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Peu de changements attendus après les élections

04/09/2019
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La coalition entre l’ÖVP et le FPÖ ayant volé en éclats en mai dernier, des élections législatives ont été convoquées pour le 29 septembre prochain.

L’ÖVP va probablement renforcer son assise au parlement, mais il devra certainement faire de nouveau appel au FPÖ pour obtenir une majorité.

La politique devrait rester inchangée et centrée sur l’assainissement budgétaire et la réduction de la charge fiscale.

Le prochain gouvernement devra faire face à un environnement économique moins favorable. Le PIB pourrait décélérer aux environs de 1,2 % en 2020.

Rupture de la coalition au pouvoir en mai

Le 29 septembre prochain, les Autrichiens se rendront de nouveau aux urnes (voir encadré). Des élections anticipées ont, en effet, dû être organisées après la rupture de la coalition entre l’ÖVP (conservateurs) et le FPÖ (extrême droite). L’effondrement du gouvernement de coalition faisait lui-même suite à la démission du vice-chancelier, Christian Strache (FPÖ), après la publication d’une vidéo, enregistrée en caméra cachée, en 2017, à Ibiza. Ce fut l’occasion pour le chancelier Sebastian Kurz (ÖVP) de dénoncer l’accord de coalition et de convoquer des élections anticipées. Le gouvernement Kurz ayant été renversé par une motion de censure votée au parlement, le président Alexander Van der Bellen a désigné un gouvernement intérimaire, composé essentiellement de technocrates et dirigé par Brigitte Bierlein, présidente sans étiquette de la Cour constitutionnelle.

Le programme économique du gouvernement Kurz

Issu des élections fédérales d’octobre 2017, le gouvernement de coalition constitué par l’ÖVP et le FPÖ a prêté serment en décembre 2017. Son programme était centré sur des politiques économiques libérales, comme la réduction de la charge fiscale et le renforcement des règles en matière d’immigration.

Pendant sa campagne, Sebastian Kurz a plusieurs fois fait allusion à l’affaiblissement de la position de l’Autriche. Au milieu des années 2000, l’Autriche passait pour être la «?meilleure Allemagne?». Or, toujours selon S. Kurz, elle est désormais dépassée par d’autres pays. On voit mal, cependant, sur quels éléments concrets repose cette analyse. L’Autriche reste, en effet, l’un des pays les plus riches de l’UE (graphique 1).

L’Autriche figure parmi les pays les plus riches

Pour le chancelier, cette dégradation était surtout perceptible sur le marché du travail. En 2012, le taux de chômage s’inscrivait à 4,9 %, niveau le plus bas de l’UE. En 2018, il se situait toujours à 4,9 %, mais d’autres pays comme l’Allemagne faisaient mieux (3,4 %).

Pour les membres de la coalition, l’une des raisons de la sous-performance présumée de l’Autriche résidait dans une fiscalité élevée (impôts et cotisations sociales), qui s’établissait à 42,4 % en 2017. L’objectif était de la ramener à 40 %, un niveau proche de celui de l’Allemagne[1]. La charge fiscale se situe, en effet, parmi les plus élevées de l’UE (graphique 2). Cependant, la relation entre fiscalité et santé économique n’est pas des plus évidentes. Le Danemark et la Suède affichent, comme l’Autriche, des taux d’imposition relativement élevés, mais ils figurent aussi parmi les pays les plus riches. De plus, la forte imposition pratiquée en Autriche n’a jamais semblé, auparavant, être un obstacle à sa croissance.

La fiscalité n’est pas disproportionnée

Par ailleurs, comme en Allemagne, le gouvernement avait pour objectif un budget à l’équilibre. En 2017, le déficit budgétaire légué par la grande coalition précédente, constituée par le SPÖ (socio-démocrates) et l’ÖVP (conservateurs), atteignait 0,8 % du PIB. L’assainissement des finances publiques devait donc passer, pour le nouveau gouvernement, par des réformes structurelles, notamment une réforme fiscale globale et une baisse des dépenses que la nouvelle coalition avait l’intention de réduire d’environ EUR 12 mds, soit 3 % du PIB.

L’immigration est devenue une préoccupation majeure pour la population. Cela s’explique en partie par le poids important de la main-d’œuvre étrangère dans la population active. En 2018, 16 % des salariés étaient de nationalité étrangère, soit l’un des taux les plus élevés de l’UE. La plupart d’entre eux sont issus d’autres pays de l’Union, en particulier d’Europe centrale et orientale. De plus, l’Autriche a dû faire face à un afflux considérable de demandeurs d’asile, dont le nombre a atteint 130?000 personnes sur la période 2015-2016. Ce flux a, depuis, sensiblement diminué aux environs de 1?000 demandes par mois, avec la réduction du nombre de réfugiés arrivant en Europe par la route des Balkans occidentaux.

Le gouvernement de coalition souhaitait réduire l’attractivité de l’Autriche pour les immigrés. De son point de vue, en effet, l’immigration ne devait être facilitée que pour les travailleurs qualifiés dans des secteurs dans lesquels les entreprises autrichiennes avaient du mal à trouver de la main-d’œuvre ayant les qualifications requises. De plus, l’aide sociale devait être limitée aux nouveaux arrivants ayant passé au moins cinq ans en Autriche au cours des six dernières années. Enfin, les prestations versées aux demandeurs d’asile devraient être réduites.

Au cours de la courte période pendant laquelle la coalition est restée au pouvoir, seules quelques mesures modestes ont été prises, comme la réduction des cotisations d’assurance chômage pour les bas revenus, l’annulation de la hausse du taux de la TVA sur les séjours hôteliers et l’introduction d’un programme de primes aux familles. Ce dernier prévoit notamment un crédit d’impôt pouvant aller jusqu’à EUR 1 500 par enfant et par an. Il remplace la déduction fiscale des frais de garde et l’allocation pour enfants à charge. La mesure est critiquée par le SPÖ, car elle favorise les ménages aisés. Les foyers aux revenus modestes n’en bénéficient pas pleinement dans la mesure où ils ne paient pas d’impôts ou presque pas.

Concernant l’immigration, le gouvernement a décidé de conditionner l’aide sociale accordée aux étrangers à leur maîtrise de l’allemand. De plus, les allocations familiales versées au titre des enfants résidant dans un autre pays de l’Union ont été indexées sur le coût de la vie dans ce même pays. Estimant que cette mesure n’était pas compatible avec les règles de l’UE, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction à l’encontre de l’Autriche.

La situation des finances publiques s’est améliorée entre décembre 2017 et mai 2019. En 2018, le budget affichait un excédent de 0,1 % du PIB, une première depuis 1974. Pour 2019, l’excédent budgétaire est estimé à 0,3 % du PIB. Ce résultat s’explique principalement par la baisse des taux d’intérêt et un environnement économique favorable qui a permis l’augmentation des recettes fiscales. En conséquence, la charge fiscale a légèrement progressé en 2018 à 42,8 % contre 42,4 % en 2017. Une légère baisse à 42,6 % est prévue pour 2019.

Les négociations en vue de former une coalition s’annoncent difficiles

Les sondages donnent l’ÖVP nettement en tête des intentions de vote. Le parti pourrait réunir environ 36 % des voix. Pour obtenir une majorité, il devra néanmoins rechercher un partenaire. Sebastian Kurz avait espéré former une coalition avec le petit parti libéral NEOS, or celui-ci est crédité de 8,3 % des voix, ce qui ne suffira pas pour former une majorité.

S. Kurz pourrait restaurer la «?grande coalition?» avec le SPÖ. L’Autriche a, en effet, été gouvernée à plusieurs reprises par cette alliance?; ce fut dernièrement le cas, entre janvier 2007 et décembre 2017. Cependant, l’expérience ayant laissé un goût amer, le leader de l’ÖVP ne sera pas particulièrement tenté de la renouveler. Cela impliquerait aussi un changement radical de politique. De son côté, le SPÖ qui devrait connaître, selon les sondages, une forte érosion de son électorat, avec un score d’environ 22 % contre 26,9 %, lors des élections de 2017, ne souhaitera peut-être pas rejoindre la coalition.

Ne reste plus qu’une alliance avec un FPÖ affaibli. Le parti d’extrême droite est, en effet, crédité dans les sondages de 20 % des voix contre 26 % lors des législatives de 2017. Une reconduction de la coalition avec un FPÖ beaucoup moins puissant donnerait à S. Kurz plus de poids pour poursuivre son ancien programme et mettre en œuvre ses propres politiques, mais lui permettrait aussi de faire entrer plus de ministres de son propre parti au gouvernement.

Ralentissement de la croissance économique en perspective

Le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, sera confronté à des conditions moins favorables que la première coalition Kurz. La croissance économique a ralenti, passant de 0,5 % au T4 2018 à 0,4 % et 0,3 %, respectivement, au T1 et au T2 2019. La croissance annuelle, qui a atteint un pic à 2,7 % en 2018, devrait reculer à 1,4 % en 2019 et à 1,2 % en 2020, une évolution qui reste, néanmoins, assez favorable par rapport à d’autres pays de la zone euro. Dans l’Allemagne voisine, en effet, la croissance devrait, selon les prévisions, se replier à un niveau modeste de 0,4 % en 2019 et de 0,2 % en 2020.

La décélération de la croissance est principalement imputable au ralentissement du commerce mondial, en grande partie lié aux incertitudes entourant le Brexit et au conflit commercial entre les États-Unis et la Chine. Résultat : la demande des pays de la zone euro, en particulier, l’Allemagne et l’Italie, qui représentent près de 40 % des exportations autrichiennes, a marqué le pas. Selon les entreprises du secteur manufacturier, les perspectives ne devraient pas s’améliorer de sitôt. La confiance des chefs d’entreprises se situe à son plus bas niveau depuis juin 2016. Dans notre scénario, la production ne devrait se redresser que progressivement en 2020.

De plus, l’investissement, en nette hausse depuis trois ans, s’essouffle. En 2018, le taux d’investissement atteignait 23,9 % du PIB, niveau inédit depuis 2003, juste après la Belgique (24 %), meilleur élève de la zone euro (graphique 3). La demande a été, dans un premier temps, largement soutenue par l’investissement de renouvellement, puis dans un deuxième temps par l’investissement dans l’accroissement des capacités. Avec la détérioration de la conjoncture et la montée des incertitudes, l’investissement des entreprises est aujourd’hui en perte de vitesse

Synthèse des prévisions

L’investissement s’approche d’un sommet

. Dans le secteur du bâtiment, la construction de logements est restée assez dynamique, portée par une forte croissance de l’emploi et des conditions de financement favorables. Les permis de construire ont, néanmoins, accusé un repli. Au T4 2018, seuls 15?600 permis ont été délivrés, un plus bas pour le quatrième trimestre depuis 2010. Or, la délivrance de permis de construire constitue un indicateur avancé de l’activité du secteur de la construction depuis environ deux ans.

La consommation privée, en revanche, est restée très vigoureuse, sous l’effet conjugué de la solide progression du revenu disponible des ménages, suite à la réforme de la fiscalité de 2016, de la générosité des négociations salariales en 2018 et de la croissance robuste de l’emploi. En 2018, la consommation privée en termes réels a augmenté de 1,6 %.

Malgré le tassement attendu de la croissance de l’emploi en 2019, la progression du revenu disponible restera solide, portée par des hausses collectives de salaires (2,9 % contre 2,6 % en 2018) et quelques mesures fiscales comme l’introduction du programme de primes aux familles. La croissance de la consommation devrait se maintenir globalement au même niveau que l’année dernière et le taux d’épargne pourrait même atteindre 7,6 % du revenu disponible, contre 7,5 % en 2018. Dans les années à venir, même si le revenu disponible est appelé à diminuer, la consommation devrait rester assez soutenue, car les ménages pourront puiser dans leurs économies.

Dans un tel contexte, la situation devrait rester très tendue sur le marché du travail et les tensions sur ce marché pourraient même se renforcer avec le départ à la retraite de la génération du baby-boom. L’immigration va probablement rester un facteur important pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre.

Les négociations salariales, qui devraient rester généreuses, se répercuteront en partie sur les prix intérieurs, en particulier ceux des services. L’inflation devrait se maintenir autour de 1,7 % et l’inflation sous-jacente pourrait augmenter à 2 % en 2020, contre 1,8 % en 2018.

Les incertitudes entourant les prévisions sont très élevées et les risques sont, pour la plupart, orientés à la baisse. Ceux-ci sont principalement liés à la situation internationale. Concernant le conflit commercial entre Washington et Pékin, aucune issue n’est en vue et la situation semble même s’envenimer. Pour ce qui est du Brexit, l’incertitude est extrêmement forte à l’approche de la date butoir du 31 octobre. Les conséquences négatives d’une sortie sans accord sont particulièrement difficiles à prévoir. Quoi qu’il en soit, la santé de l’économie autrichienne est relativement bonne. Le marché du travail est plutôt robuste. De plus, la situation des finances publiques s’est considérablement améliorée, offrant au gouvernement une importante marge de manœuvre pour lutter contre la récession, si nécessaire.


[1] Aux termes de l’accord de coalition, la charge fiscale devait être ramenée de 43,2 % en 2016 et à 40 % en 2022. Or, elle était plus faible en 2016, à 42,6 %, contre 40,2 % en Allemagne.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE