Au moment où l’épidémie de coronavirus l’a rattrapée, l’économie portugaise était déjà en train de ralentir, progressivement mais fermement. En effet, si le rebond du PIB au T4 2019 a incontestablement surpris (+0,7% t/t après +0,3% au T3), sa composition, plus que médiocre, a confirmé les signes d’essoufflement apparus dès l’automne et la détérioration du climat des affaires. Porté par un rebond des exportations vigoureux (mais qui sera très certainement de courte durée), le trimestre a en effet surtout été marqué par la stagnation de la consommation privée, le repli des investissements et un déstockage massif, amplifiant la tendance au ralentissement de la demande intérieure qui s’était progressivement installé en cours d’année.
L’épidémie de coronavirus a atteint le Portugal avec un certain retard, et se révélait, à la fin du mois de mars, nettement moins avancée que chez ses principaux voisins (Espagne, France, Italie). Elle est néanmoins appelée à s’amplifier dans les prochaines semaines, même si ce décalage a permis au gouvernement de Lisbonne de prendre des décisions précoces. Après la fermeture des établissements scolaires et de certains lieux publics, l’État d’urgence a été décrété dans tout le pays à compter du 20 mars, impliquant des mesures de confinement quasiment identiques à celles vues en France. En outre, la frontière avec l’Espagne, où l’épidémie fait rage, a été fermée (sauf pour les transports de marchandises et les travailleurs transfrontaliers), et l’ensemble des liaisons aériennes, maritimes et fluviales sont suspendues.
Comme les autres économies d’Europe, le Portugal va maintenant devoir faire face, au cours des prochains mois, à une récession majeure, vraisemblablement centrée sur le second trimestre, et suivie d’un rebond dont il est pour l’instant aussi très difficile d’estimer la date et l’ampleur. À ce stade, où nos estimations s’approchent davantage d’ordres de grandeur que de véritables prévisions, il nous semble que l’effondrement de l’activité pourrait être de l’ordre de 10% au moins en rythme trimestriel au T2, le repli du PIB pour l’ensemble de l’année s’établissant entre 4% et 5% en 2020.
Il faut en particulier s’attendre à ce que le confinement sanitaire s’accompagne d’un effondrement majeur du volume des activités dans les services, services aux particuliers, commerce, hôtellerie et restauration. L’impact pourrait être de moindre ampleur dans les autres secteurs d’activité (services aux entreprises, construction, industrie), tout en restant important. Au Portugal, le poids important des activités de transport international de marchandises et celui du tourisme sont des points faibles supplémentaires. L’activité du tourisme international et des voyages, dont le poids a plus que doublé ces dix dernières années et qui atteint désormais plus de 8% du PIB devrait être particulièrement et durablement touchée.
Outre les dépenses proprement liées à la crise sanitaire, le gouvernement met en place une série de mesures visant à amortir le plus possible les conséquences de l’interruption des activités sur l’emploi et la solvabilité des entreprises, pour favoriser la reprise le moment venu. De fait, la forte densité de petites et moyennes entreprises dans le tissu économique portugais implique de veiller particulièrement à limiter la destruction des capacités productives.
Dans ce cadre, le programme du gouvernement comporte pour l’instant quatre volets : de larges mesures de subvention du chômage partiel permettant le maintien, à hauteur des deux tiers, du salaire dans les secteurs d’activité les plus touchés ; des reports de paiements des impôts et cotisations sociales ; un moratoire (capital et intérêts) sur certains crédits bancaires accordés aux ménages (résidentiel) et aux entreprises ; l’ouverture par les banques de lignes de crédits aux entreprises garanties par l’État. Initialement évalué à EUR 9,2 mds (dont 3 mds de garanties), le coût de ces mesures, et de celles qui viendront probablement les compléter, va certainement s’accroître dans les prochaines semaines.
Même si sa dette publique reste très élevée (un peu moins de 120% du PIB), le pays aborde cette crise avec un solde des finances publiques solide, puisqu’il a finalement atteint un excédent budgétaire dès 2019 (0,2% du PIB), alors que c’était son objectif pour 2020. Les marges de manœuvre reconstituées avec sérieux ces dernières années vont devoir servir dès maintenant.
Frédérique Cerisier
frederique.cerisier@bnpparibas.com