La population comme l’économie du Royaume-Uni ne seront pas plus épargnées que d’autres par l’épidémie de coronavirus. Arrivée assez tard sur le territoire britannique (23 cas confirmés le 29 février 2020 contre déjà une centaine en France et plus d’un millier en Italie) celle-ci n’a pas donné lieu à des mesures de protection immédiates. Le gouvernement de Boris Johnson a d’abord privilégié la stratégie « d’immunité collective », avant d’opter finalement, le 24 mars dernier, pour un confinement à l’échelle nationale. Au moment d’écrire ces lignes (le 3 avril 2020) la plupart des lieux publics (écoles, restaurants, pubs, clubs de sport, etc.) et commerces non essentiels étaient fermés, tandis que la limitation des déplacements s’imposait à la population.
La maladie progressait, quant à elle, rapidement (environ 6 000 cas supplémentaires par jour), le Royaume-Uni déplorant 4 300 décès liés au Covid-19.
L’activité montrait, quant à elle, ses premiers signes de décrochage. En mars, l’indice des directeurs d’achats (PMI) est tombé à 37,1, un point bas jamais mesuré jusqu’ici, même durant la crise financière de 2008. Le PIB britannique avait alors enregistré une baisse plus marquée qu’en Europe ou en France[1], ce qui peut s’expliquer à la fois par la faiblesse des stabilisateurs automatiques (transferts publics) et l’importance des effets de richesses, dans un pays qui reste une place financière de premier plan.
Un engagement budgétaire important, qui passe essentiellement par des prêts garantis
Réputé de bonne qualité et considéré comme « trésor national », le système national de santé britannique (NHS) ne se présente pas moins affaibli face à l’épidémie. Si la gratuité de ses soins a pu être maintenue jusqu’ici, les dépenses publiques qui lui sont consacrées, en particulier les dotations en capital, ont été fortement contraintes depuis une dizaine d’années. Leur poids dans le PIB a régulièrement baissé jusqu’en 2017, avant que Theresa May apporte une correction de cap[2]. Aujourd’hui, le pays est loin d’être le mieux positionné en termes d’équipements et de personnels de santé (2,57 lits d’hôpitaux en moyenne pour 1 000 habitants, soit un taux plutôt bas dans l’OCDE, cf. graphique 2).
Les mesures budgétaires de lutte contre les effets de l’épidémie présentées le 11 mars par le chancelier de l’Echiquier, Rishi Sunak,
prévoient une enveloppe de GBP 5 mds pour le NHS (4% des dépenses annuelles), ce qui peut paraitre peu eu égard à l’ampleur de la crise. En réalité, l’effort gouvernemental porte essentiellement sur des prêts de trésorerie garantis aux entreprises subissant des pertes d’activité (cf. tableau 3). Le 17 mars dernier, M. Sunak annonçait que leur montant total pourrait atteindre GBP 330 mds, soit 15% du PIB. Bien que sa répartition ne soit pas précisée (elle dépendra de l’ampleur comme de la diffusion de la crise), l’essentiel de l’enveloppe ira aux grandes entreprises via le Covid Corporate Financing Facility (CCFF), un programme d’achat de papier commercial ouvert pour 12 mois et opéré par la Banque d’Angleterre (BoE). Les titres éligibles (d’un montant minimum de GBP 1 million et couvrant des maturités allant de 1 semaine à 12 mois) devront avoir été émis par des sociétés « apportant une contribution significative à l’économie » et notées investment grade en date du 1er mars 2020[3].
Les petites et moyennes entreprises déclarant jusqu’à GBP 41 millions de chiffre d’affaires annuel bénéficieront, quant à elles, du Business Interruption Loan Scheme (BILS), un système de prêts distribués par les banques pouvant aller jusqu’à un montant unitaire GBP 5 millions. Le Trésor britannique se portera garant de 80% de l’encours et couvrira les six premiers mois de charges d’intérêts.
Pour compléter le dispositif, le gouvernement prévoit enfin, pour les entreprises, des apports directs de trésorerie (cash grants) ainsi que des reports de charges, pour un montant total « d’au moins » GBP 20 mds (GBP 27 mds selon le comptage du FMI).
Large soutien monétaire
Comme partout ailleurs dans le monde, l’effort budgétaire se double d’un soutien monétaire d’ampleur inédite. Depuis le 11 mars, les taux d’intérêt directeurs de la BoE sont maintenus au voisinage de zéro, des apports exceptionnels de liquidité, en sterling comme en dollar, alimentent le système financier, le rythme des rachats d’actifs (quantitative easing) est augmenté (cf. encadré ci-contre). Lors de son dernier comité de politique monétaire régulier, le 25 mars 2020, la BoE n’a pas pris de nouvelle mesure mais s’est dite prête à accroître ses achats d’actifs si nécessaire et a assuré de sa vigilance quant à l’application des mesures mises en place afin de garantir leur bonne transmission à l’économie réelle.