La première année du mandat du président Joao Lourenço a été marquée par une inflexion assez positive des politiques économiques, compte tenu de sa volonté d’assainir les pratiques politiques et de l’ampleur des réformes économiques entreprises. La fin de l’arrimage du kwanza au dollar a permis d’alléger certaines tensions sur le marché des changes, même si elles restent importantes. L’accord de financement récemment signé avec le FMI contribuera à mettre en œuvre les réformes structurelles. Celles-ci visent à diversifier l’économie en encourageant le développement du secteur privé. Toutefois, les perspectives économiques globales à court terme restent liées à l’évolution des prix internationaux du pétrole en raison de l’absence de diversification de l’économie angolaise. De plus, les difficultés persistantes du système bancaire continuent de peser sur le secteur privé. Aussi la reprise devrait-elle être, au mieux, très progressive compte tenu de la persistance des déséquilibres macroéconomiques.
Malgré l’inflexion positive de la politique économique mise en œuvre par le nouveau gouvernement et la remontée des prix du pétrole, le pays reste confronté à plusieurs défis. Le secteur pétrolier se dégrade, la liquidité en devises est exposée à de fortes tensions, le pouvoir d’achat des ménages s’amenuise et le système bancaire est en butte à de sérieuses difficultés. Le spread souverain en devises reste plus élevé que dans l’ensemble des marchés émergents, de sorte que le coût des emprunts sur les marchés de capitaux internationaux reste relativement onéreux. L’aide financière du FMI, après environ deux ans de coopération, est une mesure particulièrement bienvenue et de nature à rassurer les agents économiques. La politique économique du gouvernement angolais a manifestement changé mais le redressement prendra du temps.
Mise en œuvre de réformes économiques
Depuis sa prise de fonction en septembre 2017, le président Joao Lourenço a lancé d’importantes réformes destinées à améliorer la transparence du secteur financier et la rentabilité des entreprises publiques, à libéraliser le régime de change, mais aussi à améliorer le climat des affaires et la perception de ce dernier par les investisseurs internationaux. L’année qui a suivi son arrivée au pouvoir, le gouvernement a envoyé des signaux positifs de changement politique en centrant son programme sur la lutte contre la corruption et les réformes en faveur de l’économie de marché.
En avril 2018, le parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), a convoqué un congrès extraordinaire en septembre 2018?; une transition politique s’est alors opérée à la tête du parti (dernier vestige de l’hégémonie Dos Santos) au profit du nouveau président, qui a ainsi acquis une autorité incontestée auprès de l’élite politique et du milieu des affaires angolais.
Après avoir remplacé plusieurs postes clés dans les domaines politique et économique afin de tourner la page de l’époque Dos Santos, le gouvernement a entrepris plusieurs réformes en vue d’attirer de nouveaux investissements et d’accélérer le potentiel de croissance.
La plupart de ces réformes ont porté sur le soutien au développement du secteur privé. Après la simplification des procédures administratives visant à attirer les investissements directs étrangers (délivrance de visas et de permis de séjour), des progrès ont également été réalisés dans l’accès à l’électricité, la promotion de la concurrence et la lutte contre les monopoles. Une nouvelle loi sur l’investissement étranger a été approuvée. Elle supprime l’obligation d’investir au minimum de USD 230 000 et de s’associer à un partenaire local détenant au moins 35 % du capital. De plus, l’AIPEX (Agence pour les investissements privés et les exportations) a été créée pour régir les relations entre le gouvernement et les investisseurs. Par ailleurs, une liste de 74 entreprises publiques[1] à privatiser a été établie.
Le gouvernement semble également agir en faveur d’une légère amélioration de la transparence et de la réduction de la corruption[2]. Une unité anti-corruption a été créée en mars 2018 et plusieurs hauts responsables de l’ancienne administration ont été démis de leurs fonctions et poursuivis. Si les poursuites pour fraude et l’arrestation finale du fils de l’ancien président montrent que la famille Dos Santos a nettement perdu de son influence en 2018, l’arrestation de quelques personnalités de haut rang ne suffira pas à remédier à la corruption endémique qui sévit au sein des institutions angolaises.
Cependant, selon le classement «?Doing Business?» 2019 de la Banque mondiale, l’Angola n’a progressé que de deux places (de la 175e place à la 173e sur 190 pays). Cette avancée est principalement due à certaines améliorations en matière d’accès à l’électricité, d’enregistrement de la propriété et d’exécution des procédures douanières. De même, l’Indice de gouvernance fait ressortir un léger mieux en matière de participation et de responsabilisation citoyenne, d’efficacité des pouvoirs publics, de stabilité politique et de lutte contre la corruption. Malgré cela, l’opacité reste la règle dans le milieu des affaires angolais.
La nouvelle politique de change a permis d’améliorer la liquidité en devises. Après l’abandon de l’arrimage au dollar en janvier 2018, le kwanza (AOA) a été progressivement déprécié de manière contrôlée par la banque centrale par le biais d’enchères. Depuis octobre 2018, le volume des devises étrangères a augmenté et la banque centrale a ainsi cessé la vente directe de devises, désormais réalisées au travers de banques commerciales autorisées. Par ailleurs, un texte de loi visant à faciliter le rapatriement de fonds détenus à l’étranger et à réduire la pénurie de devises a été approuvé.
Enfin, le secteur des hydrocarbures a également fait l’objet d’une importante réforme. Une nouvelle législation, ayant pour objet de définir des règles claires et transparentes concernant le développement de réserves gazières et d’introduire des baisses d’impôts pour les champs pétroliers marginaux (ceux dont les réserves sont plus faibles ou présentant des défis techniques spécifiques), a été votée. De plus, le président Lourenço a créé la nouvelle Agence nationale du pétrole et du gaz qui sera chargée des attributions de concessions pétrolières et de la gestion des accords de partage de la production, dont Sonangol avait auparavant la responsabilité.
Une relation nouvelle avec le FMI
Les relations entre l’Angola et le FMI sont depuis toujours tendues, le Fonds reprochant à Luanda ses pratiques de gestion peu transparentes. Ce n’est qu’en 2009, lors du dernier krach pétrolier, que l’Angola a obtenu pour la première fois auprès du FMI un accord de confirmation, d’un montant de USD 1,4 md, destiné à l’aider à régler ses problèmes de liquidités.
En 2018, les autorités angolaises ont de nouveau coopéré avec le FMI pour lequel la transition politique actuelle constitue une véritable rupture dans l’histoire récente du pays, compte tenu des réformes ambitieuses qui ont été lancées pour remédier aux déséquilibres macroéconomiques et structurels du pays.
Les autorités ont notamment créé un programme de stabilisation macroéconomique dont les principaux objectifs sont le renforcement de la viabilité des finances publiques et de la dette, la modernisation du cadre de politique monétaire et du régime de change, la réduction des vulnérabilités du secteur financier, la promotion de la croissance tirée par le secteur privé et la diversification économique grâce à l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires.
Par ailleurs, un Plan de développement national pour 2018–2022 doit remédier aux goulets d’étranglement structurels, promouvoir le développement humain, réformer le secteur public, et permettre la diversification économique et la croissance inclusive.
Pour soutenir la mise en œuvre de ces réformes, le gouvernement angolais a sollicité auprès du FMI un programme d’aides qui a été officiellement signé le 10 décembre 2018. L’accord, conclu dans le cadre d’un mécanisme élargi de crédit pour une durée de trois ans, porte sur un montant de USD 3,7 mds. Il autorise un décaissement immédiat de USD 990,7 millions, tandis que le solde sera décaissé sur le reste de la durée du mécanisme, sous réserve d’évaluations semestrielles. Ce mécanisme allégera les tensions qui pèsent sur la liquidité en devise à court terme et enverra un signal fort de stabilité de nature à rassurer les agents économiques.
Une économie en stagnation
La forte baisse des prix du pétrole, après les records atteints entre 2011 et 2013, a mis à mal la croissance économique de l’Angola qui était de 4,5 % en moyenne entre 2011 et 2015. Le PIB réel a fortement ralenti, atteignant 0,9 % en 2015, puis le pays est entré en récession en 2016 (-2,6 %).
Malgré les progrès réalisés depuis l’arrivée du nouveau gouvernement Lourenço et le redressement des cours du brut lors des trois premiers trimestres de 2018, l’économie angolaise devrait connaître sa troisième année consécutive de récession. C’est ce que confirme le climat économique global mesuré par l’indicateur ICE qui se maintient à des niveaux négatifs. Selon les données récentes de l’institut national des statistiques, l’économie s’est contractée de 2,7 % en g.a. entre le 1er et le 3e trimestre 2018, enregistrant son troisième trimestre consécutif de récession. Cette contraction reste attribuée au repli des activités d’extraction et de raffinage, qui représentent 33 % du PIB, suivies du commerce et de la construction (près de 20 % du PIB).
Le secteur pétrolier (qui représentait 35 % du PIB en 2018) continue de subir les conséquences du gel de la plupart des projets d’exploration pétrolière (considérés comme trop coûteux) et des licenciements massifs destinés à abaisser les coûts d’exploitation. La production pétrolière n’a cessé de reculer depuis 2015, passant de 1,8 million de barils/jour à 1,49 million en décembre 2018, principalement en raison d’investissements insuffisants dans les champs offshore, dont la maintenance est assez coûteuse, alors que d’autres arrivaient à maturité et que la production commençait à diminuer.