La plupart des secteurs de l’économie à la peine
Sans encore pouvoir mesurer l’ampleur de l’impact du Covid-19 sur l’économie mondiale, l’essoufflement de la croissance belge était prévisible : le ralentissement de l’activité internationale ne pouvait, en effet, avoir que des effets négatifs sur la croissance de cette petite économie ouverte. Les solides créations d’emplois enregistrées sous le gouvernement Michel-I ont durablement stimulé la consommation privée, et la croissance de l’investissement s’est de nouveau redressée au cours du T4 2019. Pour 2020, la dépense publique devait constituer un levier majeur, avec une priorité forte accordée aux grands projets d’infrastructure, comme celui d’Oosterweel, projet autoroutier ceinturant la ville d’Anvers.
Nous avons largement souligné, dans de précédentes publications, le rôle du gouvernement dans le soutien à la croissance économique. Son impact réel sur l’activité intérieure sera crucial dans les prochains mois. Des mesures prévoyant une hausse de l’indemnisation des travailleurs au chômage partiel et le report du paiement de l’impôt pour les entreprises ont été adoptées. Les négociations portant sur un programme de EUR 50 mds, engagées par le gouvernement, les grandes banques et la Banque nationale de Belgique, devraient aboutir dans les prochains jours.
Pour autant, la chute prévue du PIB à - 3,5 % est la plus importante jamais enregistrée depuis la Deuxième Guerre mondiale. Et encore ces prévisions tiennent-elles compte des mesures actuellement adoptées en faveur des ménages et des entreprises.
Pour évaluer l’impact attendu de l’épidémie de Covid-19 et les bouleversements qui s’ensuivent, nous avons renoncé à l’approche « dépenses » traditionnelle pour calculer le PIB total, pour privilégier l’approche « production », cadre permettant de mieux appréhender les variations de la valeur ajoutée au niveau sectoriel.
L’analyse montre que la plupart des secteurs économiques seront en difficulté dans les prochaines semaines et les prochains mois, sauf exceptions notables comme le secteur de la santé. En Belgique, le freinage le plus important de l’activité est attendu dans le secteur de la construction et des activités immobilières. Dans le premier, la nature même du travail est incompatible avec les mesures de distanciation sociale stricte nécessaires. Quant à la Fédération des agents immobiliers, elle a récemment soutenu une décision du gouvernement portant sur l’interdiction des visites de biens immobiliers par des acquéreurs potentiels.
Le confinement a, de toute évidence, des conséquences négatives sur la demande dans tous les secteurs, mais l’offre est aussi impactée. Selon Nathalie Muylle, ministre du Travail, de l’Economie et de la Consommation, au moins un million de travailleurs (20 % des actifs) sont actuellement en chômage partiel.
Dans le cadre du dispositif mis en place, ces travailleurs sont éligibles au versement d’une indemnité à hauteur de 70 % de leur salaire normal, sous réserve de certaines limites. De plus, l’accent a été mis sur le télétravail. D’après les données relatives à l’année 2017, environ 17 % des salariés travaillent régulièrement depuis chez eux, ceux de la fonction publique bien plus que leurs homologues du secteur privé. Cependant, en raison de la fermeture des écoles et des crèches, sauf pour les enfants dont les parents exercent une profession jugée essentielle, le télétravail représenterait près de 50 % aujourd’hui.
Finances publiques
Au moment de l’apparition du virus Covid-19 en Europe, la Belgique était dans l’impasse, et ce depuis les élections de mai 2019. Depuis, la Première ministre, Sophie Wilmès, à la tête d’un gouvernement minoritaire au parlement après le départ de Charles Michel, actuel président du Conseil européen, a obtenu la confiance de tous les partis (sauf deux), représentés au Parlement fédéral, pour exercer un mandat « corona ». La Première ministre et les membres de son gouvernement sont ainsi autorisés, en théorie, à lutter contre la crise actuelle sans avoir à consulter régulièrement le Parlement.
La détérioration des finances publiques était déjà à l’œuvre en 2019, le déficit s’étant de nouveau creusé depuis le plus bas de l’après-crise, à 0,7 %, en 2017 et 2018. Une étude récente de la Banque nationale de Belgique examine l’effet possible d’importants chocs du PIB sur le déficit de plusieurs pays européens. Il ressort de cette analyse que les puissants stabilisateurs automatiques constituent la principale explication de la forte sensibilité budgétaire de la Belgique, au deuxième rang juste après la France. Le déficit budgétaire pour l’année 2020 pourrait se creuser encore de 4 % pour atteindre 7 %, selon les estimations. Mais, la Belgique sera loin d’être le plus mauvais élève de la classe.