D’après nos prévisions, le PIB de la Belgique devrait baisser de 11,1 % cette année et rebondir de 5,9 % l’année prochaine. Le taux de chômage pourrait atteindre 9 %, son niveau le plus élevé en vingt-deux ans. Les différents gouvernements ont annoncé des mesures pour lutter contre l’impact du Covid-19, mais les pourparlers en vue de la formation d’un gouvernement fédéral sont toujours en cours, ce qui complique la donne. La dette publique devant atteindre 123 % du PIB à la fin de l’année, la marge de manœuvre est limitée, mais la nécessité d’engager des dépenses est une priorité, tout au moins pour le moment.
VERS UNE RÉCESSION DE 11,1% EN 2020
L’économie belge s’achemine vers une récession de 11,1 % en 2020. Après s’est déjà repliée de 6,5 % (t/t) au T1, la consommation privée devrait être sérieusement affectée au T2. Selon nos prévisions, elle ne dépassera le niveau du T4 2019 qu’au début de 2021. La formation brute de capital fixe a un peu moins diminué au cours des premiers mois de cette année, mais il faut s’attendre, selon nous, à une chute importante, les incertitudes à court et à long terme limitant la volonté d’investir des entreprises et leur aptitude à financer les projets d’extension prévus. Il faudra beaucoup plus de temps avant que les investissements retrouvent leur niveau du 4e trimestre de l’année dernière.
Il faut donc s’attendre, selon nous, à une restauration partielle de l’activité en 2021 avec un taux de croissance en glissement annuel de 5,9 %. Des mesures budgétaires ont déjà été mises en œuvre par les différents gouvernements, mais la dette publique déjà élevée et l’absence de coalition de gouvernement forte risquent de peser sur la réactivité et la flexibilité de la politique économique.
CHUTE DU CHIFFRE D’AFFAIRES TOTAL TOUS SECTEURS CONFONDUS
Les chiffres définitifs du PIB au titre des trois premiers mois de l’année font ressortir un repli (t/t) de 3,6 %. Le gouvernement belge ayant annoncé l’instauration d’un semi-confinement en deux temps, les 13 et 17 mars, ce chiffre reflète l’impact de deux semaines, environ, de mesures les plus strictes prises dans le pays.
Comme le montrent les enquêtes régulières réalisées par les diverses fédérations sectorielles et la Banque nationale de Belgique, l’activité économique a nettement marqué le pas dans les semaines qui ont suivi. Concernant le mois d’avril, le chiffre d’affaires total, tous secteurs marchands confondus, s’est inscrit à 33 % en deçà de ce à quoi on pouvait s’attendre en l’absence de pandémie de coronavirus.
Dans un premier temps, les secteurs du bâtiment et de l’immobilier, en particulier, ont eu du mal à continuer à fonctionner en raison des règles strictes de distanciation sociale. Le chiffre d’affaires des bars, des restaurants et de différents organisateurs d’événements s’est quasiment volatilisé, ces activités ayant été interdites pendant une bonne partie du confinement.
Le déconfinement graduel a permis à la plupart des secteurs de redémarrer leurs activités avec un chiffre d’affaires total en légère progression, mais toujours inférieur de 20 % aux prévisions du début de l’année. D’après les résultats des enquêtes, l’insuffisance de la demande explique en grande partie la baisse des recettes, et ce, malgré l’amélioration du moral des ménages en mai et en juin.
Avec l’augmentation du risque de faillites, les perspectives de long terme sont très incertaines. La situation est particulièrement précaire dans les secteurs mentionnés plus haut comme l’événementiel, les loisirs, l’hôtellerie-restauration, mais elle semble également instable dans le transport routier et la fabrication d’équipements de transport. La probabilité d’une nette hausse des faillites, cet automne, semble assez forte.
CHÔMAGE PARTIEL ET TÉLÉTRAVAIL
En avril, l’Office national de l’emploi (ONEM) a enregistré 1,2 million de demandes de chômage partiel : environ 30 % de l’ensemble des salariés ont demandé à bénéficier de ce dispositif. L’une des mesures clés adoptées par le gouvernement a été l’assouplissement des critères permettant d’accéder au chômage partiel et l’augmentation du taux d’indemnisation. La prolongation de la durée de ce dispositif jusqu’à la fin de 2020 dans certains secteurs est à l’étude.
D’après les dernières données de l’ONEM, 25 % de l’ensemble des salariés sont restés en chômage technique, ce qui indique une légère amélioration. Le plus inquiétant est que, selon une enquête régulière de la Banque nationale belge, 20 % des personnes actuellement en chômage partiel vont perdre leur emploi dès qu’ils ne seront plus éligibles à ce dispositif. Selon nos prévisions, le taux de chômage devrait grimper à 9 %, à la fin de cette année, contre 5,3 % en mars.
Le télétravail a atteint un point culminant début avril, avec près de 40 % de l’ensemble des salariés travaillant à temps plein depuis chez eux et seulement un quart présents à plein temps sur leur lieu de travail. Début juin, cette situation s’est, dans une large mesure, normalisée : la plupart des salariés travaillaient de nouveau à plein temps sur leur lieu de travail, tandis que le télétravail à plein temps ne concernait plus que 15 % d’entre eux. Sur la même période, on a observé une forte progression des configurations mêlant travail à distance et en présentiel, ce qui est désormais une réalité pour environ 15 % de l’ensemble des salariés.
DÉGRADATION DES FINANCES PUBLIQUES
Les perspectives des finances publiques vont considérablement se dégrader. En 2020, les recettes de l’administration centrale devraient chuter d’environ EUR 27 mds, suite à la contraction du PIB et, par conséquent, de la base imposable. Les dépenses primaires vont très probablement se maintenir au niveau de l’année dernière en termes nominaux. À cela s’ajoutent EUR 10 mds de dépenses supplémentaires annoncées en vue d’amortir le choc de l’épidémie de coronavirus.
La composition de la dette publique, assortie d’une maturité moyenne de dix ans, est légèrement favorable : l’Agence de la dette belge maintient qu’elle peut encore abaisser les taux d’intérêt de la dette, qui arrivera à maturité au cours des deux prochaines années. Cela permettra de compenser presque entièrement l’effet de l’accroissement de la dette totale, entraînant une charge financière stable à l’horizon de nos prévisions.
Dans l’ensemble, nous prévoyons un accroissement du déficit à 10,9 % du PIB en 2020, contre 1,9 % l’année dernière. Selon le Bureau du plan fédéral (BPF) ce déficit se maintiendra autour de 5 % jusqu’en 2025. La forte augmentation du besoin de financement fait grimper le ratio dette/PIB, d’un peu moins de 100 % l’année dernière, à 123 % pour la fin de cette année. Néanmoins, le BPF juge très improbable le risque d’un effet boule de neige lié aux charges d’intérêt.