La croissance en zone euro devrait se stabiliser à 0,3% t/t au cours du second semestre 2024, avant une légère accélération en 2025 soutenue par le cycle de baisse des taux d’intérêt. Les difficultés dans l’industrie, mises en évidence par la détérioration des indices PMI en septembre, et l’incertitude sur l’économie chinoise, accroissent toutefois les risques à la baisse sur nos prévisions. Un scénario plus défavorable, qui verrait le secteur manufacturier entraîner avec lui le reste de l’économie, n’est toutefois pas celui que nous privilégions au moment d’écrire ces lignes. Bien que moins importants, les écarts de dynamisme entre les pays et les secteurs perdureraient en 2025.
À ce stade, la désinflation importée sur les biens manufacturés a permis à l’inflation globale de refluer vers la cible de 2% visée par la BCE, mais cet effet est voué à s’estomper. Cette nouvelle hausse viendrait compenser une partie de la désinflation que nous anticipons dans les services, qui devrait s’accentuer l’année prochaine, ce qui permettrait à l’inflation headline de se stabiliser autour des 2% d’ici la seconde moitié de l’année 2025. Moyennant deux nouvelles baisses en octobre et en décembre 2024, suivies de deux autres au premier semestre 2025, le taux terminal de la BCE serait atteint au printemps prochain. Ainsi, l’activité en zone euro se renforcerait en 2025, aidée par un rebond de l’économie allemande, et par un acquis de croissance plus favorable qu’en 2024.
Le dilemme chinois
Néanmoins, certains pans de l’industrie européenne sont aujourd’hui pris en étau, entre une consommation intérieure atone et une surproduction chinoise dont le but, in fine, consiste à engranger des parts de marché en évinçant par les prix les producteurs locaux. Avec des marges des entreprises en baisse au deuxième trimestre et des indices PMI sur l’emploi pour le secteur manufacturier indiquant une nette dégradation en septembre (45,8, plus bas niveau post-Covid), un point de bascule sur le marché du travail en zone euro, dont la résistance a été jusqu’ici remarquable, est possible. L’enquête trimestrielle de la Commission européenne sur les freins à la production est aussi instructive. Si les problèmes de recrutement constituaient, jusqu’à la fin de l’année 2022, la principale limite à l’activité, le manque de demande est, depuis, repassé comme facteur principal. Notons que cet indicateur a été assez fiable par le passé pour indiquer les retournements de cycle économique[1].
Répondre de manière unie au sein de l’UE des 27 à la concurrence chinoise reste une tâche délicate. Le vote du 4 octobre qui a entériné la hausse des droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois a mis en exergue les divisions profondes entre les pays membres, puisque dix pays seulement ont voté en faveur de cette mesure, tandis que cinq s’y sont opposés (dont l’Allemagne), et douze se sont abstenus (dont l’Espagne). Les pays fortement imbriqués à la seconde économie mondiale (Allemagne, Slovaquie, Hongrie) se montrent plus réticents à durcir les barrières tarifaires, par crainte que Pékin n’instaure des mesures de rétorsion plus dures et plus étendues. Transition vers l’électrique oblige, certains leaders politiques cherchent également à attirer des usines automobiles chinoises sur leur territoire.
D’ailleurs, si une véritable rupture dans les échanges directs entre les États-Unis et la Chine semble bien enclenchée, celle entre l’UE et Pékin est encore peu visible, et sur certains points les dépendances commerciales se sont même approfondies au cours des dernières années[2]. Ainsi, le plafonnement des échanges entre les deux blocs, que l’on constate actuellement, traduit avant tout la baisse généralisée de la demande, et non une bifurcation des échanges de l’UE vers d’autres pays. La part des importations de l’UE (extra-EU) en provenance de Chine est, en effet, restée stable au cours des deux dernières années, et supérieure à 20%.[3]
Grand écart budgétaire
Comme en 2023, l’année 2024 consacrera la très bonne tenue des comptes publics des pays à l’épicentre de la crise européenne des années 2010. La Grèce, le Portugal, et l’Irlande sont plus que jamais en course pour dégager des excédents primaires proches voire supérieurs à 2% de leur PIB, tandis que le déficit en Espagne devrait, pour sa part, redescendre sous les 3%. Dans un contexte de baisse généralisée de l’inflation entre les pays de la zone euro, le resserrement des spreads entre le Bund allemand et les taux grecs, espagnols et surtout portugais traduit une baisse notable de la prime de risque assignée à ces pays. À l’inverse, les ajustements budgétaires auxquels devront s’astreindre les pays visés par une procédure de déficit excessif par Bruxelles – qui sont au nombre de cinq[4] – constitueront un frein à l’activité, mais sont néanmoins indispensables pour éviter d’alimenter les tensions sur le marché obligataire.
Achevé de rédiger le 07 Octobre 2024.