place de la taxe carbone en Europe risque également de toucher les exportations hors-hydrocarbures majoritairement constituées de produits intensifs en énergie (ciment, engrais, fer et acier). Par ailleurs, les autorités se sont engagées à réduire les émissions de GES du pays de 7% à 22% d’ici 2030, via notamment le développement des énergies renouvelables. Les enjeux sont multiples. D’abord, le défi est de taille puisque plus de 95% de la production d’électricité est actuellement assurée par le gaz. Ensuite, l’Algérie doit parvenir à maintenir sa capacité à exporter. La consommation locale absorbe actuellement 45% de la production de gaz, contre 1/3 en 2010. Cette dynamique sera difficile à inverser sans une diversification de la production électrique. Cela passera aussi sans doute par une refonte du système de subventions qui gonfle la consommation d’énergie en assurant aux algériens des prix du pétrole et du gaz parmi les plus bas au monde.


Achevé de rédiger le 25/06/2024

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