Eco Conjoncture

Finances publiques de la Colombie : faut-il s’inquiéter?

24/03/2022
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Les finances publiques de la Colombie ont été sous le feu des projecteurs ces dernières années. Alors que la fréquence des chocs externes et les pressions pour accroître les dépenses sociales se multiplient, le pays continue de rencontrer des difficultés à augmenter ses recettes budgétaires.

La suspension du processus de consolidation budgétaire consécutive au choc de la Covid-19, les fréquents biais (optimistes) en matière de planification budgétaire, la progression rapide du ratio d’endettement public et les doutes quant aux capacités futures d’ajustement de l’action politique sont autant de motifs d’inquiétude qui ont mené à la perte du statut d’ « investment grade » à l’été 2021. Cependant, à trop concentrer l’attention sur le niveau d’endettement, sa dynamique ou sur le degré d’ajustement budgétaire post-Covid19, on peut perdre de vue d’importants facteurs de soutien à la soutenabilité budgétaire du souverain.

Si la trajectoire du ratio de dette publique devrait, en effet, être confrontée à un ajustement difficile, au vu de la dynamique anticipée de ses déterminants sous-jacents, le souverain maintient malgré tout une bonne capacité à soutenir sa dette. Celle-ci s’appuie sur un différentiel taux d’intérêt / croissance favorable, de faibles obligations contingentes, une charge d’intérêts raisonnable et un solide cadre institutionnel. L’inclusion de différents pans de la société à l’élaboration de la politique budgétaire – un défi de taille pour les autorités – pourrait générer d’importantes retombées autant sur le plan socio-économique que budgétaire.

Au cours de l’été 2021, la Colombie a de facto perdu son statut d’ investment grade acquis en 2011[1]. Sa note souveraine a été soumise à des pressions récurrentes (graphique 1), à la suite du retournement du « supercycle » des matières premières en 2014-2015. Celui-ci a accéléré la chute des cours du pétrole, un produit de base représentant près de 40% des exportations, un tiers des investissements directs étrangers (IDE) et quelque 10 % des recettes budgétaires totales. Le choc a conduit à une chute notable de la croissance du PIB réel (graphique 2), à une perte de recettes pétrolières représentant en cumulé 5,5% du PIB sur la période 2015-2018 [2] et, par conséquent, à un renforcement des pressions en vue d’accroître les recettes non pétrolières moyennant une réforme de la fiscalité.

COLOMBIE : HISTORIQUE DE LA NOTATION SOUVERAINE (2004-2021)
COURS DU PÉTROLE VS. CROISSANCE DU PIB RÉEL

Selon les agences de notation, la Colombie doit la perte du statut d’« investment grade » à un ensemble de facteurs : la détérioration des principaux indicateurs budgétaires, aggravée par le choc pétrolier et celui lié à la pandémie, un environnement socio-politique défavorable à l’adoption de réformes fiscales et une visibilité limitée du processus d’ajustement postérieur à la pandémie, compte tenu, en particulier, des interrogations sur l’aptitude du gouvernement à abaisser les déficits et à stabiliser la dette (le ratio de la dette du gouvernement général a pratiquement été multiplié par deux depuis 2012, atteignant 65% du PIB en 2020) (graphique 3).

AMÉRIQUE LATINE : PART DES TITRES DE DETTE PUBLIQUE LIBELLÉS EN DEVISES*

De surcroît, la dépréciation tendancielle du peso depuis le choc des prix pétroliers (graphique 4) fait de la stabilisation de la dette un objectif difficile à atteindre : un peu plus d’un tiers de la dette publique est libellé en devises étrangères, l’un des niveaux les plus élevés parmi les grandes économies d’Amérique latine (graphique 5). La décision du gouvernement de maintenir le déficit budgétaire global dans une fourchette de 7 à 8,6% sur la période 2020-2022 a contribué à braquer encore plus les projecteurs sur les finances publiques, la Colombie ayant été l’un des rares pays émergents à décider de reporter ses plans d’ajustement budgétaire en 2023.

DÉPRÉCIATION DU PESO VS. COURS DU PÉTROLE
AMÉRIQUE LATINE : PART DES TITRES DE DETTE PUBLIQUE LIBELLÉS EN DEVISES*

Plus important encore, le pays a atteint un point de bascule en mai 2021 lorsqu’une proposition de réforme fiscale émanant du gouvernement a conduit à une grève nationale de 62 jours, marquée par des manifestations violentes et des barrages routiers. Les troubles sociaux ont fait 84 victimes (civils et policiers) et coûté plus de USD 3 mds selon le ministère des Finances. Ils ont conduit au retrait de la proposition de réforme, précipité le départ de deux ministres (ceux des Finances et des Affaires étrangères) et entraîné une montée en flèche des cas de Covid-19, aggravant la troisième vague épidémique.

Les débats n’ont pas manqué sur la manière de traiter le choc lié à la pandémie dans les modèles d’évaluation de crédit. Comme pour la crise financière de 2008, l’épidémie de Covid-19 a soulevé d’importantes questions concernant la réponse budgétaire appropriée, sa taille, sa composition et sa durée. En tout état de cause, il est apparu très vite que la plupart des États (a) seraient confrontés à un accroissement considérable de la dette et (b) qu’ils devraient (à un certain stade) procéder à un ajustement des politiques pour consolider les comptes publics, tout en (c) relevant un ensemble de défis plus urgents (i.e. baisse de la croissance potentielle, accélération de la digitalisation de l’économie, transition énergétique).

Compte tenu des avertissements relayés par de nombreuses organisations internationales[3] sur les risques d’un ajustement budgétaire trop rapide, on pourrait être tenté de faire temporairement abstraction du niveau de la dette publique et des exercices de benchmarking[4] lors des évaluations de crédits souverains. Toutefois, comme en 2007-2008, l’attention, dans les cadres d’évaluation de la solvabilité des emprunteurs souverains, s’est déjà portée sur le rythme de l’assainissement des finances publiques – celui-ci étant souvent synonyme de resserrement budgétaire du fait de « l’hypothèse implicite […] selon laquelle la rigueur budgétaire constitue un test de la détermination du gouvernement à honorer ses dettes, qui s’avère donc nécessaire pour regagner la confiance des investisseurs et retrouver rapidement le chemin de la croissance[5]. » La décision de la Colombie de différer son ajustement budgétaire compromet-elle sa capacité et sa volonté à rembourser sa dette ? La qualité de signature intrinsèque de la Colombie est-elle vraiment comparable à celle de 2007-2011, soit la dernière fois que le pays s’est retrouvé dans la catégorie BB+?? La dégradation dans la catégorie spéculative est-elle un signe avant-coureur de difficultés à venir ou marque-t-elle un revers temporaire ? L’accumulation de la dette publique en réponse à la pandémie et la relance budgétaire qu’elle a occasionnée font-elles peser un risque sur la soutenabilité de la dette ?

Afin de répondre à ces questions, la partie « Les finances publiques avant la Covid-19 : le pour et le contre » examine l’état des finances publiques avant la crise sanitaire de la Covid-19 et présente les principaux éléments qui, à ce moment-là, ont conforté ou contraint la solvabilité de l’État colombien. La partie « Choc de la Covid-19 : quel coût pour les finances publiques ? » donne un aperçu de la réponse budgétaire apportée à la crise sanitaire et de son impact sur les indicateurs budgétaires afin d’évaluer les dommages causés aux finances publiques par la crise Covid-19. Enfin la partie « Post choc Covid-19 : trajectoire possible des indicateurs de la dette » fait une projection sur les évolutions possibles du ratio de la dette publique après évaluation de ses déterminants sous-jacents.

À la lumière des éclairages apportés dans les sections 1, 2 et 3, la conclusion s’efforce de répondre à la question centrale de cet article : faut-il s’inquiéter de la situation actuelle des finances publiques en Colombie?

Les finances publiques avant la Covid-19 : le pour et le contre

Pour évaluer la situation des finances publiques de la Colombie, il convient d’abord d’examiner quelques-uns des progrès accomplis dans la gestion des comptes publics ainsi que les difficultés persistantes rencontrées par les gouvernements successifs avant la crise sanitaire.

Solidité des cadres institutionnels, réglementaires et d’action publique

La Colombie a renforcé de façon significative ses cadres de politique budgétaire ainsi que sa gouvernance au cours des vingt-cinq dernières années environ (encadré 1). En particulier, l’introduction d’une règle budgétaire, avec des objectifs précis en matière de déficit structurel[6] et des mécanismes de contrôle des dépenses et des recettes, a joué un rôle fondamental. Elle a permis d’instaurer une discipline en matière d’action publique et d’améliorer la coordination entre politiques monétaire et budgétaire. D’importants progrès qualitatifs ont également été accomplis en matière de promotion de la parité hommes-femmes dans le secteur public d’amélioration dans l’accès, la disponibilité et la transparence des données statistiques[7].

Une gestion plus rigoureuse des finances publiques a aussi permis d’épargner une grande partie de la manne des produits de base, induite par la forte augmentation des termes de l’échange sur la période 2004-2012[8], et de constituer des fonds d’épargne afin de se prémunir contre la matérialisation d’obligations contingentes (contingent liabilities) estimés à quelque 2% du PIB.

LES ÉTAPES CLÉS DE LA CONSOLIDATION DU CADRE DE POLITIQUE BUDGÉTAIRE

Les avancées sur le plan budgétaire ont fait écho à d’autres améliorations de l’action publique et à des évolutions importantes sur les plans réglementaire et institutionnel :

  • Les institutions démocratiques ont fonctionné sans interruption au cours des cinquante dernières années ou presque[9]. Contrairement à de nombreux pays en Amérique latine, la Colombie n’a pas connu de coups d’État depuis 1958, année qui a marqué la fin du régime militaire du général Rojas Pinilla (1953-1958). La continuité de la gouvernance démocratique constitue à ce titre un important déterminant de la prospérité économique de long terme d’un pays[10].
  • La Colombie s’est dotée en 1958 d’une institution centrale, en charge de la planification à long terme – le Département de la planification nationale (DPN)[11] – qui permet d’inscrire les politiques publiques dans une vision globale de développement. Ce département élabore des plans nationaux qui définissent des cibles et objectifs à long terme, et identifient des cibles et priorités à moyen terme dans le domaine des politiques socio-économiques et environnementales. Ces plans servent à contrôler les résultats des politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics au regard desdits cibles et objectifs.
  • Plusieurs progrès enregistrés en matière d’élaboration de l’action publique sont le fruit des réformes structurelles engagées dans les années 1990 à la suite de l’adoption d’une nouvelle constitution en 1991 : indépendance de la Banque centrale (1991), création d’une série de banques de développement, agences d’investissement et de promotion des exportations (1989-1991), adoption d’un taux de change flexible (1999), levée des contrôles de change[12], mise en place d’un régime de ciblage de l’inflation (1999), privatisation des entreprises publiques, abaissement des droits de douane, levée des restrictions à l’importation, assouplissement des règles relatives aux investissements directs étrangers (IDE), renforcement de la supervision financière et de la réglementation suite à la crise bancaire de 1998-1999[13]. Dans le cadre des réformes de la Banque centrale (BanRep ou Banque de la République), il a été également décidé que les autorités monétaires ne seraient pas autorisées à monétiser la dette publique (autrement dit, la Banque centrale de Colombie ne peut pas acheter des instruments de dette souveraine sur le marché primaire).
  • L’adhésion de la Colombie à l’OCDE (officiellement en 2020) témoigne des efforts déployés pour mener à bien les réformes structurelles et améliorer la gestion des politiques publiques. L’adhésion à l’organisation implique en particulier la mise en place de mesures visant à améliorer la gouvernance (règles anticorruption, meilleur accès à l’information, renforcement de l’État de droit et protection des droits de l’homme).

Ce cadre prudent d’action publique a contribué à soutenir la stabilité financière et macroéconomique du pays — deux éléments importants au développement du marché de la dette souveraine locale (graphique 6). De fait, par rapport à certains de ses pairs dans la région, la Colombie a réussi au cours des deux dernières décennies à afficher de solides performances de croissance, à maîtriser l’inflation (graphique 7) et à éviter tout épisode de restructuration ou rééchelonnement de la dette (contrairement à l’Argentine, à l’Uruguay et à l’Équateur ou même au Brésil au niveau infranational).

DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ LOCAL DE LA DETTE PUBLIQUE*
INFLATION - IPC (G.A., %, MOYENNE ANNUELLE)

Les réformes structurelles relatives à la gestion de la dette publique ont également permis de réduire la vulnérabilité des comptes publics aux chocs financiers. Des initiatives de gestion active de la dette ont, en particulier, contribué à :

Modifier progressivement la composition de la dette publique, en réduisant la dépendance à l’égard de la dette libellée en devises étrangères pour couvrir les besoins de financement (graphique 8). Le développement du marché national des obligations souveraines (le 3e en Amérique latine après le Brésil et le Mexique) a encouragé le recours accru aux instruments de dette locaux. Le portefeuille de dettes en devises représente environ 35% du stock de dette publique.

Diversifier la base d’investisseurs. Il n’existe pas d’acteurs dominants sur le marché de la dette publique (graphique 9). Cependant, les non-résidents continuent de représenter quelque 35% des détentions sur le marché local (25% si l’on se limite à la dette obligataire).

VENTILATION DE LA DETTE DU GOUVERNEMENT CENTRAL - EN DEVISE

Lisser / allonger les échéances moyennes de la dette et réduire les risques de refinancement (graphique 10). Le Trésor a amélioré le profil des amortissements de la dette publique au moyen d’opérations de gestion active des passifs (swaps, rachats ou échanges) et via l’émission d’obligations à plus long terme. Le rallongement des échéances a permis de réduire la sensibilité de la dette au risque de taux, la dette étant refinancée moins fréquemment. Ces opérations ont également contribué à éviter le cumul des échéances. Environ 80 % de la dette arrivera à maturité en 2034 et, quelle que soit l’année examinée, les amortissements du Trésor ne représentent pas plus de 10 % de l’encours de dette publique.

Réduire le coût moyen de la dette (graphique 11). En l’espace d’environ quinze ans, de 2006 à 2021, le coût nominal de la dette sur le marché local est passé de plus de 11% à 6,7% et d’environ 8% à 3,7% sur le marché extérieur. En conséquence, le coût moyen pondéré de la dette publique a atteint un plus bas en 2021, se situant autour de 5,6%. Cela a, à son tour, contribué à maintenir la charge de remboursement de la dette à des niveaux modérés et relativement stables dans le temps (les paiements d’intérêts représentant quelque 10 % des recettes) malgré un ratio dette sur PIB en hausse.

VENTILATION DE LA DETTE DU GOUVERNEMENT CENTRAL - PAR DÉTENTEUR

ALLONGEMENT DE LA MATURITÉ MOYENNE DE LA DETTE DU GOUVERNEMENT CENTRAL

BAISSE DU COÛT MOYEN DE LA DETTE DU GOUVERNEMENT CENTRAL (COUPON MOYEN)

Améliorer la coordination avec les autorités monétaires et les niveaux inférieurs des administrations publiques. Les gestionnaires de la dette rencontrent les responsables de la Banque centrale pour élaborer des projections sur les besoins de liquidité actuels et futurs et gérer activement la dette infranationale (contrairement à nombre d’autres pays, les gestionnaires de la dette nationale sont activement impliqués dans la gestion de la dette émise par les niveaux inférieurs des administrations publiques).

Renforcer le cadre de gestion des risques pour mieux tenir compte de l’impact des obligations contingentes (contingent liabilities) et des risques associés à la forte participation des non-résidents au marché local des capitaux.

Réduire l’exposition aux risques de change : depuis la crise financière mondiale (2007-2008), les autorités monétaires ont adopté une approche proactive visant à renforcer les réserves de change et à maintenir une ligne de crédit préventive auprès du FMI. Cela a permis de renforcer les capacités de résistance de l’économie colombienne face à des chocs externes et à fournir un filet de sécurité pour le paiement en devises d’engagements dus à des contreparties étrangères à la fois publiques et privées. Ainsi, les réserves de change ont atteint USD 58,9 mds, soit quelque 13,8 mois de couverture des importations contre six mois en 2008 (graphique 12). L’accumulation de réserves a contribué à abaisser le ratio de la dette publique extérieure nette sur PIB.

DE MEILLEURES CAPACITÉS POUR RÉSISTER AUX CHOCS EXTERNES

Un exercice plus complexe : le maintien de la crédibilité budgétaire

Malgré l’attachement que les autorités n’ont cessé de manifester à l’égard de la règle budgétaire, elles ont eu plus de difficultés, ces dernières années, à maintenir, d’une part, les objectifs budgétaires et, d’autre part, à communiquer de façon crédible sur la manière d’atteindre les objectifs à moyen terme. Trois grandes familles de facteurs, conjoncturels ou structurels, peuvent expliquer ces difficultés :

Premièrement, depuis 2015, les cibles budgétaires globales ont été révisées chaque année en raison d’une série de chocs externes : le choc des prix pétroliers de 2014-2015, de graves sécheresses dues au courant El Niño, la grève des camionneurs en 2016, l’explosion du scandale de corruption Odebrecht et la restriction consécutive du crédit accordé aux projets d’infrastructure, l’important afflux de migrants vénézuéliens en 2018-9[14] et la pandémie de Covid-19 en 2020. Ces chocs ont mis les comptes publics à rude épreuve, avec une croissance des dépenses parfois plus rapide que celle des recettes (graphique 13). Le choc pétrolier, en particulier, a renforcé la nécessité d’accroître les recettes non pétrolières par la voie de réformes fiscales (la perte de recettes a été estimée à quelque 5,5% du PIB sur la période 2015-2018, selon le FMI).

Deuxièmement, les autorités ont continué à rencontrer des difficultés à lever des recettes fiscales : bien qu’il ait été multiplié par deux depuis le début des années 1980, the ratio des impôts sur PIB est resté inférieur à la moyenne observée dans la région Amérique latine et Caraïbes au cours des vingt dernières années (graphique 14). Les difficultés chroniques de la Colombie à collecter l’impôt tiennent à plusieurs facteurs structurels :

CROISSANCE DES RECETTES ET DÉPENSES DU GOUVERNEMENT CENTRAL

AMÉRIQUE LATINE : RECETTES FISCALES EN % DU PIB

Forte opposition, de longue date, au Congrès et de la part de la population, à une réforme globale de la fiscalité. Malgré les lacunes reconnues du code des impôts (impact redistributif limité, régimes spéciaux, taux marginaux d’imposition élevés[15]), l’opposition à la réforme du régime fiscal actuel reste vive. Les gouvernements successifs ont ainsi été contraints d’opter pour une approche au coup par coup de la réforme de la fiscalité. Résultat, la Colombie a connu près de vingt réformes fiscales depuis 1990 dont plusieurs importantes au cours de la dernière décennie (annexe 1).

Souvent vidées d’une bonne partie de leur substance au Congrès, les propositions de réforme de la fiscalité ont rarement abouti à des gains nets supérieurs à 1 % du PIB. Le principal moyen utilisé pour accroître les recettes fiscales a, en général, consisté en des changements fréquents du taux et de l’assiette de la TVA[16]. L’augmentation du taux de la TVA (actuellement à 19%) a néanmoins tendance à faire débat en raison de son impact défavorable sur les pauvres, qui consacrent la plus grande partie de leur revenu à l’achat de biens de consommation et de services. Aussi de nombreuses exonérations de TVA ont-elles été accordées (voir ci-dessous).

Autre distorsion importante de ce régime fiscal : la dépendance excessive à l’égard de l’impôt sur les sociétés. Les entreprises colombiennes sont soumises au taux d’imposition effectif le plus élevé (quelque 60 %) au sein des pays de l’OCDE. En 2019, l’impôt sur les sociétés et la TVA, ou la taxe sur les biens et services, ont constitué les principales contributions aux recettes fiscales totales dont ils représentent respectivement, 24% et 30% – des parts relativement élevées par rapport aux pays de l’OCDE (10% et 20%). Par ailleurs, l’impôt sur le revenu n’a représenté que 6% des recettes fiscales totales, en 2019, contre 24%, en moyenne, dans l’OCDE.

L’élargissement de l’assiette fiscale se heurte à une très forte informalité sur le marché du travail et à des seuils élevés pour le paiement de l’impôt sur le revenu (graphique 15). Le travail informel représente une part significative du marché de l’emploi (selon les estimations de l’institut statistique, 62% des emplois se situent dans le secteur informel[17]). L’importance de ce secteur s’explique en grande partie par des coûts élevés de démarrage pour les entreprises du secteur formel et par la cherté de la main-d’œuvre due à un salaire minimum relativement élevé[18]. Du fait de la part toujours aussi forte du secteur informel, l’État accuse un manque à gagner fiscal estimé à 1,4% du PIB. L’autre raison de la faiblesse de l’assiette fiscale tient au seuil élevé d’imposition sur le revenu : moins de 10% des travailleurs paient l’impôt sur le revenu (graphique 16). Il n’y a guère eu jusqu’à présent de consensus politique sur l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu

PART DE L’EMPLOI INFORMEL EN % DE L’EMPLOI TOTAL
L’IMPÔT SUR LE REVENU DES PARTICULIERS NE REPRÉSENTE QU’UNE FAIBLE PART DES RECETTES FISCALES

Outre la fraude fiscale et les failles du système, les distorsions du régime fiscal ont amputé les recettes potentielles d’au moins un tiers selon l’Agence nationale des impôts et des douanes (DIAN). i/ De nombreux articles ne sont pas assujettis à la TVA (exonérations estimées à 7% du PIB [19]). ii/ Des avantages fiscaux ont été accordés en vue d’encourager l’investissement dans des secteurs prioritaires. iii/ Il existe également des distorsions dans la collecte de l’impôt selon les secteurs et la taille des sociétés (régimes spéciaux préférentiels pour les entreprises). Des augmentations ponctuelles des exonérations (dont des journées sans TVA) sont souvent mises en œuvre pour régler des tensions sociales et des problèmes politiques consécutifs à des hausses des taux d’imposition nominaux [20]. Selon le ministère des Finances, quelque 40% de la collecte potentielle de l’impôt au titre de la TVA et 30 % au titre de l’impôt sur le revenu donnent lieu à de la fraude fiscale.

Manque à gagner fiscal à court terme engendré par certaines réformes : i/ la réforme de la fiscalité de 2012 s’est traduite par une perte de recettes estimée à 1,2 point de pourcentage du PIB du fait de la suppression de la taxe sur les transactions financières et les plus-values (0,8% du PIB) ainsi que de l’impôt sur la fortune (0,4 % du PIB). ii/ La réforme fiscale de 2018 a également été très critiquée pour avoir entraîné une perte permanente de recettes à hauteur de 0,8% du PIB suite à la baisse de l’impôt sur les sociétés[21]. La loi de finances initiale de 2018 était censée n’avoir aucune incidence sur les recettes à moyen terme avec un élargissement de l’assiette de la TVA. Cependant, cet aspect de la réforme n’a jamais été accepté par le Congrès.

Troisièmement, des biais optimistes en matière de planification ont contribué à nuire à la crédibilité de l’action publique notamment concernant la trajectoire de consolidation budgétaire à moyen terme [22] :

  • Outre la fraude fiscale et les failles du système, les distorsions du régime fiscal ont amputé les recettes potentielles d’au moins un tiers selon l’Agence nationale des impôts et des douanes (DIAN). i/ De nombreux articles ne sont pas assujettis à la TVA (exonérations estimées à 7% du PIB [19]). ii/ Des avantages fiscaux ont été accordés en vue d’encourager l’investissement dans des secteurs prioritaires. iii/ Il existe également des distorsions dans la collecte de l’impôt selon les secteurs et la taille des sociétés (régimes spéciaux préférentiels pour les entreprises). Des augmentations ponctuelles des exonérations (dont des journées sans TVA) sont souvent mises en œuvre pour régler des tensions sociales et des problèmes politiques consécutifs à des hausses des taux d’imposition nominaux [20]. Selon le ministère des Finances, quelque 40% de la collecte potentielle de l’impôt au titre de la TVA et 30 % au titre de l’impôt sur le revenu donnent lieu à de la fraude fiscale.
  • Manque à gagner fiscal à court terme engendré par certaines réformes : i/ la réforme de la fiscalité de 2012 s’est traduite par une perte de recettes estimée à 1,2 point de pourcentage du PIB du fait de la suppression de la taxe sur les transactions financières et les plus-values (0,8% du PIB) ainsi que de l’impôt sur la fortune (0,4 % du PIB). ii/ La réforme fiscale de 2018 a également été très critiquée pour avoir entraîné une perte permanente de recettes à hauteur de 0,8% du PIB suite à la baisse de l’impôt sur les sociétés[21]. La loi de finances initiale de 2018 était censée n’avoir aucune incidence sur les recettes à moyen terme avec un élargissement de l’assiette de la TVA. Cependant, cet aspect de la réforme n’a jamais été accepté par le Congrès.

Troisièmement, des biais optimistes en matière de planification ont contribué à nuire à la crédibilité de l’action publique notamment concernant la trajectoire de consolidation budgétaire à moyen terme [22] :

  • Hypothèses de recettes pétrolières [23]. Comme les comptes publics continuent de dépendre fortement des secteurs pétrolier et minier (graphique 17), les hypothèses relatives à l’évolution des cours des matières premières ont tendance à avoir d’importantes conséquences sur les prévisions de recettes et la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs budgétaires. Selon le FMI, le moyen le plus efficace d’enrayer la hausse de la dette publique aurait été de procéder à des estimations plus conservatrices des recettes pétrolières [24].
  • Capacité à réaliser des gains d’efficacité au sein de l’administration fiscale. Dans ses deux dernières propositions de réforme fiscale, l’administration prévoyait que les recettes générées par une plus grande efficacité dans la collecte de l’impôt représenteraient près de 0,3% du PIB. Ces prévisions se fondaient sur les améliorations apportées au système informatique [25] et à la gouvernance de l’administration fiscale (DIAN), ainsi que sur le renforcement des sanctions pour enrayer la fraude fiscale. Pour l’instant, la Colombie n’a pas de solides antécédents en matière de mise en œuvre de sanctions (sévères) pour évasion fiscale.
  • Hypothèses relatives à la croissance économique. À de rares exceptions près, le cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement a systématiquement tablé sur une croissance supérieure au potentiel depuis 2012 [26]. Et les écarts de projections peuvent avoir des effets conséquents. D’après les estimations du gouvernement, un repli d’un point de pourcentage de la croissance du PIB réel se traduirait par une perte de recettes publiques d’environ 0,4% du PIB.

Compte tenu de la i/ compressibilité limitée des dépenses courantes, ii/ de la nécessité d’engager des dépenses exceptionnelles pour contrecarrer les effets de chocs extérieurs, iii/ de la sous-performance des recettes publiques (due à la baisse des recettes pétrolières, à une croissance insuffisante du PIB ou à des gains d’efficacité non réalisés), les autorités ont parfois été contraintes de réduire les subventions publiques et les dépenses d’infrastructures, ou de recourir à des recettes exceptionnelles afin d’atteindre les objectifs budgétaires à défaut de quoi ces derniers étaient révisées [27]. Les autorités ont ainsi procédé à la vente d’actifs et recouru à des opérations de désinvestissement (par voie de cession de participations dans ISA, société de services aux collectivités, et dans Ecopetrol). Mais, ces types de recettes étant non récurrentes, elles ne représentent pas une solution structurelle pour parvenir à la consolidation des comptes budgétaires, et sont ainsi (typiquement) perçues défavorablement par les agences de notation.

Choc de la Covid-19 : quel coût pour les finances publiques?

La pandémie de Covid-19 a frappé l’Amérique latine de plein fouet. Si les cas étaient peu nombreux aux premiers jours de la crise, le retard a été rapidement comblé, la Colombie totalisant plus de 135?000 décès à la mi-février 2021 (graphique 18). Pour évaluer l’ampleur du choc pandémique pour les finances publiques, nous étudierons tour à tour ci-après la situation budgétaire à l’orée de la crise, les mesures mises en place pour y faire face et l’impact de la crise sur les indicateurs budgétaires.

Situation budgétaire : conditions initiales

Par rapport à la crise financière de 2007-8, la crise de la Covid-19 a frappé la Colombie à un moment où elle était affaiblie sur le plan budgétaire, avec des marges de manœuvre plus réduites et une croissance moins dynamique.

À l’orée de la pandémie, l’économie commençait à retrouver un rythme de croisière plus soutenu (+3,3% en 2019) après des années de croissance anémique dans le sillage du choc pétrolier de 2014-15 (taux moyen sur 5 ans : +2,4% en 2019, contre +5,5% en 2007). L’environnement extérieur était moins favorable : le prix du baril, supérieur à 100 USD en septembre 2007, avoisinait 48 USD en février 2020. La taille moyenne du déficit budgétaire était comparable au cours des 5 années précédant les chocs : 3,6% du PIB (2003-2007) contre 3,1% (2015-2019). En revanche, la dette publique avait été réduite de quelque 12 points de PIB au cours des 5 années précédant la crise financière, à 32 % du PIB en 2007. Elle a, au contraire, augmenté régulièrement entre 2012 et 2019, d’environ 14 points de PIB sur la période, en dépit des plans budgétaires élaborés conformément à la règle budgétaire[28]. Cette évolution reflète pour une large part la «?dynamique mécanique de la dette?» (annexe 4). En effet, d’après les calculs du FMI, elle est imputable à hauteur de 6,5 points de PIB aux composants cycliques (pétrole et production) et à hauteur de 6,5 points également à la dépréciation du taux de change induite par la baisse du cours du pétrole [29]. La trajectoire de la dette publique masque toutefois le fait qu’entre temps, le cadre institutionnel budgétaire s’est renforcé, le coût de la dette est devenu plus abordable, le pays a amélioré sa capacité de résistance aux chocs externes et, plus important encore, un accord de paix avec les FARC a été signé.

Plans de soutien budgétaire et monétaire

Le soutien budgétaire apporté par la Colombie à son économie a été plus important en 2020 que pendant la crise financière de 2007-8. Il reste néanmoins inférieur à celui des autres grandes économies de la zone (graphique 19). Selon le Fiscal Monitor du FMI, les mesures discrétionnaires «?above the line » (hors garanties de crédit) ont représenté environ 4% du PIB, en ligne avec la moyenne observée en Amérique latine (environ 4,5% du PIB)[30]. Afin de déployer les dépenses d’urgence, l’administration a activé une clause dérogatoire permettant de suspendre les règles budgétaires jusqu’à fin 2022 [31].

Les mesures ont ciblé particulièrement le soutien aux personnes les plus vulnérables, à travers des allègements de charges et des aides financières, outre les initiatives prises pour combattre la pandémie (annexe 2)[32]. Un fonds national d’intervention d’urgence (FOME) a été créé pour gérer ces dépenses, mobilisant le fonds de pension national des administrations locales et centrale (FONCET), le fonds d’épargne et de stabilisation alimenté par les redevances pétrolières (FAE) et le budget de l’administration centrale.

Si les mesures initiales de soutien budgétaire s’inscrivaient dans la moyenne observée dans la zone, les autorités ont choisi de prolonger l’aide accordée, tirant parti de la hausse de prix des matières premières [33]. À la différence de nombreuses autres économies émergentes, qui ont mis fin aux aides d’urgence, la Colombie a décidé de poursuivre sa politique de soutien jusqu’à la fin de 2022 «?pour protéger les plus vulnérables et soutenir la reprise?». Au total, en prenant en compte les dépenses supplémentaires, les instruments de financement et les garanties (mesures hors budget) notamment, les mesures budgétaires ont avoisiné les 10 % du PIB (graphique 20).

Impact sur les indicateurs budgétaires

La crise sanitaire a affecté les équilibres budgétaires et la dette publique par le biais de multiples canaux :

  • la diminution des recettes (induite par l’effondrement de l’activité économique, les allègements de charges, la baisse des recettes d’exportation de matières premières)
  • les stabilisateurs automatiques (indemnisation du chômage)
  • les dépenses à caractère social
  • la dépréciation du change (environ un tiers de la dette étant libellée en devises étrangères)
  • la chute brutale du PIB nominal (l’effondrement de la demande a été particulièrement vertigineux en Colombie par rapport aux autres pays de la zone)[34]
  • une campagne de vaccination tardive (rendant nécessaire le maintien des mesures de soutien à l’économie sur des périodes plus longues que dans les économies développées).

En 2020, le déficit budgétaire du gouvernement central a atteint 8,1 % du PIB (contre une projection avant crise de 2,2 %), avec une charge d’intérêt de la dette absorbant quelque 2,5 % du PIB (graphique 21). La loi de finances pour 2021 prévoyait un nouveau creusement du déficit global en 2021 (8,6% du PIB) et un maintien à un niveau encore considérable en 2022 (7%). Les projections de déficit pourraient toutefois être ramenées en deçà de 7% du PIB sur la période, compte tenu d’une croissance du PIB réel plus dynamique qu’attendu en 2021 (10,6% en glissement annuel) et d’un acquis de croissance important en 2022 (5,3 points de pourcentage).

Pour faire face à des besoins de financement inhabituellement élevés (environ 10% du PIB) en 2020-22, les autorités ont eu recours à cinq grandes sources de financement :

  • le fonds d’épargne et de stabilisation (FAE, 1,2% du PIB),
  • le fonds de pension national pour les administrations locales (FONCET)
  • l’émission sur le marché de USD 13 à 16 mds d’emprunts obligataires en moyenne (les banques ont notamment été invitées à acheter USD 2,5 mds « d’obligations solidaires » en 2020)
  • les financements extérieurs (entre USD 10 et 11 mds par an en règle générale auprès de la CAF, de la BIRD, de la BID, y compris certains financements d’urgence du FMI)
  • les privatisations (USD 3,5 mds en 2021 et USD 1,7 mds attendu en 2022) et un «?impôt de solidarité?» créé à titre provisoire [35].

En 2020, la dette de l’administration centrale a augmenté de 13 points de pourcentage (pp) à 59% du PIB (+13 pp également pour la dette des administrations publiques et +15 pp pour la dette du secteur public non financier à 71% du PIB). Le fardeau de la dette a ainsi augmenté en 2020 pratiquement d’un même montant qu’au cours des huit années précédentes, la dette doublant pratiquement en pourcentage du PIB depuis l’instauration de la règle budgétaire en 2011. L’augmentation du fardeau de la dette se situe à un niveau supérieur à la moyenne latino-américaine (+10 pp). Elle est comparable avec la moyenne mondiale (+13 pp), mais inférieure à celle des économies avancées (+16 pp) [36]. À l’instar de nombreux autres pays, la prolongation des garanties a par ailleurs accru les obligations contingentes (contingent liabilities) à hauteur de 2,6% du PIB [37].

Post choc Covid-19 : trajectoire possible des indicateurs de la dette

L’évolution du ratio de dette sur PIB d’un pays dépend essentiellement des trajectoires futures du solde primaire, des taux d’intérêt, du taux de change et des perspectives de croissance (annexe 4). Surtout il repose, dans une large mesure, sur l’interaction entre les taux d’intérêt et la croissance :

  • si l’économie croît à un rythme supérieur au taux d’intérêt moyen de la dette publique, il est possible de stabiliser, voire de réduire, la dette publique en pourcentage du PIB, même avec un déficit primaire. Par conséquent, « des taux d’intérêt faibles peuvent autoriser une expansion soutenable de la position budgétaire » [38].
  • si le taux d’intérêt moyen de la dette publique excède le taux de croissance de l’économie, un excédent primaire est indispensable (dont la taille peut être calculée) pour stabiliser le ratio de dette publique, faute de quoi elle continuera mécaniquement d’augmenter.

Dans la première sous-section, nous passons en revue les déterminants sous-jacents du ratio de dette publique au regard du contexte social du pays, des événements politiques des dernières années et des effets de la pandémie de Covid-19. Cela nous donnera une idée de leur évolution probable.

Dans la deuxième sous-section, nous tirons parti des enseignements de la section précédente pour élaborer les hypothèses macroéconomiques à partir desquelles nous pourrons établir un scénario de base concernant la trajectoire de la dette publique. À partir de ce scénario de base, et des chocs susceptibles de le contrarier, nous pouvons établir une comparaison par rapport aux projections officielles (telles qu’elles ressortent du cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement.)

Evaluation des déterminants du ratio d’endettement public à l’ère post-Covid -19

Déterminant n° 1 – Un solde primaire vraisemblablement en déficit pour les 5 prochaines années.

De la même manière que la Constitution de 1991 a conduit à une forte augmentation des dépenses [39], les autorités devront composer au cours des prochaines années avec des pressions budgétaires importantes qui devraient maintenir le solde primaire en situation de déficit à moyen terme.

L’administration a choisi de continuer de soutenir l’économie et la population vulnérable jusqu’à la fin de l’année 2022 sous la forme de dépenses de santé, de transferts aux ménages, de mesures de soutien aux entreprises et d’investissements (tableau 1).

Les pressions exercées pour une augmentation des dépenses sociales persisteront :

  • l’accord de paix signé en 2016 avec le FARC a déplacé une partie des préoccupations de la population de la sphère sécuritaire à la sphère sociale. Des questions de société se sont ainsi imposées plus vigoureusement au sein du débat public et de progressivement modifier la structure du paysage politique (annexe 3).
  • la Colombie a connu une progression plus lente de ses indicateurs sociaux au cours des dernières années. Même si dans l’ensemble, le progrès social s’est poursuivi ces 15 dernières années, en observe en Colombie, comme dans de nombreux pays de la zone, un ralentissement des indicateurs de progrès social depuis la fin du supercycle des matières premières [40]. Le niveau de pauvreté atteint un niveau élevé pour un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Depuis quelques années, près d’un tiers de la population vit avec moins de 5,50 dollars US par jour (seuil de pauvreté) et près de 2 millions de Colombiens sont en situation d’extrême pauvreté, un phénomène encore accentué par la pandémie de Covid-19 (graphique 22) du fait notamment de ses effets sur le marché du travail [41].

La Colombie figure parmi les pays du monde où les inégalités de revenu sont les plus marquées (1% de la population concentre 20% du revenu total) et arrive au quatrième rang en Amérique Latine. De nombreux facteurs perpétuent ces inégalités qui se sont encore creusées à l’échelle du pays dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 [42](graphique 23) : (a) la forte concentration de la propriété foncière, (b) un taux de chômage structurellement élevé (près de 10 % au cours des 10 dernières années), (c) une proportion élevée d’emplois informels (avec un niveau de protection sociale limité, une faible couverture retraite et une probabilité plus élevée de basculer dans la pauvreté en cas de perte d’emploi), (d) la prédominance des universités privées au sein de l’enseignement supérieur (plus de 70%, avec des coûts d’accès jugés prohibitifs par une grande partie de la population) et (e) une industrie minière à forte intensité capitalistique (même si le secteur est source de croissance et de revenu pour l’économie, il ne crée cependant pas beaucoup d’emplois et n’est typiquement pas un vecteur de mobilité sociale) [43].

Ainsi, une conscience sociale plus forte conjuguée à une progression plus lente des indicateurs sociaux ont engendré ces dernières années une multiplication des mouvements sociaux revendiquant une meilleure protection sociale, la réduction des inégalités et l’amélioration de l’accès à l’emploi (encadré 2). Certains observateurs estiment que l’absence de mesures d’atténuation de la crise sur la distribution des revenus, conjuguée aux effets de la pandémie sur les plus vulnérables, pourrait à terme alimenter davantage les troubles sociaux, et entretenir un cercle vicieux (la baisse de la croissance induit un creusement des inégalités qui entraîne des troubles sociaux puis une baisse de la croissance, etc. [44]). Chercher à éviter ce piège serait en soi une incitation suffisante au maintien des mesures de soutien en place et à l’augmentation des dépenses pour la santé et l’éducation, aujourd’hui parmi les plus faibles de la zone (graphique 25).

Des pressions croissantes sur d’autres postes de dépenses sont également susceptibles d’apparaître au cours des prochaines années, y compris :

des coûts d’intégration de migrants (les pressions migratoires pourraient subsister, au vu de l’aggravation de la crise socio-économique au Venezuela et des effets du changement climatique)
des coûts liés à la mise en œuvre de l’accord de paix de 2016 (tant que les parties prenantes au niveau local que la communauté internationale continueront de militer pour une meilleure mise en œuvre de l’accord),
du contrôle du trafic de stupéfiants et de la lutte contre le crime organisé (une des nombreuses conséquences de la pandémie de Covid-19 a été l’augmentation de la consommation de stupéfiants et du crime organisé?; dans le même temps, la hausse de la pauvreté et le creusement des inégalités ont également favorisé les recrutements au sein de réseaux criminels)[45],
des coûts de la transition énergétique (dans le cadre de la COP26, la Colombie s’est engagée à réduire ses émissions de 50 % d’ici 2030) et des pressions sur les dépenses induites par la transition démographique (le profil démographique du pays exigera des modifications majeures des systèmes de retraite et de santé au cours des prochaines années).

Déterminant n° 2 - Taux d’intérêt : la tendance est à la hausse

Les finances publiques vont devoir composer à l’avenir avec la hausse des taux d’intérêt :

  • l’augmentation de l’inflation tire progressivement les taux courts à la hausse. Pendant la pandémie, la banque centrale de la Colombie (BanRep) a abaissé son taux directeur à un plus bas historique. Cependant, comme dans de nombreux pays émergents, l’inflation a repris une tendance haussière (graphique 26) induite par les cours élevés des matières premières, les perturbations sur les chaînes d’approvisionnements au niveau mondial, les effets retardés de la dépréciation de la monnaie et le fort rebond de la consommation [46]. En Colombie, en plus de ces facteurs, un mouvement national de protestation, en mai et juin 2021, a entraîné une augmentation du prix des denrées alimentaires, l’agitation ayant affecté les circuits de distribution des produits de première nécessité. À ce stade, la BanRep a été l’une des dernières grandes banques centrales d’Amérique latine à initier son cycle de normalisation monétaire (graphique 27). Mais tous les facteurs militent pour un resserrement plus rapide des taux d’intérêt en 2022, autant pour des raisons intérieures qu’extérieures (la normalisation de la politique monétaire au sein de certaines économies avancées pourrait affecter les rendements obligataires, les flux de capitaux et la valorisation de la dette des pays émergents).
  • les incertitudes entourant l’action publique affectent la partie longue de la courbe des taux. Les pressions sociopolitiques (hausse des mouvements sociaux) et les préoccupations plus importantes des investisseurs relatives aux risques budgétaires et politiques (en partie liés aux élections) ont contribué à alimenter les anticipations d’inflation, à écarter les primes de risque et, par voie de conséquence, à induire une hausse des coûts d’emprunt. Résultat, les rendements d’État à dix ans ont déjà augmenté de 300 points de base par rapport à la fin de l’année 2020. Des mesures monétaires de contrôle des taux longs, comme la mise en place d’un programme de rachat de la dette publique sur le marché secondaire paraissent peu probables. Même si la banque centrale a été autorisée pendant la crise de Covid-19 à mettre en place des mesures d’assouplissement quantitatif, elle en a fait usage avec parcimonie et dans un contexte d’urgence. À l’avenir, il est plus probable que la BanRep continue de se concentrer avant tout sur les anticipations d’inflation et la taille de l’output gap pour orienter sa politique monétaire.
  • à la suite du choc du Covid-19, l’économie va devoir s’adapter à un nouvel équilibre macroéconomique qui devrait se traduire par la hausse des taux d’intérêt réels. Une conséquence importante du choc de la Covid-19 a été d’induire une expansion des déficits jumeaux (en particulier en 2021 avec un déficit du compte courant à -5,7% du PIB). L’ajustement de ces déséquilibres macroéconomiques va exiger soit une politique budgétaire moins expansionniste (i.e. accélération du processus de consolidation budgétaire), soit un ajustement plus rapide de la politique monétaire. Celle-ci est depuis la crise toujours en territoire expansionniste (le taux directeur réel s'établissait à environ -3% en février 2021, bien en deçà du taux neutre (d'équilibre) estimé à 1,5% [47]). Compte tenu du l'orientation actuelle de la politique budgétaire et de la convergence probable de l'épargne privée vers sa moyenne historique (17% du PIB avant la pandémie contre 20 % du PIB actuellement), la BanRep devra procéder à une augmentation de ses taux à des niveaux plus proches du taux neutre si elle souhaite réduire les déséquilibres extérieurs [48].

Déterminant n° 3 - Taux de change : une appréciation nominale anticipée à moyen terme.

Historiquement, le taux de change (USDCOP) a eu tendance à afficher une relation étroite avec le prix du pétrole (graphique 4) ainsi qu’avec le dollar en taux pondéré par le commerce extérieur (USTWI)[49]. Ainsi, avec le retournement du super-cycle des matières premières, le peso a perdu environ 40% de sa valeur contre le dollar entre juillet 2014 et mars 2015. Depuis, il a continué sur une tendance baissière, et ce malgré la signature des accords de paix en 2016 (graphique 28). À noter que depuis la crise de la Covid-19, le taux de change effectif réel (et nominal) affiche un découplage plus important par rapport aux prix du pétrole. Pour faire état de cette plus grande divergence, plusieurs explications ont été avancées : hausse des risques politiques internes (manifestations sociales, changements au sein du paysage politique), perception dégradée du risque souverain par les marchés (écartements des spreads CDS), dégradation des équilibres extérieurs et resserrement plus lent (par rapport aux pairs régionaux) de la politique monétaire.

Une réorientation de la politique de change actuelle de la BanRep paraît peu probable à moyen terme. Elle n’est, du moins, pas anticipée dans le cadre de nos simulations. Historiquement, la Colombie est passée d’un régime de change à parité glissante (crawling peg, à partir des années 1960) à un régime de change flottant en 1999. Le flottement de la monnaie s’est en réalité avéré davantage administré (managed float) que pur (pure float). En accord avec son mandat de contrôle de l’inflation et de maintien de la stabilité financière, la BanRep intervient en effet de manière discrétionnaire ou programmée sur le marché des changes dans le but de satisfaire trois principaux objectifs: 1/ accumuler des réserves de change 2/ freiner une volatilité excessive de la monnaie (atténuer les problèmes de liquidité sur le marché) 3/ corriger les déséquilibres importants du taux de change [50]. Ainsi, si la BanRep peut être amenée à contrer une appréciation ou une dépréciation excessive de la monnaie sans pour autant avoir un objectif explicite concernant le niveau du taux de change nominal ou réel. Pour les simulations, nous supposons une tendance à l’appréciation du taux de change nominal. En effet, la plupart des fair value models mobilisés pour estimer le taux de change d’équilibre – qu’ils soient basés sur les prix (comme ceux basés sur la théorie de la parité du pouvoir d’achat ou PPA) ou sur les fondamentaux (behavioral equilibrium exchange rate ou BEER) – font état d’une sous-évaluation chronique du peso contre le dollar au cours des dernières années. Nous formulons donc l’hypothèse que ce déséquilibre sera amené à se résorber sur un horizon de moyen à long terme.

Déterminant n° 4 – Une croissance potentielle affaiblie par la pandémie de Covid-19

Pour son développement économique, la Colombie s’est davantage appuyée sur l’accumulation des facteurs de production plutôt que sur les gains de productivité. Entre 2003 et 2012, cette accumulation a expliqué 4 points de pourcentage de croissance du PIB contre 0,5 point pour la productivité globale des facteurs (PGF) [51]. Ces dernières années, toutefois, la contribution de la PGF à la croissance du PIB est devenue négative (graphique 29). Au fil du temps, des facteurs démographiques impliquent que la contribution du travail à la croissance devrait aller en diminuant.

Des obstacles structurels ont limité les gains de productivité et expliquent la faible contribution de la PGF à la croissance dans le temps. Parmi ceux-ci : un taux élevé de travail informel, des barrières au commerce international (en particulier des barrières non tarifaires et la lenteur des procédures douanières), un déficit d’infrastructures considérable (graphique 30), l’inadéquation des compétences avec le marché du travail, une réglementation lourde, un manque d’innovation (faible effort de recherche et de développement), etc. Ces facteurs structurels sont autant de freins à la croissance potentielle.

Depuis plusieurs années, la croissance potentielle pâtit des effets de chocs spécifiques dont il est difficile de déterminer s’ils sont transitoires ou non :

  • le choc des termes de l’échange de 2014-15 : la baisse des revenus du pétrole a pesé sur la croissance potentielle via l’affaiblissement de l’accumulation de capital.
  • le choc sanitaire de 2020. La pandémie de Covid-19 a entraîné une perte permanente du niveau de production potentielle (potential output) liée i/ à la perte de capital humain (du fait de la fermeture prolongée des écoles) et ii/ du lent retour des femmes au sein de la population active (produit du déséquilibre entre les sexes dans la prise en charge des tâches ménagères et la garde des enfants.[52]) Si l’on compare les prévisions de croissance de moyen terme du FMI à horizon 2026 avant et après la pandémie (2019 vs. 2021), on remarque une baisse de 0,25 point de pourcentage de la projection (celle-ci s’établissant à 3,5%, soit un niveau à peu près en ligne avec les projections officielles de croissance potentielle (3,3%)). Ces estimations sont moins dégradées qu’attendu. En effet, elles tiennent compte du choc d’offre positif sur le facteur travail résultant de l’afflux de migrants vénézuéliens [53] depuis 2018-19 (le choc devrait partiellement compenser les effets défavorables sur l’accumulation de capital et de travail liés respectivement à la pandémie et la transition démographique). Pour l’essentiel, les estimations de croissance potentielle oscillent dans une fourchette de 2,5 à 3,5%[17] (graphique 31).

Simulations : risques sur la dette publique

Dans cette section, nous envisageons des hypothèses alternatives à celles énoncées dans le cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement (medium-term fiscal framework, MTFF). Nous traduisons une partie des éléments mentionnés dans la section précédente sous forme chiffrée afin d’évaluer quelques évolutions possibles de la dynamique de la dette publique.

Benchmark : le scénario MTFF

En juin 2021, les autorités colombienne ont procédé à d’importantes révisions du cadre budgétaire à moyen terme (MTFF), anticipant des déficits budgétaires considérablement plus élevés des administrations publiques par rapport aux MTFF précédents. Ces ajustement proviennent en partie du fait que les objectifs de déficit paraissaient inatteignables en raison des effets de la pandémie[54]. Les modifications vont beaucoup plus loin. Les points importants sont résumés dans l’encadré 3, le tableau 2, et les graphiques 32 et 33.

Selon le MTFF, le ratio de dette publique culminerait à près de 70% du PIB en 2022-23 et porterait le niveau de dette à environ 60% du PIB en 2032. Toutefois, afin de se conformer pleinement à la règle budgétaire, le gouvernement prévoit, qu’en plus des recettes fiscales de 1,2% du PIB (anticipés dans le cadre de la réforme fiscale de 2021), les administrations publiques devront procéder à un ajustement budgétaire supplémentaire à hauteur de 0,6% du PIB notamment sur la période 2023-26 (l’ajustement serait plus faible par la suite.) Ainsi un nouvel ensemble de réformes devrait être nécessaire à court terme.

Scénario de base et scénarios alternatifs

À la lumière des éléments discutés précédemment, nous présentons dans les notes du tableau 3 les hypothèses macroéconomiques de notre scénario de base pour chaque déterminant du ratio de dette publique. À noter que nous avons pris en compte les nouvelles données macroéconomiques publiées depuis la présentation du MTFF en juin 2021. Le rebond du PIB a été par exemple beaucoup plus fort qu’anticipé dans le MTFF, tandis que la dépréciation monétaire a été dans le même temps relativement contenue. Nous évaluons en outre des trajectoires alternatives du ratio de dette publique en soumettant le scénario de base à plusieurs chocs :

  • Choc du solde primaire : nous envisageons dans ce scénario des déficits primaires plus importants dans le temps. Plusieurs événements pourraient donner vie à ce scénario : des prix du pétrole moins favorables, des besoins de dépenses plus importants sur le plan social, une croissance plus décevante dans le temps ou un manque à gagner sur le plan des réformes (e.g. réformes fiscales édulcorées par le Congrès). Dans ce scénario, le solde primaire subit un choc supplémentaire de 0,8% du PIB par rapport au scénario de base, et ce sur l’ensemble de la période de projection (le choc représente la moitié d’un écart-type de la balance primaire au cours de la période 2010-20).
  • Choc de taux d’intérêt : nous prenons en compte dans ce scénario une dynamique d’inflation plus forte et des conditions de financement extérieures durcies. Par rapport au scénario de base, nous appliquons ainsi sur la période de projection un choc de 100 points de base aux taux d’intérêt locaux et de 50 points de base aux coûts d’emprunt étrangers (les chocs sont à peu près équivalent à environ un écart-type, lorsque l’on considère les taux historiques sur le plan local et étranger, au cours des dix dernières années).
  • Choc de croissance : dans ce scénario, nous appliquons pendant une période de deux ans (2024-25) un choc d’un écart-type (3,5 points de pourcentage sur la période 2010-2020) aux taux de croissance du scénario de base. Cela implique une légère récession au cours des deux années.
  • Choc de taux de change : nous anticipons dans le scénario de base des gains progressifs de la monnaie par rapport au dollar (hypothèse de retour à l’équilibre à moyen terme alors que la monnaie est sous-évaluée depuis plusieurs années.) Pour contrebalancer nos hypothèses plutôt optimistes sur le change par rapport aux projections officielles, nous introduisons dans ce scénario deux chocs dépréciatifs (un sévère et l’autre modéré) sur la monnaie contre le dollar. D’abord, nous supposons en 2025 une dépréciation nominale du peso contre le dollar d’une ampleur similaire à celle observée en 2015 (36%) à la suite du retournement du super-cycle des matières premières. Un épisode plus modéré est ensuite introduit en 2028 (correspondant à l’équivalent d’un écart-type sur la période 2010-2020).

En dépit de l’utilisation d’hypothèses plus conservatrices (afin d’atténuer le biais optimiste évoqué plus haut dans le texte) concernant notamment le PIB réel et le solde primaire, nous voyons dans le tableau 3 que dans le scénario de base, le ratio dette/PIB culmine à peu près à 67% en 2023-24, soit en deçà des projections officielles. Cette évolution plus favorable tient en partie à la forte reprise économique observée en 2021, laquelle a permis de stabiliser le ratio de dette beaucoup plus tôt que prévu. En revanche, sur la seconde moitié de l’horizon de projection les hypothèses du scénario de base pèsent plus lourdement sur la dynamique de dette. En effet, le ratio de dette diminue moins rapidement que dans les projections officielles.

De manière générale, toutefois, nous remarquons que malgré des hypothèses dans l’ensemble plus pessimistes, la dégradation reste, somme toute, assez modeste. Cela s’explique en partie par le fait que les « composantes automatiques » de la dynamique de dette (appendice 4) ont tendance à jouer favorablement tout au long de l’horizon de projection (tendance à l’appréciation du taux de change nominal, et différentiel croissance/taux d’intérêt favorable). De plus, nous voyons dans le tableau 4 que les conditions nécessaires pour stabiliser le ratio de dette (en termes d’ajustement du déficit primaire) semblent dans l’ensemble à portée de main, réduisant ainsi les inquiétudes par rapport à la soutenabilité de la dette publique. Concernant l’effet des chocs (graphique 34), on constate que la trajectoire de la dette publique est très sensible au choc du taux de change, en raison de la part relativement importante de la dette libellée en devises. À l’exception des chocs de change, la dette à tendance à se stabiliser en moyenne de 5 à 10 points de pourcentage au-dessus des projections officielles. Ainsi, bien que l’exercice de projection à long terme soit sujet à d’importantes incertitudes, nous constatons que même dans des situations de scénarios moins favorables, la dégradation du ratio de dette reste dans l’ensemble contenue. En définitive, les risques sur la dette colombienne tiennent moins à son niveau mais plutôt à certains aspects de son profil (part de la dette en devises, détention de la dette par des non-résidents dans un contexte où les besoins de financement externes sont plutôt importants).

Conclusion : faut-il s’inquiéter ?

Notre analyse[1] a montré que la réalisation des objectifs de consolidation budgétaire à moyen terme pourraient s’avérer difficiles. Compte tenu de ce diagnostic, y a-t-il lieu de se préoccuper de la trajectoire des finances publiques en Colombie??

La situation est loin d’être critique et la Colombie est en bonne capacité de soutenir sa dette. Elle fait face à une charge d’intérêts et à un coût du service de la dette relativement stables et raisonnables alors que le différentiel taux d’intérêt/croissance a tendance à lui être globalement favorable. En outre, la Colombie présente des risques haussiers plus importants que ses pairs (au niveau régional) en matière de croissance potentielle et de maintien des taux bas. Le ratio de la dette publique a considérablement augmenté et il faudra du temps pour renouer avec les ratios d’endettement de l’avant pandémie.

Mais une gestion active de la dette et le renforcement de la position extérieure nette du pays ont permis de réduire l’exposition aux risques de taux, de change et de refinancement. Les risques à moyen terme sont par ailleurs limités par la faiblesse des obligations contingentes (lesquelles sont typiquement bien identifiées et font l’objet de provisions) ainsi qu’un cadre institutionnel robuste qui comprend notamment un certain nombre de garde-fous (pas de monétisation de la dette publique) – facteurs qui devraient à terme permettre de maintenir les dépenses et la dette publique à des niveaux soutenables. L’effet de la volatilité des cours des matières premières sur les comptes publics est aussi atténué en partie par la règle budgétaire, laquelle devrait être encore renforcée.[2]

Cependant, l’on dénombre trois vecteurs de risque qui pourraient – s’ils ne font pas l’objet d’une attention particulière – accentuer les inquiétudes pesant sur les finances publiques :

  • si aucun effort n’est déployé pour rétablir la crédibilité de l’action publique sur le plan budgétaire en procédant notamment à une révision des objectifs de moyen terme sur la base d’hypothèses macroéconomiques plus conservatrices.
  • si les gouvernements futurs sont incapables de générer des sources nouvelles et pérennes de revenus, auquel cas un risque de dérapage budgétaire pourrait se matérialiser (si les recettes et la croissance enregistrent des performances décevantes ou si les futurs gouvernements n’adhèrent pas au plan budgétaire actuel, un scénario fort envisageable au vu des mutations structurelles à l’œuvre au sein du paysage politique (appendice 3)).
  • si peu d’efforts sont faits pour combler le fossé entre les attentes sociales et la réalité (social expectation gap).

Si elle ne s’emploie pas à relever ces défis, la Colombie pourrait peiner à apaiser les agences de notation et à renforcer la confiance des investisseurs. Cela pourrait à terme compromettre sa capacité à conserver un accès au marché à des conditions favorables.

Pour répondre aux aspirations du MTFF, à savoir favoriser un cercle vertueux entre le social, l’économique et le budgétaire, la priorité pour la Colombie devrait être de se focaliser sur l’amélioration du pacte social existant et le renforcement des mécanismes de dialogue social. Des économistes du FMI font remarquer qu’au lendemain de la pandémie, entre l’augmentation de la pauvreté et la défiance croissante à l’égard des institutions dirigeantes, les pays susceptibles d’arborer les meilleures perspectives (tant sur le plan la croissance que de la capacité à réformer) seront ceux les plus à même de se retrouver autour d’un pacte budgétaire – produit d’un large consensus social et d’une forte cohésion politique autour de questions essentielles touchant aux finances publiques.[3]

Une telle feuille de route permettrait, dans le cas de la Colombie, de contrer en partie les trois vecteurs de risque susmentionnés. Le FMI souligne la nécessité de renforcer le dialogue social pour discuter « des mesures à mettre en place pour élargir les filets de sécurité sociale […] », adresser la question de « leur financement, afin d’évaluer les préférences de la société aussi bien sur le plan fiscal que sur celui des dépenses. Ce dialogue public devrait servir de fondement aux processus législatifs qui auront lieu au cours des deux prochaines années – lesquels se porteront sur la révision des systèmes de retraite, de santé et d’éducation et la réforme des cadres budgétaires destinés à les soutenir ». Les auteurs du rapport soulignent par ailleurs l’importance d’améliorer l’efficacité et la flexibilité des cadres de responsabilité budgétaires : « l’adoption formelle de cibles budgétaires, la mise en place ou le renforcement des organismes de supervision de la politique budgétaire, et le perfectionnement des stratégies de communication amélioreront l’efficacité de l’action publique et réduiront les risques budgétaires – permettant en retour le maintien des taux d’intérêt à des niveaux bas et l’élargissement des marges de manœuvre budgétaires ». À cet égard, la modification récente de la règle budgétaire représente un pas dans le bon sens. Un calibrage plus conservateur des plans budgétaires à moyen terme et la création (comme le préconise l’OCDE) d’un organisme indépendant de contrôle (independent fiscal council), chargé de prévoir et chiffrer l’impact des mesures de politique budgétaire à des horizons proches et lointains ne feraient que renforcer la crédibilité de l’action publique.

Achevé de rédiger le 16 février 2022

1 S&P (mai 2021) et Fitch (juillet 2021) ont dégradé la note de la Colombie de BBBà BB+. Moody’s a maintenu sa notation inchangée (à Baa2 depuis 2014) lors de la révision du mois de juillet. Cependant, pour conserver un statut global d’« investment grade », il faut obtenir deux notes « investment grade » de la part des trois principales agences de notation.

2 FMI (2021), Article IV : Colombia

3 De nombreuses institutions internationales, dont le FMI, la Banque mondiale, la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes), ont mis en garde contre un resserrement budgétaire prématuré susceptible, dans certains cas, d’aller à l’encontre de l’objectif recherché s’il aboutit à une fragilisation du processus de redressement et à une diminution de la croissance et de l’investissement, ce qui peut en fin de compte compromettre les perspectives d’assainissement des finances publiques et réduire la marge de manœuvre budgétaire.

4 Dans le cadre de ces exercices, les indicateurs de performance d’un emprunteur souverain (en particulier, le PIB par habitant, le déficit budgétaire, le ratio dette sur PIB, et la volatilité de la croissance économique) sont évalués par rapport à ceux d’un emprunteur souverain « type » (médian) dans une catégorie de notation donnée. Les exercices de benchmarking de ce type sont souvent utilisés au sein des agences pour justifier des décisions de notation (révision de la perspective ou modification complète de la notation).

5 CNUCED (2011), Rapport sur le commerce et le développement

6 Équilibre budgétaire structurel = déficit budgétaire global corrigé des effets du cycle conjoncturel + ajustement pour tenir compte d’autres facteurs temporaires au-delà du cycle (ex : aides en cas de catastrophe, choc des produits de base poussant temporairement à la hausse ou à la baisse les recettes générées par les ressources naturelles). Cela permet de distinguer entre les effets permanents et temporaires sur le solde budgétaire pour évaluer l’orientation à moyen terme de la politique budgétaire (cf. Hageman, M. R. P. (1999). The Structural Budget Balance. The FMI’s Methodology. Fonds monétaire international.

7 La Colombie obtient régulièrement les meilleurs résultats de la région dans l’indice OURdata de l’OCDE – qui mesure la disponibilité des données publiques, leur accessibilité et dans quelle mesure elles sont disponibles dans des formats ouverts, gratuits et accessibles. OCDE (2020). Panorama des administrations publiques. Rapport par pays : Colombie.

8 FMI (2014). Article IV : Colombie. Il convient de noter que «le pays a épargné environ 90 % des gains réalisés grâce à la hausse des produits de base, soit la part la plus élevée de la région».

9 Vergne, C. (2015), Colombie : l’enjeu des réformes structurelles et du processus de paix. Agence française de développement.

10 Service de recherche du Parlement européen (2021), Democratic institutions and prosperity: the benefits of open society. Briefing, re-thinking democracy.

11 OCDE, (2019), Production Transformation Policy Review of Columbia: Unleashing productivity. Centre de développement de l’OCDE. Le dernier plan de développement national, présenté par le président Duque en 2019, a été doté de USD 325 mds avec priorité à l’éducation, à l’emploi, à l’entrepreneuriat et à l’environnement.

12 Les contrôles de change étaient en place depuis les années 1930. Cependant, certaines restrictions ont été maintenues. La Colombie a ainsi conservé une restriction de change découlant du régime spécial du secteur des hydrocarbures aux termes duquel des succursales de sociétés étrangères opérant dans ce secteur doivent renoncer à leurs recettes à l’exportation ou accepter les limites imposées par le gouvernement pour l’accès aux devises.

13 La Colombie a constitué un comité de stabilité financière pour coordonner l’action de ses trois principaux organes de supervision (le ministère des Finances, la Superintendance financière de la Colombie (SFC), qui supervise les institutions financières, et la Banque centrale). La SFC exerce ses fonctions de supervision sans ingérence politique.

14 D’après des estimations du FMI, les coûts budgétaires liés aux flux migratoires se sont élevés à quelque 0,5% du PIB en 2019.

15 OCDE (2013), Étude économique de la Colombie.

16 Lozano I. (2001), Colombia’s public finance in the 1990s: a decade of reforms, fiscal imbalance, and debt. Sous-direction des études économiques, Banque centrale de Colombie.

17 Les travailleurs informels se définissent comme ceux qui ne cotisent pas à la sécurité sociale. Le taux d’informalité a néanmoins baissé par rapport à 2007 (70%).

18 Un salaire minimum élevé et des coûts de main-d’œuvre onéreux (hors salaires) sont considérés comme d’importants facteurs de coûts contribuant à réduire l’emploi dans le secteur formel. Comme le fait remarquer l’OCDE (2019) : « À 87 % du salaire médian des salariés à plein temps du secteur formel, le salaire minimum est supérieur en termes relatifs à celui de n’importe quel autre pays membre de l’OCDE». Pour une étude des facteurs d’informalité et des barrières à la régularisation des emplois, cf. OCDE (2019), Étude économique de la Colombie.

19 Klein Felipe (2021), Colombia: a cloudy fiscal horizon, BNP Paribas Global Markets.

20 Salazar N. (2013), Political economy of tax reforms: The case of Colombia. Woodrow Wilson Center Update on the Americas. Washington, DC, United States: Wilson Center, Latin America Program.

21 Il convient de noter qu’en 2021, de nombreuses baisses de l’impôt sur les sociétés, votées en 2018, ont été annulées tout au moins temporairement (cf. annexe 1)

22 D’après Hudson B., Hunte, D., & Peckham S. (2019), Policy failure and the policy-implementation gap: can policy support programs help? Policy design and practice, 2(1), 1-14. Des anticipations trop optimistes représentent l’un des aléas expliquant l’écart entre la conception et la mise en œuvre de l’action publique.

23 L’administration centrale dépend de deux sources de recettes pétrolières : les dividendes versés par Ecopetrol et les impôts acquittés par les compagnies pétrolières. Les redevances des compagnies pétrolières reviennent, par ailleurs, aux administrations régionales. Les recettes fiscales à l’exportation constituent également une forme de recettes indirectes dans la mesure où plus de 40 % des exportations portent sur les produits pétroliers. Voir les rapports EIFI pour une ventilation des sources de recettes émanant de l’industrie extractive.

24 Des approches plus conservatrices pour déterminer le niveau structurel des prix pétroliers (par exemple, en retranchant un écart-type des estimations de prix à long terme) auraient conduit à une accumulation inférieure de la dette de 3,5 % du PIB. Des estimations différentes de l’«output gap» auraient également eu un impact, quoique moins important, sur l’accumulation de la dette. FMI (2021), Article IV : Colombie.

25 Par exemple, en recourant plus largement à la facturation électronique.

26 Klein F. and Maia L. (2021), The looming downgrade, BNP Paribas Global Markets - en référençant une étude de la Banque interaméricaine de développement notent qu’à l’exception de 2013, la croissance s’est située bien en deçà des projections de croissance potentielle estimées dans chacun des Cadres Budgétaires à Moyen Terme (MTFF) entre 2012 et 2018.

27 D’après Fitch, des recettes exceptionnelles ont été utilisées pour atteindre les cibles de déficit des administrations centrales en 2017 (-3,6 % du PIB), en 2018 (-3,1 % du PIB) et en 2019 (-2,5 % du PIB) 28 Mauricio Cardenas, Luca Antonio Rocco, Jorge Roldos et Alejandro Werner (2021), Fiscal Policy Challenges for Latin America During the Next Stages of the Pandemic: The Need for a Fiscal Pact. Document de travail du FMI WP/21//77, mars 2021.

29 FMI (2021).

30 Mauricio Cardenas, Luca Antonio Rocco, Jorge Roldos et Alejandro Werner (2021), Fiscal Policy Challenges for Latin America During the Next Stages of the Pandemic: The Need for a Fiscal Pact. Document de travail du FMI WP/21//77, mars 2021.

31 En application de la clause, quand l’écart de production est négatif et le taux de croissance réel attendu est inférieur d’au moins 2 points de pourcentage au taux d’intérêt à long terme (estimé par l’administration à entre 4,3 % et 4,8 %), un programme contra-cyclique de dépenses peut être lancé. Ces dépenses contracycliques doivent être progressivement éliminées une fois le taux de croissance de l’économie redevenu égal ou supérieur à son niveau à long terme pendant deux ans.

32 Pour une discussion empirique de l’impact des mesures budgétaires et monétaires (cf. FMI (2021), article IV : Colombie).

33 Selon des calculs de l’IFI, une augmentation de 10 % des cours des matières premières augmente les recettes budgétaires à hauteur de ~0,25 % du PIB. IFI (2021), The Fiscal Challenge, Latam view (août 2021).

34 Banque mondiale (2021), Recovering growth: Rebuilding Dynamic Post-COVID-19 Economies Amidst Fiscal Constraints. rapport semestriel d’octobre 2021 de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes.

35 À partir du milieu du mois d’avril 2020 et pendant 4 mois, les fonctionnaires ont contribué au financement des mesures Covid-19 à hauteur de 10 % de leur salaire mensuel pour ceux gagnant entre COP 10 et 15 millions (entre USD 2500 et 3700) et 15 % pour ceux gagnant plus de COP 15 millions. Les fonctionnaires gagnant moins de COP 10 millions ont été invités à effectuer des contributions volontaires.

36 Kose, M. A., Ohnsorge, F. et Sugawara, N. (2021), A mountain of debt: Navigating the legacy of the pandemic. Document de recherche n° WPS 9800, Covid-19 (Coronavirus) Washington, D.C. : Groupe de la Banque mondiale.

37 Selon les données de juillet 2021 de la base de données du Fiscal Monitor du FMI sur les mesures budgétaires prises par les pays en réaction à la pandémie de Covid-19.

38 CNUCED (2011).

39 Salazar, N. (2013), « La Constitution de 1991 a accordé non seulement d’importants droits fondamentaux mais aussi des garanties économiques et sociales dans le cadre de son état de droit social, ainsi que la création de mécanismes pour garantir et protéger ces droits. Ces garanties se sont traduites par un élargissement du secteur public et une croissance significative des dépenses publiques […] L’augmentation des dépenses liées à la Constitution s’est accompagnée d’autres pressions sur les dépenses, en particulier celles liées au déséquilibre financier du système de retraite et à l’augmentation des demandes de ressources émanant du secteur de la défense ».

40 CEPAL (2021), Panorama Social da América Latina 2020.

41 Quelque 5 millions d’emplois ont été temporairement affectés par le choc, la plupart dans le secteur informel, et le chômage a approché 20 % au plus fort de la pandémie. Comme dans beaucoup d’autres pays LA5 (Brésil, Mexique, Pérou, Argentine), les femmes, les jeunes et les ouvriers peu qualifiés ont supporté l’essentiel de l’ajustement du marché du travail, mais la Colombie, par rapport aux autres pays LA5, a subi une hausse du chômage plus importante ramenée à la baisse d’activité économique. Voir Silva, Joana, Liliana D. Sousa, Truman G. Packard et Raymond Robertson (2021), Employment in Crisis, goupe de la Banque mondiale, livre en accès libre. L’OCDE prévoit un retour aux niveaux d’emploi prépandémiques à partir de mi-2022 seulement. OCDE (2021), Perspectives économiques de la Colombie, décembre 2021.

42 Les pertes de revenus et d’emplois se sont concentrées davantage sur les ménages pauvres, moins éduqués, souvent à leur compte ou dans le secteur informel, creusant encore davantage les inégalités. cf. FMI (2021), Colombia: selected issues. En outre, l’expansion des programmes de transfert a aidé, mais n’a pas entièrement compensé les pertes de revenu, car la majorité des personnes ayant perdu leur emploi du fait de la pandémie de Covid-19 n’étaient pas bénéficiaires d’un programme de transfert de l’administration.

43 Vergne (2015).

44 Sedik, T. S., Xu, R., & Stuart, A. (2020), A Vicious Cycle: How Pandemics Lead to Economic Despair and Social Unrest. Documents de travail du FMI, 2020 (216).

45 UNODC (2021), The impact of COVID-19 on organized crime. Research brief. UNODC Research. 46 IFI (2021), The Inflation Challenge, Latam views.

47 Le taux d’intérêt réel neutre (ou taux naturel) est le taux qui devrait prévaloir lorsqu’un l’économie est au plein emploi et l’inflation est stable (c’est-à-dire que l’économie opère à son niveau potentiel). Au taux naturel, la politique monétaire n’est ni expansionniste ni restrictive. Le taux naturel ne peut être observé, son niveau et sa tendance ne peuvent être qu’estimés. A noter que la BanRep utilisent plusieurs méthodes pour estimer le taux naturel avec des estimations variant de 1,1% à 2% avec une moyenne à 1,5% (cf. BanRep (2018), Rapport Inflation, septembre 2018). Le FMI estime également le taux réel neutre entre 1% et 2% (cf. FMI (2021), Colombia : article IV).

48 Felipe Klein (2021), Colombia: External deficits strike again, Global Markets – EM Economics, Focus Latin America. En effet, du point de vue de l’identité épargne-investissement, le déficit du compte courant est égal au solde budgétaire + un écart épargne-investissement privé. Pour éviter les écarts du déficit du compte courant par rapport à son niveau d’équilibre (celui en lien avec les fondamentaux de l’économie), il faut que les décisions de politiques économiques puissent affecter l’offre et la demande d’épargne lesquelles sont in fine fonction du taux d’intérêt réel.

49 Moreno J.F. et Rojas J.S (2015), Recent performance of the exchange rate in Colombia, Monetary policy report, BanRep.

50 Vargas H. (2011), Monetary policy and the exchange rate in Colombia, Borradores de Economia, 655.

51 Vergne (2015).

52 Cf. Perspectives économiques mondiales de la Banque mondiale (juin 2020) pour un examen des canaux par lesquels la pandémie de Covid-19 a affecté la croissance potentielle dans le monde entier.

53 FMI (2020), Colombia: selected issues. OECD (2019), Venezuelan migration shock in Colombia and its fiscal implications. Note de politique de l’OCDE. 54 On peut estimer la production potentielle (tendancielle) de diverses façons. Pour une revue des méthodologies sur le sujet voir i) Leonardo Bonilla Mejía, José David Pulido (2020), New Estimates for Colombia’s Potential (Trend) GDP and Output Gap. Encadré 1 Rapport de politique monétaire de la BanRep (janvier 2020) et FMI (2021), Colombia selected issues.

Hypothèses de recettes pétrolières [23]. Comme les comptes publics continuent de dépendre fortement des secteurs pétrolier et minier (graphique 17), les hypothèses relatives à l’évolution des cours des matières premières ont tendance à avoir d’importantes conséquences sur les prévisions de recettes et la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs budgétaires. Selon le FMI, le moyen le plus efficace d’enrayer la hausse de la dette publique aurait été de procéder à des estimations plus conservatrices des recettes pétrolières [24].

RECETTES ISSUES DES SECTEURS PÉTROLIER ET MINIER (% DU PIB)

Capacité à réaliser des gains d’efficacité au sein de l’administration fiscale. Dans ses deux dernières propositions de réforme fiscale, l’administration prévoyait que les recettes générées par une plus grande efficacité dans la collecte de l’impôt représenteraient près de 0,3% du PIB. Ces prévisions se fondaient sur les améliorations apportées au système informatique [25] et à la gouvernance de l’administration fiscale (DIAN), ainsi que sur le renforcement des sanctions pour enrayer la fraude fiscale. Pour l’instant, la Colombie n’a pas de solides antécédents en matière de mise en œuvre de sanctions (sévères) pour évasion fiscale.

Hypothèses relatives à la croissance économique. À de rares exceptions près, le cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement a systématiquement tablé sur une croissance supérieure au potentiel depuis 2012 [26]. Et les écarts de projections peuvent avoir des effets conséquents. D’après les estimations du gouvernement, un repli d’un point de pourcentage de la croissance du PIB réel se traduirait par une perte de recettes publiques d’environ 0,4% du PIB.

Compte tenu de la i/ compressibilité limitée des dépenses courantes, ii/ de la nécessité d’engager des dépenses exceptionnelles pour contrecarrer les effets de chocs extérieurs, iii/ de la sous-performance des recettes publiques (due à la baisse des recettes pétrolières, à une croissance insuffisante du PIB ou à des gains d’efficacité non réalisés), les autorités ont parfois été contraintes de réduire les subventions publiques et les dépenses d’infrastructures, ou de recourir à des recettes exceptionnelles afin d’atteindre les objectifs budgétaires à défaut de quoi ces derniers étaient révisées [27].

Les autorités ont ainsi procédé à la vente d’actifs et recouru à des opérations de désinvestissement (par voie de cession de participations dans ISA, société de services aux collectivités, et dans Ecopetrol). Mais, ces types de recettes étant non récurrentes, elles ne représentent pas une solution structurelle pour parvenir à la consolidation des comptes budgétaires, et sont ainsi (typiquement) perçues défavorablement par les agences de notation.

Choc de la Covid-19 : quel coût pour les finances publiques?

COVID-19: NOUVEAUX CAS ET DÉCÈS EN COLOMBIE (MOYENNE MOBILE SUR 7 JOURS)

La pandémie de Covid-19 a frappé l’Amérique latine de plein fouet. Si les cas étaient peu nombreux aux premiers jours de la crise, le retard a été rapidement comblé, la Colombie totalisant plus de 135000 décès à la mi-février 2021 (graphique 18).

Pour évaluer l’ampleur du choc pandémique pour les finances publiques, nous étudierons tour à tour ci-après la situation budgétaire à l’orée de la crise, les mesures mises en place pour y faire face et l’impact de la crise sur les indicateurs budgétaires.

Situation budgétaire : conditions initiales

Par rapport à la crise financière de 2007-8, la crise de la Covid-19 a frappé la Colombie à un moment où elle était affaiblie sur le plan budgétaire, avec des marges de manœuvre plus réduites et une croissance moins dynamique.

À l’orée de la pandémie, l’économie commençait à retrouver un rythme de croisière plus soutenu (+3,3% en 2019) après des années de croissance anémique dans le sillage du choc pétrolier de 2014-15 (taux moyen sur 5 ans : +2,4% en 2019, contre +5,5% en 2007). L’environnement extérieur était moins favorable : le prix du baril, supérieur à 100 USD en septembre 2007, avoisinait 48 USD en février 2020. La taille moyenne du déficit budgétaire était comparable au cours des 5 années précédant les chocs : 3,6% du PIB (2003-2007) contre 3,1% (2015-2019).

En revanche, la dette publique avait été réduite de quelque 12 points de PIB au cours des 5 années précédant la crise financière, à 32 % du PIB en 2007. Elle a, au contraire, augmenté régulièrement entre 2012 et 2019, d’environ 14 points de PIB sur la période, en dépit des plans budgétaires élaborés conformément à la règle budgétaire[28]. Cette évolution reflète pour une large part la « dynamique mécanique de la dette » (annexe 4). En effet, d’après les calculs du FMI, elle est imputable à hauteur de 6,5 points de PIB aux composants cycliques (pétrole et production) et à hauteur de 6,5 points également à la dépréciation du taux de change induite par la baisse du cours du pétrole [29].

La trajectoire de la dette publique masque toutefois le fait qu’entre temps, le cadre institutionnel budgétaire s’est renforcé, le coût de la dette est devenu plus abordable, le pays a amélioré sa capacité de résistance aux chocs externes et, plus important encore, un accord de paix avec les FARC a été signé.

Plans de soutien budgétaire et monétaire

Le soutien budgétaire apporté par la Colombie à son économie a été plus important en 2020 que pendant la crise financière de 2007-8. Il reste néanmoins inférieur à celui des autres grandes économies de la zone (graphique 19). Selon le Fiscal Monitor du FMI, les mesures discrétionnaires « above the line » (hors garanties de crédit) ont représenté environ 4% du PIB, en ligne avec la moyenne observée en Amérique latine (environ 4,5% du PIB)[30]. Afin de déployer les dépenses d’urgence, l’administration a activé une clause dérogatoire permettant de suspendre les règles budgétaires jusqu’à fin 2022 [31].

AMÉRIQUE LATINE : TAILLE DES PROGRAMMES DE SOUTIEN BUDGÉTAIRE (OCTOBRE 2020)

Les mesures ont ciblé particulièrement le soutien aux personnes les plus vulnérables, à travers des allègements de charges et des aides financières, outre les initiatives prises pour combattre la pandémie (annexe 2)[32]. Un fonds national d’intervention d’urgence (FOME) a été créé pour gérer ces dépenses, mobilisant le fonds de pension national des administrations locales et centrale (FONCET), le fonds d’épargne et de stabilisation alimenté par les redevances pétrolières (FAE) et le budget de l’administration centrale.

Si les mesures initiales de soutien budgétaire s’inscrivaient dans la moyenne observée dans la zone, les autorités ont choisi de prolonger l’aide accordée, tirant parti de la hausse de prix des matières premières [33]. À la différence de nombreuses autres économies émergentes, qui ont mis fin aux aides d’urgence, la Colombie a décidé de poursuivre sa politique de soutien jusqu’à la fin de 2022 « pour protéger les plus vulnérables et soutenir la reprise ». Au total, en prenant en compte les dépenses supplémentaires, les instruments de financement et les garanties (mesures hors budget) notamment, les mesures budgétaires ont avoisiné les 10 % du PIB (graphique 20).

MARCHÉS ÉMERGENTS : RÉPONSE BUDGÉTAIRE À LA COVID-19 (OCTOBRE 2021)

Impact sur les indicateurs budgétaires

La crise sanitaire a affecté les équilibres budgétaires et la dette publique par le biais de multiples canaux :

  • la diminution des recettes (induite par l’effondrement de l’activité économique, les allègements de charges, la baisse des recettes d’exportation de matières premières)
  • les stabilisateurs automatiques (indemnisation du chômage)
  • les dépenses à caractère social
  • la dépréciation du change (environ un tiers de la dette étant libellée en devises étrangères)
  • la chute brutale du PIB nominal (l’effondrement de la demande a été particulièrement vertigineux en Colombie par rapport aux autres pays de la zone)[34]
  • une campagne de vaccination tardive (rendant nécessaire le maintien des mesures de soutien à l’économie sur des périodes plus longues que dans les économies développées).

En 2020, le déficit budgétaire du gouvernement central a atteint 8,1 % du PIB (contre une projection avant crise de 2,2 %), avec une charge d’intérêt de la dette absorbant quelque 2,5 % du PIB (graphique 21). La loi de finances pour 2021 prévoyait un nouveau creusement du déficit global en 2021 (8,6% du PIB) et un maintien à un niveau encore considérable en 2022 (7%). Les projections de déficit pourraient toutefois être ramenées en deçà de 7% du PIB sur la période, compte tenu d’une croissance du PIB réel plus dynamique qu’attendu en 2021 (10,6% en glissement annuel) et d’un acquis de croissance important en 2022 (5,3 points de pourcentage).

INDICATEURS BUDGÉTAIRES DU GOUVERNEMENT CENTRAL (% DU PIB)

Pour faire face à des besoins de financement inhabituellement élevés (environ 10% du PIB) en 2020-22, les autorités ont eu recours à cinq grandes sources de financement :

  • le fonds d’épargne et de stabilisation (FAE, 1,2% du PIB),
  • le fonds de pension national pour les administrations locales (FONCET)
  • l’émission sur le marché de USD 13 à 16 mds d’emprunts obligataires en moyenne (les banques ont notamment été invitées à acheter USD 2,5 mds « d’obligations solidaires » en 2020)
  • les financements extérieurs (entre USD 10 et 11 mds par an en règle générale auprès de la CAF, de la BIRD, de la BID, y compris certains financements d’urgence du FMI)
  • les privatisations (USD 3,5 mds en 2021 et USD 1,7 mds attendu en 2022) et un « impôt de solidarité » créé à titre provisoire [35].

En 2020, la dette de l’administration centrale a augmenté de 13 points de pourcentage (pp) à 59% du PIB (+13 pp également pour la dette des administrations publiques et +15 pp pour la dette du secteur public non financier à 71% du PIB). Le fardeau de la dette a ainsi augmenté en 2020 pratiquement d’un même montant qu’au cours des huit années précédentes, la dette doublant pratiquement en pourcentage du PIB depuis l’instauration de la règle budgétaire en 2011. L’augmentation du fardeau de la dette se situe à un niveau supérieur à la moyenne latino-américaine (+10 pp). Elle est comparable avec la moyenne mondiale (+13 pp), mais inférieure à celle des économies avancées (+16 pp) [36]. À l’instar de nombreux autres pays, la prolongation des garanties a par ailleurs accru les obligations contingentes (contingent liabilities) à hauteur de 2,6% du PIB [37].

Post choc Covid-19 : trajectoire possible des indicateurs de la dette

L’évolution du ratio de dette sur PIB d’un pays dépend essentiellement des trajectoires futures du solde primaire, des taux d’intérêt, du taux de change et des perspectives de croissance (annexe 4). Surtout il repose, dans une large mesure, sur l’interaction entre les taux d’intérêt et la croissance :

  • si l’économie croît à un rythme supérieur au taux d’intérêt moyen de la dette publique, il est possible de stabiliser, voire de réduire, la dette publique en pourcentage du PIB, même avec un déficit primaire. Par conséquent, « des taux d’intérêt faibles peuvent autoriser une expansion soutenable de la position budgétaire » [38].
  • si le taux d’intérêt moyen de la dette publique excède le taux de croissance de l’économie, un excédent primaire est indispensable (dont la taille peut être calculée) pour stabiliser le ratio de dette publique, faute de quoi elle continuera mécaniquement d’augmenter.

Dans la première sous-section, nous passons en revue les déterminants sous-jacents du ratio de dette publique au regard du contexte social du pays, des événements politiques des dernières années et des effets de la pandémie de Covid-19. Cela nous donnera une idée de leur évolution probable.

Dans la deuxième sous-section, nous tirons parti des enseignements de la section précédente pour élaborer les hypothèses macroéconomiques à partir desquelles nous pourrons établir un scénario de base concernant la trajectoire de la dette publique. À partir de ce scénario de base, et des chocs susceptibles de le contrarier, nous pouvons établir une comparaison par rapport aux projections officielles (telles qu’elles ressortent du cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement.)

Evaluation des déterminants du ratio d’endettement public à l’ère post-Covid -19

Déterminant n° 1 – Un solde primaire vraisemblablement en déficit pour les 5 prochaines années.

De la même manière que la Constitution de 1991 a conduit à une forte augmentation des dépenses [39], les autorités devront composer au cours des prochaines années avec des pressions budgétaires importantes qui devraient maintenir le solde primaire en situation de déficit à moyen terme.

L’administration a choisi de continuer de soutenir l’économie et la population vulnérable jusqu’à la fin de l’année 2022 sous la forme de dépenses de santé, de transferts aux ménages, de mesures de soutien aux entreprises et d’investissements (tableau 1).

Les pressions exercées pour une augmentation des dépenses sociales persisteront :

  • l’accord de paix signé en 2016 avec le FARC a déplacé une partie des préoccupations de la population de la sphère sécuritaire à la sphère sociale. Des questions de société se sont ainsi imposées plus vigoureusement au sein du débat public et de progressivement modifier la structure du paysage politique (annexe 3).
  • la Colombie a connu une progression plus lente de ses indicateurs sociaux au cours des dernières années. Même si dans l’ensemble, le progrès social s’est poursuivi ces 15 dernières années, en observe en Colombie, comme dans de nombreux pays de la zone, un ralentissement des indicateurs de progrès social depuis la fin du supercycle des matières premières [40]. Le niveau de pauvreté atteint un niveau élevé pour un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Depuis quelques années, près d’un tiers de la population vit avec moins de 5,50 dollars US par jour (seuil de pauvreté) et près de 2 millions de Colombiens sont en situation d’extrême pauvreté, un phénomène encore accentué par la pandémie de Covid-19 (graphique 22) du fait notamment de ses effets sur le marché du travail [41].
PROJECTION DE LA BALANCE BUDGÉTAIRE ( % DU PIB)
PAUVRETÉ ET EXTREME PAUVRETÉ EN COLOMBIE VS AMÉRIQUE LATINE*
INÉGALITÉS DE REVENU (INDEX GINI) D’UNE SÉLECTION DE PAYS*

La Colombie figure parmi les pays du monde où les inégalités de revenu sont les plus marquées (1% de la population concentre 20% du revenu total) et arrive au quatrième rang en Amérique Latine. De nombreux facteurs perpétuent ces inégalités qui se sont encore creusées à l’échelle du pays dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 [42](graphique 23) : (a) la forte concentration de la propriété foncière, (b) un taux de chômage structurellement élevé (près de 10 % au cours des 10 dernières années), (c) une proportion élevée d’emplois informels (avec un niveau de protection sociale limité, une faible couverture retraite et une probabilité plus élevée de basculer dans la pauvreté en cas de perte d’emploi), (d) la prédominance des universités privées au sein de l’enseignement supérieur (plus de 70%, avec des coûts d’accès jugés prohibitifs par une grande partie de la population) et (e) une industrie minière à forte intensité capitalistique (même si le secteur est source de croissance et de revenu pour l’économie, il ne crée cependant pas beaucoup d’emplois et n’est typiquement pas un vecteur de mobilité sociale) [43].

.Ainsi, une conscience sociale plus forte conjuguée à une progression plus lente des indicateurs sociaux ont engendré ces dernières années une multiplication des mouvements sociaux revendiquant une meilleure protection sociale, la réduction des inégalités et l’amélioration de l’accès à l’emploi (encadré 2).

LES TROUBLES SOCIAUX SE SONT INTENSIFIÉS CES DERNIÈRES ANNÉES

Certains observateurs estiment que l’absence de mesures d’atténuation de la crise sur la distribution des revenus, conjuguée aux effets de la pandémie sur les plus vulnérables, pourrait à terme alimenter davantage les troubles sociaux, et entretenir un cercle vicieux (la baisse de la croissance induit un creusement des inégalités qui entraîne des troubles sociaux puis une baisse de la croissance, etc. [44]). Chercher à éviter ce piège serait en soi une incitation suffisante au maintien des mesures de soutien en place et à l’augmentation des dépenses pour la santé et l’éducation, aujourd’hui parmi les plus faibles de la zone (graphique 25).

COLOMBIE : DÉPENSES D’ÉDUCATION
COLOMBIE : DÉPENSES DE SANTÉ (% DU PIB)

Des pressions croissantes sur d’autres postes de dépenses sont également susceptibles d’apparaître au cours des prochaines années, y compris :

des coûts d’intégration de migrants (les pressions migratoires pourraient subsister, au vu de l’aggravation de la crise socio-économique au Venezuela et des effets du changement climatique) des coûts liés à la mise en œuvre de l’accord de paix de 2016 (tant que les parties prenantes au niveau local que la communauté internationale continueront de militer pour une meilleure mise en œuvre de l’accord), du contrôle du trafic de stupéfiants et de la lutte contre le crime organisé (une des nombreuses conséquences de la pandémie de Covid-19 a été l’augmentation de la consommation de stupéfiants et du crime organisé.

Dans le même temps, la hausse de la pauvreté et le creusement des inégalités ont également favorisé les recrutements au sein de réseaux criminels)[45], des coûts de la transition énergétique (dans le cadre de la COP26, la Colombie s’est engagée à réduire ses émissions de 50% d’ici 2030) et des pressions sur les dépenses induites par la transition démographique (le profil démographique du pays exigera des modifications majeures des systèmes de retraite et de santé au cours des prochaines années).

Déterminant n° 2 - Taux d’intérêt : la tendance est à la hausse

Les finances publiques vont devoir composer à l’avenir avec la hausse des taux d’intérêt :

  • l’augmentation de l’inflation tire progressivement les taux courts à la hausse. Pendant la pandémie, la banque centrale de la Colombie (BanRep) a abaissé son taux directeur à un plus bas historique. Cependant, comme dans de nombreux pays émergents, l’inflation a repris une tendance haussière (graphique 26) induite par les cours élevés des matières premières, les perturbations sur les chaînes d’approvisionnements au niveau mondial, les effets retardés de la dépréciation de la monnaie et le fort rebond de la consommation [46]. En Colombie, en plus de ces facteurs, un mouvement national de protestation, en mai et juin 2021, a entraîné une augmentation du prix des denrées alimentaires, l’agitation ayant affecté les circuits de distribution des produits de première nécessité. À ce stade, la BanRep a été l’une des dernières grandes banques centrales d’Amérique latine à initier son cycle de normalisation monétaire (graphique 27). Mais tous les facteurs militent pour un resserrement plus rapide des taux d’intérêt en 2022, autant pour des raisons intérieures qu’extérieures (la normalisation de la politique monétaire au sein de certaines économies avancées pourrait affecter les rendements obligataires, les flux de capitaux et la valorisation de la dette des pays émergents).
INFLATION ET CIBLES D’INFLATION (%)
TAUX DIRECTEURS (%)
  • les incertitudes entourant l’action publique affectent la partie longue de la courbe des taux. Les pressions sociopolitiques (hausse des mouvements sociaux) et les préoccupations plus importantes des investisseurs relatives aux risques budgétaires et politiques (en partie liés aux élections) ont contribué à alimenter les anticipations d’inflation, à écarter les primes de risque et, par voie de conséquence, à induire une hausse des coûts d’emprunt. Résultat, les rendements d’État à dix ans ont déjà augmenté de 300 points de base par rapport à la fin de l’année 2020. Des mesures monétaires de contrôle des taux longs, comme la mise en place d’un programme de rachat de la dette publique sur le marché secondaire paraissent peu probables. Même si la banque centrale a été autorisée pendant la crise de Covid-19 à mettre en place des mesures d’assouplissement quantitatif, elle en a fait usage avec parcimonie et dans un contexte d’urgence. À l’avenir, il est plus probable que la BanRep continue de se concentrer avant tout sur les anticipations d’inflation et la taille de l’output gap pour orienter sa politique monétaire.
  • à la suite du choc du Covid-19, l’économie va devoir s’adapter à un nouvel équilibre macroéconomique qui devrait se traduire par la hausse des taux d’intérêt réels. Une conséquence importante du choc de la Covid-19 a été d’induire une expansion des déficits jumeaux (en particulier en 2021 avec un déficit du compte courant à -5,7% du PIB). L’ajustement de ces déséquilibres macroéconomiques va exiger soit une politique budgétaire moins expansionniste (i.e. accélération du processus de consolidation budgétaire), soit un ajustement plus rapide de la politique monétaire. Celle-ci est depuis la crise toujours en territoire expansionniste (le taux directeur réel s'établissait à environ -3% en février 2021, bien en deçà du taux neutre (d'équilibre) estimé à 1,5% [47]). Compte tenu du l'orientation actuelle de la politique budgétaire et de la convergence probable de l'épargne privée vers sa moyenne historique (17% du PIB avant la pandémie contre 20 % du PIB actuellement), la BanRep devra procéder à une augmentation de ses taux à des niveaux plus proches du taux neutre si elle souhaite réduire les déséquilibres extérieurs [48].

Déterminant n° 3 - Taux de change : une appréciation nominale anticipée à moyen terme.

Historiquement, le taux de change (USDCOP) a eu tendance à afficher une relation étroite avec le prix du pétrole (graphique 4) ainsi qu’avec le dollar en taux pondéré par le commerce extérieur (USTWI)[49]. Ainsi, avec le retournement du super-cycle des matières premières, le peso a perdu environ 40% de sa valeur contre le dollar entre juillet 2014 et mars 2015. Depuis, il a continué sur une tendance baissière, et ce malgré la signature des accords de paix en 2016 (graphique 28).

À noter que depuis la crise de la Covid-19, le taux de change effectif réel (et nominal) affiche un découplage plus important par rapport aux prix du pétrole.

TAUX DE CHANGE NOMINAL USD/COP (ÉCHELLE INVERSÉE)

Pour faire état de cette plus grande divergence, plusieurs explications ont été avancées : hausse des risques politiques internes (manifestations sociales, changements au sein du paysage politique), perception dégradée du risque souverain par les marchés (écartements des spreads CDS), dégradation des équilibres extérieurs et resserrement plus lent (par rapport aux pairs régionaux) de la politique monétaire.

Une réorientation de la politique de change actuelle de la BanRep paraît peu probable à moyen terme. Elle n’est, du moins, pas anticipée dans le cadre de nos simulations. Historiquement, la Colombie est passée d’un régime de change à parité glissante (crawling peg, à partir des années 1960) à un régime de change flottant en 1999. Le flottement de la monnaie s’est en réalité avéré davantage administré (managed float) que pur (pure float).

En accord avec son mandat de contrôle de l’inflation et de maintien de la stabilité financière, la BanRep intervient en effet de manière discrétionnaire ou programmée sur le marché des changes dans le but de satisfaire trois principaux objectifs: 1/accumuler des réserves de change, 2/freiner une volatilité excessive de la monnaie (atténuer les problèmes de liquidité sur le marché), 3/corriger les déséquilibres importants du taux de change [50]. Ainsi, si la BanRep peut être amenée à contrer une appréciation ou une dépréciation excessive de la monnaie sans pour autant avoir un objectif explicite concernant le niveau du taux de change nominal ou réel.

Pour les simulations, nous supposons une tendance à l’appréciation du taux de change nominal. En effet, la plupart des fair value models mobilisés pour estimer le taux de change d’équilibre – qu’ils soient basés sur les prix (comme ceux basés sur la théorie de la parité du pouvoir d’achat ou PPA) ou sur les fondamentaux (behavioral equilibrium exchange rate ou BEER) – font état d’une sous-évaluation chronique du peso contre le dollar au cours des dernières années. Nous formulons donc l’hypothèse que ce déséquilibre sera amené à se résorber sur un horizon de moyen à long terme.

Déterminant n° 4 – Une croissance potentielle affaiblie par la pandémie de Covid-19

Pour son développement économique, la Colombie s’est davantage appuyée sur l’accumulation des facteurs de production plutôt que sur les gains de productivité. Entre 2003 et 2012, cette accumulation a expliqué 4 points de pourcentage de croissance du PIB contre 0,5 point pour la productivité globale des facteurs (PGF) [51]. Ces dernières années, toutefois, la contribution de la PGF à la croissance du PIB est devenue négative (graphique 29). Au fil du temps, des facteurs démographiques impliquent que la contribution du travail à la croissance devrait aller en diminuant.

Des obstacles structurels ont limité les gains de productivité et expliquent la faible contribution de la PGF à la croissance dans le temps. Parmi ceux-ci : un taux élevé de travail informel, des barrières au commerce international (en particulier des barrières non tarifaires et la lenteur des procédures douanières), un déficit d’infrastructures considérable (graphique 30), l’inadéquation des compétences avec le marché du travail, une réglementation lourde, un manque d’innovation (faible effort de recherche et de développement), etc. Ces facteurs structurels sont autant de freins à la croissance potentielle.

CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DU PIB (2010-19)
FORUM ÉCONOMIQUE MONDIAL : QUALITÉ DES INFRASTRUCTURES

Depuis plusieurs années, la croissance potentielle pâtit des effets de chocs spécifiques dont il est difficile de déterminer s’ils sont transitoires ou non :

  • le choc des termes de l’échange de 2014-15 : la baisse des revenus du pétrole a pesé sur la croissance potentielle via l’affaiblissement de l’accumulation de capital.
  • le choc sanitaire de 2020. La pandémie de Covid-19 a entraîné une perte permanente du niveau de production potentielle (potential output) liée i/ à la perte de capital humain (du fait de la fermeture prolongée des écoles) et ii/ du lent retour des femmes au sein de la population active (produit du déséquilibre entre les sexes dans la prise en charge des tâches ménagères et la garde des enfants.[52]) Si l’on compare les prévisions de croissance de moyen terme du FMI à horizon 2026 avant et après la pandémie (2019 vs. 2021), on remarque une baisse de 0,25 point de pourcentage de la projection (celle-ci s’établissant à 3,5%, soit un niveau à peu près en ligne avec les projections officielles de croissance potentielle (3,3%)). Ces estimations sont moins dégradées qu’attendu.
ESTIMATION DE LA CROISSANCE POTENTIELLE (%)*

En effet, elles tiennent compte du choc d’offre positif sur le facteur travail résultant de l’afflux de migrants vénézuéliens [53] depuis 2018-19 (le choc devrait partiellement compenser les effets défavorables sur l’accumulation de capital et de travail liés respectivement à la pandémie et la transition démographique). Pour l’essentiel, les estimations de croissance potentielle oscillent dans une fourchette de 2,5 à 3,5%[17] (graphique 31).

Simulations : risques sur la dette publique

Dans cette section, nous envisageons des hypothèses alternatives à celles énoncées dans le cadre budgétaire à moyen terme du gouvernement (medium-term fiscal framework, MTFF). Nous traduisons une partie des éléments mentionnés dans la section précédente sous forme chiffrée afin d’évaluer quelques évolutions possibles de la dynamique de la dette publique.

Benchmark : le scénario MTFF

En juin 2021, les autorités colombienne ont procédé à d’importantes révisions du cadre budgétaire à moyen terme (MTFF), anticipant des déficits budgétaires considérablement plus élevés des administrations publiques par rapport aux MTFF précédents. Ces ajustement proviennent en partie du fait que les objectifs de déficit paraissaient inatteignables en raison des effets de la pandémie[54]. Les modifications vont beaucoup plus loin. Les points importants sont résumés dans l’encadré 3, le tableau 2, et les graphiques 32 et 33.

Selon le MTFF, le ratio de dette publique culminerait à près de 70% du PIB en 2022-23 et porterait le niveau de dette à environ 60% du PIB en 2032. Toutefois, afin de se conformer pleinement à la règle budgétaire, le gouvernement prévoit, qu’en plus des recettes fiscales de 1,2% du PIB (anticipés dans le cadre de la réforme fiscale de 2021), les administrations publiques devront procéder à un ajustement budgétaire supplémentaire à hauteur de 0,6% du PIB notamment sur la période 2023-26 (l’ajustement serait plus faible par la suite.) Ainsi un nouvel ensemble de réformes devrait être nécessaire à court terme.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES AU CADRE BUDGÉTAIRE À MOYEN TERME
PROJECTION DES RECETTES - MTFF

PROJECTION DES DÉPENSES - MTFF

Scénario de base et scénarios alternatifs

À la lumière des éléments discutés précédemment, nous présentons dans les notes du tableau 3 les hypothèses macroéconomiques de notre scénario de base pour chaque déterminant du ratio de dette publique. À noter que nous avons pris en compte les nouvelles données macroéconomiques publiées depuis la présentation du MTFF en juin 2021. Le rebond du PIB a été par exemple beaucoup plus fort qu’anticipé dans le MTFF, tandis que la dépréciation monétaire a été dans le même temps relativement contenue. Nous évaluons en outre des trajectoires alternatives du ratio de dette publique en soumettant le scénario de base à plusieurs chocs :

  • Choc du solde primaire : nous envisageons dans ce scénario des déficits primaires plus importants dans le temps. Plusieurs événements pourraient donner vie à ce scénario : des prix du pétrole moins favorables, des besoins de dépenses plus importants sur le plan social, une croissance plus décevante dans le temps ou un manque à gagner sur le plan des réformes (e.g. réformes fiscales édulcorées par le Congrès). Dans ce scénario, le solde primaire subit un choc supplémentaire de 0,8% du PIB par rapport au scénario de base, et ce sur l’ensemble de la période de projection (le choc représente la moitié d’un écart-type de la balance primaire au cours de la période 2010-20).
  • Choc de taux d’intérêt : nous prenons en compte dans ce scénario une dynamique d’inflation plus forte et des conditions de financement extérieures durcies. Par rapport au scénario de base, nous appliquons ainsi sur la période de projection un choc de 100 points de base aux taux d’intérêt locaux et de 50 points de base aux coûts d’emprunt étrangers (les chocs sont à peu près équivalent à environ un écart-type, lorsque l’on considère les taux historiques sur le plan local et étranger, au cours des dix dernières années).
  • Choc de croissance : dans ce scénario, nous appliquons pendant une période de deux ans (2024-25) un choc d’un écart-type (3,5 points de pourcentage sur la période 2010-2020) aux taux de croissance du scénario de base. Cela implique une légère récession au cours des deux années.
  • Choc de taux de change : nous anticipons dans le scénario de base des gains progressifs de la monnaie par rapport au dollar (hypothèse de retour à l’équilibre à moyen terme alors que la monnaie est sous-évaluée depuis plusieurs années.) Pour contrebalancer nos hypothèses plutôt optimistes sur le change par rapport aux projections officielles, nous introduisons dans ce scénario deux chocs dépréciatifs (un sévère et l’autre modéré) sur la monnaie contre le dollar. D’abord, nous supposons en 2025 une dépréciation nominale du peso contre le dollar d’une ampleur similaire à celle observée en 2015 (36%) à la suite du retournement du super-cycle des matières premières. Un épisode plus modéré est ensuite introduit en 2028 (correspondant à l’équivalent d’un écart-type sur la période 2010-2020).

En dépit de l’utilisation d’hypothèses plus conservatrices (afin d’atténuer le biais optimiste évoqué plus haut dans le texte) concernant notamment le PIB réel et le solde primaire, nous voyons dans le tableau 3 que dans le scénario de base, le ratio dette/PIB culmine à peu près à 67% en 2023-24, soit en deçà des projections officielles. Cette évolution plus favorable tient en partie à la forte reprise économique observée en 2021, laquelle a permis de stabiliser le ratio de dette beaucoup plus tôt que prévu. En revanche, sur la seconde moitié de l’horizon de projection les hypothèses du scénario de base pèsent plus lourdement sur la dynamique de dette. En effet, le ratio de dette diminue moins rapidement que dans les projections officielles.

SCÉNARIO CENTRAL (BNP PARIBAS)

De manière générale, toutefois, nous remarquons que malgré des hypothèses dans l’ensemble plus pessimistes, la dégradation reste, somme toute, assez modeste. Cela s’explique en partie par le fait que les « composantes automatiques » de la dynamique de dette (appendice 4) ont tendance à jouer favorablement tout au long de l’horizon de projection (tendance à l’appréciation du taux de change nominal, et différentiel croissance/taux d’intérêt favorable). De plus, nous voyons dans le tableau 4 que les conditions nécessaires pour stabiliser le ratio de dette (en termes d’ajustement du déficit primaire) semblent dans l’ensemble à portée de main, réduisant ainsi les inquiétudes par rapport à la soutenabilité de la dette publique.

Concernant l’effet des chocs (graphique 34), on constate que la trajectoire de la dette publique est très sensible au choc du taux de change, en raison de la part relativement importante de la dette libellée en devises. À l’exception des chocs de change, la dette à tendance à se stabiliser en moyenne de 5 à 10 points de pourcentage au-dessus des projections officielles. Ainsi, bien que l’exercice de projection à long terme soit sujet à d’importantes incertitudes, nous constatons que même dans des situations de scénarios moins favorables, la dégradation du ratio de dette reste dans l’ensemble contenue.

SOLDE PRIMAIRE (% DU PIB) NÉCESSAIRE POUR STABILISER LE RATIO D’ENDETTEMENT EN FONCTION DES COUPLES TAUX D’INTÉRÊT / CROISSANCE
DYNAMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE : SCÉNARIO CENTRAL ET CHOCS (% DU PIB)

Notre analyse[56] a montré que la réalisation des objectifs de consolidation budgétaire à moyen terme pourraient s’avérer difficiles. Compte tenu de ce diagnostic, y a-t-il lieu de se préoccuper de la trajectoire des finances publiques en Colombie?

La situation est loin d’être critique et la Colombie est en bonne capacité de soutenir sa dette. Elle fait face à une charge d’intérêts et à un coût du service de la dette relativement stables et raisonnables alors que le différentiel taux d’intérêt/croissance a tendance à lui être globalement favorable. En outre, la Colombie présente des risques haussiers plus importants que ses pairs (au niveau régional) en matière de croissance potentielle et de maintien des taux bas. Le ratio de la dette publique a certes considérablement augmenté et il faudra du temps pour renouer avec les ratios d’endettement de l’avant pandémie. Mais une gestion active de la dette et le renforcement de la position extérieure nette du pays ont permis de réduire l’exposition aux risques de taux, de change et de refinancement.

Les risques à moyen terme sont par ailleurs limités par la faiblesse des obligations contingentes (lesquelles sont typiquement bien identifiées et font l’objet de provisions) ainsi qu’un cadre institutionnel robuste qui comprend notamment un certain nombre de garde-fous (pas de monétisation de la dette publique) – facteurs qui devraient à terme permettre de maintenir les dépenses et la dette publique à des niveaux soutenables. L’effet de la volatilité des cours des matières premières sur les comptes publics est aussi atténué en partie par la règle budgétaire, laquelle devrait être encore renforcée.[57]

Cependant, l’on dénombre trois vecteurs de risque qui pourraient –s’ils ne font pas l’objet d’une attention particulière – accentuer les inquiétudes pesant sur les finances publiques :

(i) si aucun effort n’est déployé pour rétablir la crédibilité de l’action publique sur le plan budgétaire en procédant notamment à une révision des objectifs de moyen terme sur la base d’hypothèses macroéconomiques plus conservatrices

(ii) si les gouvernements futurs sont incapables de générer des sources nouvelles et pérennes de revenus, auquel cas un risque de dérapage budgétaire pourrait se matérialiser (si les recettes et la croissance enregistrent des performances décevantes ou si les futurs gouvernements n’adhèrent pas au plan budgétaire actuel, un scénario fort envisageable au vu des mutations structurelles à l’œuvre au sein du paysage politique (appendice 3)).

(iii) si peu d’efforts sont faits pour combler le fossé entre les attentes sociales et la réalité (social expectation gap).

Si elle ne s’emploie pas à relever ces défis, la Colombie pourrait peiner à apaiser les agences de notation et à renforcer la confiance des investisseurs. Cela pourrait à terme compromettre sa capacité à conserver un accès au marché à des conditions favorables.

Pour répondre aux aspirations du MTFF, à savoir favoriser un cercle vertueux entre le social, l’économique et le budgétaire, la priorité pour la Colombie devrait être de se focaliser sur l’amélioration du pacte social existant et le renforcement des mécanismes de dialogue social. Des économistes du FMI font remarquer qu’au lendemain de la pandémie, entre l’augmentation de la pauvreté et la défiance croissante à l’égard des institutions dirigeantes, les pays susceptibles d’arborer les meilleures perspectives (tant sur le plan la croissance que de la capacité à réformer) seront ceux les plus à même de se retrouver autour d’un pacte budgétaire – produit d’un large consensus social et d’une forte cohésion politique autour de questions essentielles touchant aux finances publiques.[58]

Une telle feuille de route permettrait, dans le cas de la Colombie, de contrer en partie les trois vecteurs de risque susmentionnés. Le FMI souligne la nécessité de renforcer le « dialogue social pour discuter des mesures à mettre en place pour élargir les filets de sécurité sociale […] et adresser la question de leur financement, afin d’évaluer les préférences de la société aussi bien sur le plan fiscal que sur celui des dépenses. Ce dialogue public devrait servir de fondement aux processus législatifs qui auront lieu au cours des deux prochaines années – lesquels se porteront sur la révision des systèmes de retraite, de santé et d’éducation et la réforme des cadres budgétaires destinés à les soutenir. » Les auteurs du rapport soulignent par ailleurs l’importance d’améliorer l’efficacité et la flexibilité des cadres de responsabilité budgétaires : « l’adoption formelle de cibles budgétaires, la mise en place ou le renforcement des organismes de supervision de la politique budgétaire, et le perfectionnement des stratégies de communication amélioreront l’efficacité de l’action publique et réduiront les risques budgétaires – permettant en retour le maintien des taux d’intérêt à des niveaux bas et l’élargissement des marges de manœuvre budgétaires ».

À cet égard, la modification récente de la règle budgétaire représente un pas dans le bon sens. Un calibrage plus conservateur des plans budgétaires à moyen terme et la création (comme le préconise l’OCDE) d’un organisme indépendant de contrôle (independent fiscal council), chargé de prévoir et chiffrer l’impact des mesures de politique budgétaire à des horizons proches et lointains ne feraient que renforcer la crédibilité de l’action publique.

Terminé de rédiger le 16 février

RÉFORMES FISCALES EN COLOMBIE AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE (2011-2021)
PROGRAMMES MIS EN ŒUVRE POUR FAIRE FACE À LA PANDÉMIE DE COVID-19
ÉVOLUTION DES DYNAMIQUES POLITIQUES : SIGNES DE MUTATIONS STRUCTURELLES DANS LE PAYSAGE POLITIQUE AVEC UN SOUTIEN ACCRU AUX MESURES SOCIALES
DÉCOMPOSITION DES CONTRIBUTIONS À LA DYNAMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE

[1]S&P (mai 2021) et Fitch (juillet 2021) ont dégradé la note de la Colombie de BBB- à BB+. Moody’s a maintenu sa notation inchangée (à Baa2 depuis 2014) lors de la révision du mois de juillet. Cependant, pour conserver un statut global d’«?investment grade?», il faut obtenir deux notes «?investment grade?» de la part des trois principales agences de notation.

[2]FMI (2021), Article IV : Colombia.

[3]De nombreuses institutions internationales, dont le FMI, la Banque mondiale, la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes), ont mis en garde contre un resserrement budgétaire prématuré susceptible, dans certains cas, d’aller à l’encontre de l’objectif recherché s’il aboutit à une fragilisation du processus de redressement et à une diminution de la croissance et de l’investissement, ce qui peut en fin de compte compromettre les perspectives d’assainissement des finances publiques et réduire la marge de manœuvre budgétaire.

[4]Dans le cadre de ces exercices, les indicateurs de performance d’un emprunteur souverain (en particulier, le PIB par habitant, le déficit budgétaire, le ratio dette sur PIB, et la volatilité de la croissance économique) sont évalués par rapport à ceux d’un emprunteur souverain « type » (médian) dans une catégorie de notation donnée. Les exercices de benchmarking de ce type sont souvent utilisés au sein des agences pour justifier des décisions de notation (révision de la perspective ou modification complète de la notation).

[5]CNUCED (2011). Rapport sur le commerce et le développement.

[6]Équilibre budgétaire structurel = déficit budgétaire global corrigé des effets du cycle conjoncturel + ajustement pour tenir compte d’autres facteurs temporaires au-delà du cycle (ex : aides en cas de catastrophe, choc des produits de base poussant temporairement à la hausse ou à la baisse les recettes générées par les ressources naturelles). Cela permet de distinguer entre les effets permanents et temporaires sur le solde budgétaire pour évaluer l’orientation à moyen terme de la politique budgétaire (cf. Hageman, M. R. P. (1999). The Structural Budget Balance. The FMI’s Methodology. Fonds monétaire international.

[7]La Colombie obtient régulièrement les meilleurs résultats de la région dans l’indice OURdata de l’OCDEqui mesure la disponibilité des données publiques, leur accessibilité et dans quelle mesure elles sont disponibles dans des formats ouverts, gratuits et accessibles. OCDE (2020). Panorama des administrations publiques. Rapport par pays : Colombie.

[8] FMI (2014). Article IV : Colombie. Il convient de noter que «?le pays a épargné environ 90 % des gains réalisés grâce à la hausse des produits de base, soit la part la plus élevée de la région?».

[9]Vergne, C. (2015), Colombie : l’enjeu des réformes structurelles et du processus de paix. Agence française de développement.

[10]Service de recherche du Parlement européen (2021), Democratic institutions and prosperity: the benefits of open society. Briefing, re-thinking democracy.

[11] OCDE, (2019), Production Transformation Policy Review of Columbia: Unleashing productivity. Centre de développement de l’OCDE. Le dernier plan de développement national, présenté par le président Duque en 2019, a été doté de USD 325 mds avec priorité à l’éducation, à l’emploi, à l’entrepreneuriat et à l’environnement.

[12] Les contrôles de change étaient en place depuis les années 1930. Cependant, certaines restrictions ont été maintenues. La Colombie a ainsi conservé une restriction de change découlant du régime spécial du secteur des hydrocarbures aux termes duquel des succursales de sociétés étrangères opérant dans ce secteur doivent renoncer à leurs recettes à l’exportation ou accepter les limites imposées par le gouvernement pour l’accès aux devises.

[13] La Colombie a constitué un comité de stabilité financière pour coordonner l’action de ses trois principaux organes de supervision (le ministère des Finances, la Superintendance financière de la Colombie (SFC), qui supervise les institutions financières, et la Banque centrale). La SFC exerce ses fonctions de supervision sans ingérence politique.

[14]D’après des estimations du FMI, les coûts budgétaires liés aux flux migratoires se sont élevés à quelque 0,5 % du PIB en 2019.

[15]OCDE (2013), Étude économique de la Colombie.

[16] Lozano I. (2001), Colombia's public finance in the 1990s: a decade of reforms, fiscal imbalance, and debt. Sous-direction des études économiques, Banque centrale de Colombie.

[17]Les travailleurs informels se définissent comme ceux qui ne cotisent pas à la sécurité sociale. Le taux d’informalité a néanmoins baissé par rapport à 2007 (70 %).

[18] Un salaire minimum élevé et des coûts de main-d’œuvre onéreux (hors salaires) sont considérés comme d’importants facteurs de coûts contribuant à réduire l’emploi dans le secteur formel. Comme le fait remarquer l’OCDE (2019) : « À 87 % du salaire médian des salariés à plein temps du secteur formel, le salaire minimum est supérieur en termes relatifs à celui de n’importe quel autre pays membre de l’OCDE?». Pour une étude des facteurs d’informalité et des barrières à la régularisation des emplois, cf. OCDE (2019). Étude économique de la Colombie

[19] Klein Felipe (2021), Colombia: a cloudy fiscal horizon, BNP Paribas Global Markets.

[20] Salazar N. (2013), Political economy of tax reforms: The case of Colombia. Woodrow Wilson Center Update on the Americas. Washington, DC, United States: Wilson Center, Latin America Program.

[21]Il convient de noter qu’en 2021, de nombreuses baisses de l’impôt sur les sociétés, votées en 2018, ont été annulées tout au moins temporairement (cf. annexe 1)

[22] D’après Hudson B., Hunte, D., & Peckham S. (2019), Policy failure and the policy-implementation gap: can policy support programs help? Policy design and practice, 2(1), 1-14. Des anticipations trop optimistes représentent l’un des aléas expliquant l’écart entre la conception et la mise en œuvre de l’action publique.

[23]L’administration centrale dépend de deux sources de recettes pétrolières : les dividendes versés par Ecopetrol et les impôts acquittés par les compagnies pétrolières. Les redevances des compagnies pétrolières reviennent, par ailleurs, aux administrations régionales. Les recettes fiscales à l’exportation constituent également une forme de recettes indirectes dans la mesure où plus de 40 % des exportations portent sur les produits pétroliers. Voir les rapports EIFI pour une ventilation des sources de recettes émanant de l’industrie extractive.

[24]Des approches plus conservatrices pour déterminer le niveau structurel des prix pétroliers (par exemple, en retranchant un écart-type des estimations de prix à long terme) auraient conduit à une accumulation inférieure de la dette de 3,5 % du PIB. Des estimations différentes de l’«?output gap?» auraient également eu un impact, quoique moins important, sur l’accumulation de la dette. FMI (2021), Article IV : Colombie

[25] Par exemple, en recourant plus largement à la facturation électronique.

[26]Klein F. and Maia L. (2021), The looming downgrade, BNP Paribas Global Markets - en référençant une étude de la Banque interaméricaine de développement notent qu’à l’exception de 2013, la croissance s’est située bien en deçà des projections de croissance potentielle estimées dans chacun des Cadres Budgétaires à Moyen Terme (MTFF) entre 2012 et 2018.

[27]D’après Fitch, des recettes exceptionnelles ont été utilisés pour atteindre les cibles de déficit des administrations centrales en 2017 (-3,6 % du PIB), en 2018 (-3,1 % du PIB) et en 2019 (-2,5 % du PIB)

[28] Mauricio Cardenas, Luca Antonio Rocco, Jorge Roldos et Alejandro Werner (2021). Fiscal Policy Challenges for Latin America During the Next Stages of the Pandemic: The Need for a Fiscal Pact. Document de travail du FMI WP/21//77, mars 2021.

[29] FMI (2021).

[30] FMI (2021).

[31] Mauricio Cardenas, Luca Antonio Rocco, Jorge Roldos et Alejandro Werner (2021), Fiscal Policy Challenges for Latin America During the Next Stages of the Pandemic: The Need for a Fiscal Pact. Document de travail du FMI WP/21//77, mars 2021.

[32]En application de la clause, quand l’écart de production est négatif et le taux de croissance réel attendu est inférieur d’au moins 2 points de pourcentage au taux d’intérêt à long terme (estimé par l’administration à entre 4,3 % et 4,8 %), un programme contra-cyclique de dépenses peut être lancé. Ces dépenses contracycliques doivent être progressivement éliminées une fois le taux de croissance de l’économie redevenu égal ou supérieur à son niveau à long terme pendant deux ans.

[33]Pour une discussion empirique de l’impact des mesures budgétaires et monétaires (cf. FMI (2021), article IV : Colombie).

[34] Selon des calculs de l’IFI, une augmentation de 10 % des cours des matières premières augmente les recettes budgétaires à hauteur de ~0,25 % du PIB. IFI (2021), The Fiscal Challenge, Latam view (août 2021).

[35] Banque mondiale (2021). “Recovering growth: Rebuilding Dynamic Post-COVID-19 Economies Amidst Fiscal Constraints”. Rapport semestriel d’octobre 2021 de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes.

[36] À partir du milieu du mois d’avril 2020 et pendant 4 mois, les fonctionnaires ont contribué au financement des mesures Covid-19 à hauteur de 10 % de leur salaire mensuel pour ceux gagnant entre COP 10 et 15 millions (entre USD 2?500 et 3?700) et 15 % pour ceux gagnant plus de COP 15 millions. Les fonctionnaires gagnant moins de COP 10 millions ont été invités à effectuer des contributions volontaires.

[37] Kose, M. A., Ohnsorge, F. et Sugawara, N. (2021), A mountain of debt: Navigating the legacy of the pandemic. Document de recherche n° WPS 9800, Covid-19 (Coronavirus) Washington, D.C. : Groupe de la Banque mondiale

[38] Selon les données de juillet 2021 de la base de données du Fiscal Monitor du FMI sur les mesures budgétaires prises par les pays en réaction à la pandémie de Covid-19.

[39]CNUCED (2011).

[40]Salazar, N. (2013), « La Constitution de 1991 a accordé non seulement d’importants droits fondamentaux mais aussi des garanties économiques et sociales dans le cadre de son état de droit social, ainsi que la création de mécanismes pour garantir et protéger ces droits. Ces garanties se sont traduites par un élargissement du secteur public et une croissance significative des dépenses publiques […] L’augmentation des dépenses liées à la Constitution s’est accompagnée d’autres pressions sur les dépenses, en particulier celles liées au déséquilibre financier du système de retraite et à l’augmentation des demandes de ressources émanant du secteur de la défense ».

[41]CEPAL (2021), Panorama Social da América Latina 2020.

[42] Quelque 5 millions d’emplois ont été temporairement affectés par le choc, la plupart dans le secteur informel, et le chômage a approché 20 % au plus fort de la pandémie. Comme dans beaucoup d’autres pays LA5 (Brésil, Mexique, Pérou, Argentine), les femmes, les jeunes et les ouvriers peu qualifiés ont supporté l’essentiel de l’ajustement du marché du travail, mais la Colombie, par rapport aux autres pays LA5, a subi une hausse du chômage plus importante ramenée à la baisse d’activité économique. Voir Silva, Joana, Liliana D. Sousa, Truman G

Packard et Raymond Robertson (2021), Employment in Crisis. Groupe de la Banque mondiale, livre en accès libre. L’OCDE prévoit un retour aux niveaux d’emploi prépandémiques à partir de mi-2022 seulement. OCDE (2021), Perspectives économiques de la Colombie, décembre 2021.

[43]Les pertes de revenus et d’emplois se sont concentrées davantage sur les ménages pauvres, moins éduqués, souvent à leur compte ou dans le secteur informel, creusant encore davantage les inégalités. cf. FMI (2021), Colombia: selected issues. En outre, l’expansion des programmes de transfert a aidé, mais n’a pas entièrement compensé les pertes de revenu, car la majorité des personnes ayant perdu leur emploi du fait de la pandémie de Covid-19 n’étaient pas bénéficiaires d’un programme de transfert de l’administration.

[44] Vergne (2015).

[45] Sedik, T. S., Xu, R., & Stuart, A. (2020), A Vicious Cycle: How Pandemics Lead to Economic Despair and Social Unrest. Documents de travail du FMI, 2020 (216).

[46] UNODC (2021), The impact of COVID-19 on organized crime. Research brief. UNODC

Research.

[47]IFI (2021), The Inflation Challenge, Latam views.

[48]Le taux d'intérêt réel neutre (ou taux naturel) est le taux qui devrait prévaloir lorsqu'un l'économie est au plein emploi et l'inflation est stable (c'est-à-dire que l'économie opère à son niveau potentiel). Au taux naturel, la politique monétaire n'est ni expansionniste ni restrictive. Le taux naturel ne peut être observé, son niveau et sa tendance ne peuvent être qu'estimés. A noter que la BanRep utilisent plusieurs méthodes pour estimer le taux naturel avec des estimations variant de 1,1% à 2% avec une moyenne à 1,5% (cf. BanRep (2018), Rapport Inflation, septembre 2018). Le FMI estime également le taux réel neutre entre 1% et 2% (cf. FMI (2021), Colombia : article IV).

[49] Felipe Klein (2021), Colombia: External deficits strike again, Global Markets – EM Economics, Focus Latin America. En effet, du point de vue de l’identité épargne-investissement, le déficit du compte courant est égal au solde budgétaire + un écart épargne-investissement privé. Pour éviter les écarts du déficit du compte courant par rapport à son niveau d’équilibre (celui en lien avec les fondamentaux de l’économie), il faut que les décisions de politiques économiques puissent affecter l'offre et la demande d'épargne lesquelles sont in fine fonction du taux d'intérêt réel.

[50] Moreno J.F. and Rojas J.S (2015), Recent performance of the exchange rate in Colombia, Monetary policy report, BanRep.

[51] Vargas H. (2011), Monetary policy and the exchange rate in Colombia, Borradores de Economia, 655.

[52]Vergne (2015).

[53] Cf. Perspectives économiques mondiales de la Banque mondiale (juin 2020) pour un examen des canaux par lesquels la pandémie de Covid-19 a affecté la croissance potentielle dans le monde entier.

[54] FMI (2020), Colombia: selected issues. OECD (2019), Venezuelan migration shock in Colombia and its fiscal implications. Note de politique de l’OCDE.

[55] On peut estimer la production potentielle (tendancielle) de diverses façons. Pour une revue des méthodologies sur le sujet voir i) Leonardo Bonilla Mejía, José David Pulido (2020). New Estimates for Colombia’s Potential (Trend) GDP and Output Gap. Encadré 1 Rapport de politique monétaire de la BanRep (janvier 2020) et FMI (2021), Colombia selected issues.

[56]La projection initiale de déficit budgétaire pour 2022 était de 2.5 % du PIB. Elle se situe aujourd’hui à 7 % du PIB. Selon les calculs de l’IFI, dans l’hypothèse où une réforme de la fiscalité permettrait une économie budgétaire de 1 % en 2022, pour parvenir à un déficit budgétaire de 2,5 % du PIB (cible initiale du cadre budgétaire à moyen terme pour 2022), il faudrait réduire les dépenses primaires de près de 6 %, ce qui paraît extrêmement ambitieux compte tenu des pressions à la hausse concernant les dépenses sociales. IFI (2021), Fiscal risk in Colombia, Economic views.

[56]Au vu i/ de la décision de l’administration de retarder son ajustement budgétaire, ii/ de l’impact prolongé des variants de Covid-19 sur les comptes publics, iii/ des difficultés historiques à accroitre les recettes, iv/ des risques baissiers portant sur les recettes pétrolières, v/ des biais optimistes de l’administration concernant les hypothèse de croissance du PIB et les gains d’efficacité, vi/ de la hausse des pressions post-Covid pour accroitre les dépenses sociales et de santé, à la marge desquels on retrouve d’autres pressions budgétaires (migration, paix, etc.).

[57]La réforme fiscale de 2021 a introduit des amendements à la règle budgétaire (cf appendice 1). Par ailleurs, dans son article IV de 2021, le FMI émet un certain nombre de recommandations pour procéder au renforcement de la règle budgétaire.

[58] Mauricio Cardenas, Luca Antonio Rocco, Jorge Roldos et Alejandro Werner (2021), Fiscal Policy Challenges for Latin America During the Next Stages of the Pandemic: The Need for a Fiscal Pact, document de travail du FMI WP/21//77, mars 2021.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE