À première vue, la Suède figure parmi les pays les mieux positionnés pour faire face à la crise économique mondiale déclenchée par la pandémie de Covid-19. Les mesures de restriction imposées par le gouvernement n’ont pas été aussi contraignantes que dans les autres pays développés (commerces et restaurants sont restés ouverts, par exemple). De plus, l’économie suédoise est peu exposée aux secteurs les plus affectés, et les autorités disposent de marges de manœuvre confortables. Cependant, le pays présente aussi des vulnérabilités qui rendent moins optimiste quant à sa capacité de rebond. Parmi elles, sa dépendance au commerce mondial et la situation des ménages.
Face à la crise sanitaire, le gouvernement suédois a imposé des mesures restrictives beaucoup plus souples que ses voisins européens. Cette stratégie vise à éliminer le virus en atteignant rapidement une « immunité collective »[1] – il n’est donc pas surprenant que la Suède présente un des taux d’infection les plus élevés au monde.
Des motifs de relatif optimisme…
S’il est trop tôt pour savoir si cette stratégie a été efficace, l’économie suédoise pourrait montrer une relative résistance. En effet, elle est peu exposée aux secteurs les plus affectés par la pandémie, comme le tourisme. Ensuite, la réponse fiscale et monétaire a été généralement appropriée. Le FMI estime que l’ensemble des mesures gouvernementales représentera au total entre SEK 544 mds et SEK 832 mds, soit entre 10,8% et 16,6% du PIB de l’an dernier. De plus, la faible dette publique du pays – seulement 35,1% du PIB en 2019 selon Eurostat – donne au gouvernement une large marge de manœuvre. De même, la banque centrale (Riksbank) a déployé un ensemble de programmes de soutien monétaire dont la capacité est encore loin d’être atteinte (cf. table 2). C’est le cas notamment de son programme d’assouplissement quantitatif (QE) qui a été augmenté au début du mois de juillet à SEK 500 mds et étendu jusqu’à juin 2021.
… mais aussi des raisons de rester prudent
Cela étant dit, la Suède fait aussi face à des défis importants. Dans le contexte actuel, sa forte participation aux chaînes de valeur mondiales[2] est préoccupante pour deux raisons. D’une part, nous assistions déjà depuis la crise financière mondiale à un ralentissement structurel des échanges[3]. D’autre part, la pandémie a donné un coup de frein supplémentaire au commerce – en avril déjà, l’Organisation mondiale du commerce estimait que les volumes d’échanges de marchandise au niveau global plongeraient entre 13% et 32% en 2020[4].
De plus, l’économie suédoise n’est pas entrée dans la crise dans la meilleure des positions. C’est particulièrement le cas pour les ménages. En effet, après une baisse graduelle mais constante depuis 2010, le taux de chômage en Suède avait commencé à repartir à la hausse en début d’année. La crise a accéléré cette tendance et le taux a atteint 9% en mai. Cela est d’autant plus préoccupant que les ménages suédois présentent un haut niveau de dette. À près de 190% en 2018 d’après l’OCDE[5], le ratio d’endettement des ménages suédois par rapport à leurs revenus net est l’un des plus hauts du monde – même s’il est généralement inférieur à ceux de leurs voisins des autres pays nordiques.