L’épidémie de Covid-19 qui a frappé l’Italie avant les autres pays de l’Union européenne, a eu des effets très dommageables sur l’économie. Au premier trimestre 2020, le PIB réel a chuté de 5,3 %. La contraction a touché des pans entiers de l’économie, en particulier, l’industrie manufacturière, les services et la construction. En outre, la contribution de la demande intérieure a été négative (-5,5 %). Les ménages italiens ont redoublé de prudence, réduisant les dépenses au-delà de la baisse du revenu : la propension à épargner a grimpé à 12,5 %. De plus, la pandémie a durement frappé le marché du travail : les catégories défavorisées, comme les travailleurs peu qualifiés, ceux aux contrats précaires et les jeunes ont été les plus durement affectés par le confinement.
Une contraction de grande ampleur
L’Italie a été le premier pays européen touché par l’épidémie de Covid-19. Le gouvernement italien a rapidement réagi, en donnant la priorité à l’aide aux ménages et aux entreprises avec l’adoption d’un programme complet, qui a entraîné un gonflement du déficit public 2020 de EUR 75 mds. Les mesures prises pour contenir la propagation du virus ainsi que l’aggravation de la situation au niveau mondial ont eu un important impact sur l’économie, qui, au début de 2020, ne s’était pas encore totalement remise des deux précédentes récessions. Au T1, le PIB réel a reculé de 5,3 % en termes réels, se repliant à 10 % en dessous du niveau de 2008.
La contraction économique a été générale. En raison du confinement de l’ensemble de la population, la valeur ajoutée des services a diminué de près de 4,5 %. Le secteur du tourisme, qui représente plus de 5 % de la valeur ajoutée totale, a également pâti de la baisse notable des dépenses des voyageurs étrangers, qui ont chuté d’environ 40 % (t/t) en termes réels, expliquant la contraction de 1 % du PIB global. Le chiffre d’affaires des hôtels et restaurants s’est effondré de près de 25 % en glissement annuel.
La fermeture de secteurs productifs, représentant près de 30 % de la valeur ajoutée nationale, ainsi que le ralentissement significatif du commerce mondial, ont eu un impact sévère sur l’industrie italienne, qui avait déjà reculé de plus de 1,5 % au cours des dix-huit mois précédents. Au T1 2020, la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a chuté de plus de 9 %. La production de moyens de transport, d’articles textiles, de vêtements et de chaussures s’est repliée de près de 20 %, tandis que le secteur pharmaceutique a été le seul à enregistrer une légère hausse de l’activité par rapport au dernier trimestre 2019.
Au T1, la valeur ajoutée du secteur de la construction s’est inscrite en retrait de près de 6 %. Entre 2015 et 2019, ce secteur a connu une reprise tout juste modérée, après la forte contraction enregistrée au cours des deux dernières récessions, si bien que la valeur ajoutée se situe aujourd’hui à 40 % en dessous du niveau de 2008.
D’après les indicateurs disponibles, le repli devrait être encore plus prononcé au T2, même si le ralentissement de la contagion a permis la réouverture des activités économiques au début du mois de mai. En avril, la production manufacturière a baissé de plus de 20 % (m/m). A la mi-mai, la consommation de gaz à des fins industrielles était en repli de près de 15 % et la consommation d’électricité, de 6 % par rapport à l’année dernière. Quant à la confiance des ménages et des chefs d’entreprises, elle ne s’est redressée qu’en partie en juin par rapport à la chute impressionnante enregistrée en mai, se maintenant à un niveau bas au vu des données historiques. Des mesures complémentaires sont à l’étude pour soutenir la reprise, qui devrait être modérée au second semestre de cette année.
Chute de la consommation et de l’investissement
Au T1, la contribution de la demande intérieure hors stocks à la croissance trimestrielle du PIB a été négative de 5,5 %. La consommation privée a reculé de 6,6 %. Les ménages italiens sont devenus extrêmement prudents. Au T1, le revenu disponible brut a chuté de près de EUR 5 mds, soit moins que prévu étant donné que la fermeture de secteurs économiques a concerné environ 35 % des emplois, tandis que la consommation a baissé de plus de EUR 17 mds. Les ménages italiens ont, en partie, bénéficié des mesures approuvées par le gouvernement en vue de soutenir leur revenu (extension des indemnités de chômage, allocations versées aux travailleurs les plus impactés, report des échéances fiscales et sociales, entre autres). Au T1, la propension à épargner des ménages italiens est passée de 7,9 % à 12,5 %, soit le chiffre le plus élevé de ces quinze dernières années.
La contribution négative de la demande intérieure tient également à la baisse des investissements (-8,1 %), les dépenses en machines-outils et en équipements reculant de 12,4 % et celles en moyens de transport, de 21,5 %. Entre janvier et mars, les entreprises italiennes ont réduit leurs investissements d’environ EUR 4 mds, malgré l’octroi d’une garantie de l’Etat jusqu’à concurrence de EUR 500 mds pour faciliter l’accès au crédit bancaire. La valeur ajoutée des entreprises a reculé de près de EUR 15 mds, sous l’effet de la contraction des exportations, plus importante que celle des importations (-8 % et -6,2 %), avec une contribution négative de 0,8 % des exportations nettes à la baisse du PIB.
L’impact du Covid-19 sur l’emploi
Le marché du travail a été particulièrement frappé par la pandémie. Selon certaines estimations de l’OIT, le nombre d’heures de travail perdues au niveau mondial, au T2 2020, suite au confinement ou à la réduction des activités économiques, représente 365 millions d’équivalents temps plein. La particularité de la crise actuelle par rapport aux précédentes ne réside pas tant dans son impact absolu que dans le fait qu’elle a principalement affecté nombre de catégories déjà fragiles, comme les travailleurs faiblement qualifiés, ceux ayant des contrats précaires et les jeunes. Cela aura des effets importants de moyen à long terme au plan mondial et devrait entraîner une sérieuse diminution des revenus futurs des ménages, avec des conséquences notables, également, sur les inégalités et la cohésion sociale.
Les auteurs d’une étude récente, menée dans les pays de l’UE, ont analysé les effets sur l’emploi des mesures de lutte contre la contagion, impliquant, dans leur grande majorité, la fermeture des activités jugées non essentielles et l’imposition de sévères restrictions sur les autres. Les activités le permettant pouvaient être poursuivies en télétravail.
En Italie, dans la phase aiguë de la contagion, les salariés des secteurs mis à l’arrêt, sans possibilité de recourir au télétravail, représentaient 11,5 % du total (contre 10 % en moyenne dans l’UE, 14,5 % en Espagne, 9,5 % en France et 8,3 % en Allemagne). Les jeunes travailleurs ont été particulièrement touchés par cette mesure : dans l’UE, plus d’un quart des personnes employées dans les secteurs mis à l’arrêt (28 %) sont, en moyenne, âgées de 15 à 29 ans ; en revanche, les moins de 29 ans sont moins nombreux dans les activités essentielles (environ 16 %) et dans celles ayant mis en place le télétravail (environ 15 %). En Italie, où le pourcentage de jeunes ayant un emploi est inférieur à la moyenne de l’UE (12 % contre 18,2 %), seulement 6 personnes sur 100 employées dans ces dernières activités ont moins de 29 ans, tandis que dans les activités essentielles ce niveau est de 10 %. Par ailleurs, dans les activités concernées par les mesures de mise à l’arrêt, les moins de 29 ans représentaient 23,4 % de l’emploi total. Ces chiffres sont de la plus haute importance car les secteurs fermés durant le confinement ne seront pas en mesure de retrouver les niveaux d’activité d’avant crise tant qu’il n’y aura pas un assouplissement significatif des mesures de distanciation sociale et une reprise notable des flux touristiques, ce qui, en l’absence de vaccins, pourrait prendre un certain temps. Par conséquent, tant que le virus circulera, la situation des jeunes sur le marché du travail sera assez difficile, en particulier, dans les pays où, à la veille de l’épidémie, les niveaux d’emploi les concernant n’avaient pas encore renoué avec ceux d’avant la récession de 2008-2009 (Italie, Grèce et Espagne).
C’est dans les secteurs fermés pendant le confinement que se concentrent les catégories de travailleurs les plus fragiles, comme les auto-entrepreneurs et les titulaires de contrats à durée déterminée. Dans l’UE, les auto-entrepreneurs représentaient, en moyenne, 22 % du total dans les secteurs concernés par le confinement, et à peine 11 % dans ceux qui ont continué à fonctionner en télétravail. En Italie, ce pourcentage atteint 31,3 %, l’un des plus élevés de la région. Il en va de même des contrats à durée déterminée qui, en Italie, concernent 33 % des emplois dans les secteurs jugés non essentiels pendant la phase la plus aiguë de l’épidémie. Ces secteurs emploient également 30 % des travailleurs peu qualifiés (ayant tout au plus obtenu un diplôme de fin d’études primaires). Par ailleurs, concernant les secteurs dans lesquels il était possible de poursuivre l’activité à distance, le pourcentage de salariés ayant au mieux achevé le cycle primaire, était inférieur à 8 %, et celui des titulaires d’un diplôme universitaire, de 47 %.
Une fois passée la phase d’urgence et malgré un contexte de difficulté extrême, les mesures d’aide au revenu devront s’accompagner de politiques visant à soutenir ces travailleurs ainsi que de plans d’investissement dans la formation et l’enseignement. Le rôle du télétravail devrait aussi être réévalué : il a, en effet, conféré un avantage compétitif aux pays qui ont pu, pendant le pic de l’épidémie, convertir, plus rapidement et plus efficacement que d’autres, des activités « en présentiel » en travail à distance. Avant l’épidémie, seuls 10 % des travailleurs de l’UE pouvaient fonctionner, de manière permanente ou temporaire, en télétravail, avec des chiffres inférieurs à la moyenne en Italie (4,3 %), les plus élevés étant enregistrés aux Pays-Bas (environ 25 %), en Finlande (21 %), en France et en Belgique (environ 15 %).