Avec la levée progressive des restrictions liées au confinement, l’activité économique a donné des signes de rebond. Le plan de relance du gouvernement pourrait donner un nouveau coup de fouet à la croissance et contribuer à réduire les émissions de dioxyde de carbone. La perspective d’un programme de relance de l’Union européenne est une bonne nouvelle pour le secteur manufacturier allemand orienté vers les exportations. Cependant, en l’absence de vaccin ou de traitements plus efficaces contre la Covid-19, la reprise sera probablement semée d’embûches. Le PIB ne devrait pas retrouver ses niveaux de pré-pandémie avant 2022.
Amélioration du moral grâce à la levée des restrictions
Le climat économique s’est nettement détérioré au cours des trois derniers mois en raison des mesures de confinement adoptées pour endiguer la pandémie de Covid-19. Il existe, néanmoins, de profondes différences d’un secteur à l’autre. En mai, la production dans l’industrie manufacturière a reculé de 23,7 % par rapport à l’année dernière. Le bâtiment, en revanche, a été l’une des activités les moins touchées et la production a même été légèrement supérieure au niveau de mai 2019. Dans le secteur du commerce de détail, les magasins de vêtements ont été particulièrement affectés, avec une chute du chiffre d’affaires de 21,3 % en mai par rapport à l’année dernière après plus de -70% au mois précèdent. Quelques grands gagnants se détachent néanmoins dans ce secteur. Les bars et les restaurants étant fermés, les magasins d’alimentation ont enregistré une augmentation des ventes de plus de 10 % en mai et les ventes en ligne ont progressé de plus de 30 % par rapport à l’année dernière.
Le creux est probablement derrière nous. Suite au ralentissement des nouveaux cas de coronavirus, les Länder allemands ont, chacun à son rythme, progressivement levé les restrictions liées au confinement, depuis la fin avril. La réouverture progressive des entreprises a certainement contribué à l’amélioration du sentiment économique. La confiance des ménages, qui a augmenté en mai et en juin, devrait, d’après les prévisions, poursuivre son redressement en juillet. De plus, l’indice Ifo sur le climat des affaires a progressé en juin pour le deuxième mois consécutif, porté par le rebond des anticipations (graphique 2). Cependant, l’évaluation des conditions actuelles a poursuivi son repli dans le secteur manufacturier.
Préparer le monde post-pandémie
Avec l’entrée du pays en confinement, en mars, le gouvernement fédéral a lancé un important plan d’urgence d’un montant de EUR 750 mds, en grande partie centré sur la protection de l’emploi et du revenu. Elément central de ce plan, le dispositif de chômage partiel (Kurzarbeit) aux termes duquel l’Agence fédérale pour l’emploi verse 60 % à 67 % des salaires des travailleurs dont le temps de travail a été réduit. Ce dispositif s’est révélé très efficace pour protéger les emplois lors de la grande récession de 2008-2009. Le plan d’urgence prévoit également des mesures de soutien à la liquidité et des garanties de prêt pour les entreprises.
À cela s’ajoute un programme de relance, dévoilé par le gouvernement début juin, d’un montant de EUR 130 mds. Selon les estimations de la Bundesbank, ce programme devrait faire progresser la croissance d’un point de pourcentage en 2020 et de 0,5 pp en 2021. Le programme vise, en premier lieu, à encourager les dépenses des ménages. La mesure phare de ce plan est la baisse temporaire de la TVA, de 19 % à 16 % pour le taux standard et de 7 % à 5 % pour le taux réduit entre le 1er juillet et le 31 décembre. Le programme comprend également un versement unique de EUR 300 par enfant et une réduction de la facture d’électricité grâce à la baisse de la taxe pour les énergies renouvelables.
Ce train de mesures prévoit, en outre, d’importants transferts en faveur des entreprises grâce à un programme de soutien du crédit, d’un montant de EUR 25 mds, destiné aux petites entreprises ayant enregistré une chute de leur chiffre d’affaires de plus de 60 % entre juin et août. Les entreprises du secteur de l’hôtellerie-restauration devraient notamment bénéficier de ces aides. Par ailleurs, le plafond du report de perte fiscale sera temporairement relevé de EUR 1 million à EUR 5 millions, au titre des pertes en 2020 et 2021.
Le gouvernement entend, par ailleurs, faire de cet ensemble de mesures un instrument de politique environnementale. Un montant de EUR 50 mds a ainsi été affecté au financement de la recherche concernant des technologies prometteuses comme l’hydrogène. Il souhaite, en outre, encourager l’utilisation des véhicules électriques en augmentant le nombre de bornes de recharge. De plus, les acquéreurs d’un véhicule tout électrique, dont le prix affiché est au maximum de EUR 40 000, bénéficieront d’un bonus écologique de EUR 9 000, dont EUR 6 000 versés par l’État et EUR 3 000 par les constructeurs automobiles. Le gouvernement a toutefois refusé d’étendre ce bonus aux voitures thermiques.
Les autorités sont, néanmoins, parfaitement conscientes que l’industrie manufacturière allemande, qui est orientée vers les exportations, ne pourra se redresser tant que la reprise se fera attendre dans les pays voisins. Aussi la chancelière Angela Merkel s’est-elle montrée très favorable au plan de relance de la Commission européenne d’un montant de EUR 750 mds. L’exercice, par l’Allemagne, de la présidence tournante du Conseil européen au second semestre 2020 est, à cet égard, une bonne nouvelle.
Une reprise semée d’embûches
Quels que soient les signes évidents de rebond, la reprise va probablement rester lente et difficile, au moins tant qu’un vaccin ou de meilleurs traitements contre la Covid-19 n’auront pas été trouvés. En attendant, d’importantes restrictions seront maintenues, qui continueront à peser directement sur les gains de productivité. Comme la peur du virus va probablement freiner les investissements industriels et les dépenses de recherche et développement, la croissance potentielle s’en trouvera probablement pénalisée.
Du côté de la demande, le rebond actuel des dépenses de consommation pourrait rapidement tourner court, les consommateurs restant sur leurs gardes face au virus. De plus, la détérioration des perspectives d’emploi va probablement conduire à une augmentation de l’épargne de précaution. Le taux d’épargne pourrait se maintenir à un niveau relativement élevé.
Les conditions se sont considérablement dégradées sur le marché du travail. En mai, l’emploi s’est replié de 1 % par rapport à l’année dernière et le taux de chômage est passé à 4,4 %, contre 3 % en mai 2019. De plus, le nombre d’heures travaillées a fortement baissé en raison du recours massif au dispositif de chômage partiel. À la fin mai, les demandes déposées en vue de bénéficier de ce dispositif concernaient plus d’un tiers de l’ensemble des salariés (cf. graphique 3). Une partie pourrait se retrouver entièrement au chômage. Néanmoins, le taux de chômage ne devrait atteindre son point culminant que l’année prochaine.
La rémunération par salarié est appelée à diminuer en 2020 en raison de la forte baisse des heures travaillées. Cependant, cette diminution est largement compensée par la hausse des indemnités de chômage partiel. Les rémunérations salariales pourraient de nouveau augmenter en 2021, avec la réduction du chômage partiel. Cependant, la croissance salariale va probablement rester modérée car le nombre grandissant de chômeurs limitera le pouvoir de négociation des syndicats.
Les marges bénéficiaires resteront probablement comprimées en 2020 : devant la morosité de la demande, les entreprises ont en effet du mal à répercuter les coûts liés au Covid-19 sur les prix de vente. L’inflation va fortement reculer en 2020, en raison de la baisse des prix de l’énergie et de la TVA. Elle pourrait augmenter de nouveau en 2021, avec le retour des prix de l’énergie et de la TVA à leurs niveaux antérieurs.
Après avoir dégagé un excédent égal à 1,4 % du PIB en 2019, l’Allemagne accusera un important déficit en 2020, de l’ordre de 6 % du PIB, dû au plan d’urgence. Les recettes fiscales seront, par ailleurs, décevantes et les dépenses de protection sociale vont augmenter. Cependant, avec le redressement graduel de l’économie, le déficit devrait être limité à 3 % du PIB en 2021. Le ratio de dette sur PIB, qui avait été progressivement ramené à 60 % au cours des années précédentes, pourrait atteindre 80 % vers la fin de 2021.
Les risques entourant notre scénario sont équilibrés. Parmi ceux à la hausse figure la découverte possible d’un traitement efficace et/ou d’un vaccin, ce qui aurait pour effet de stimuler la demande finale. S’agissant des risques à la baisse, une deuxième vague de contagion pourrait de nouveau plonger l’économie dans la récession. Cependant, un nouveau confinement généralisé est peu probable. Les tensions géopolitiques pourraient, en outre, s’intensifier, en particulier, à l’approche de l’élection présidentielle aux États-Unis et de la finalisation du Brexit. Les répercussions pourraient être très dommageables sur l’important secteur manufacturier allemand.