Du fait de la mise en place retardée de mesures de restriction, le Royaume-Uni a été durement affecté par la pandémie de Covid-19. En conséquence, le pays sort du confinement avec du retard par rapport à ses voisins européens, et son économie est particulièrement affaiblie. Le retour au niveau d’avant-crise sera donc long et difficile. De surcroît, le risque d’une crise prolongée est d’autant plus grand que deux menaces majeures assombrissent l’horizon. D’une part, une seconde vague de la pandémie pourrait mener à la réimposition de mesures de restriction. D’autre part, l’échec des négociations avec l’Union européenne sur un traité de libre-échange avant la fin de l’année fait craindre des difficultés économiques supplémentaires.
Parce que le gouvernement a tardé à mettre en place des mesures de restriction, la pandémie de Covid-19 s’est propagée rapidement au Royaume-Uni. Avec près de 45 000 décès, c’est le troisième pays au monde le plus affecté, et le premier en Europe. En conséquence, le confinement – finalement imposé le 23 mars – a été particulièrement long. Alors qu’ils accueillent de nouveau des clients depuis début mai en Allemagne et en France, les commerces dits non essentiels n’ont rouvert qu’à la mi-juin au Royaume-Uni, tandis que les bars et restaurants ont dû attendre jusqu’au début du mois de juillet. Néanmoins, si les mesures de confinement ont tardé, les autorités ont été plus promptes à annoncer des plans de soutien à l’économie.
L’État au secours de l’économie…
Pour faire face à la crise sanitaire liée au coronavirus, le gouvernement britannique a tout d’abord mobilisé une quinzaine de milliards de livres sterling pour le service public. Ensuite, au regard de la crise économique qui s’annonçait, des mesures de soutien pour les entreprises et les ménages ont été prises. Le Chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak, a promis non seulement GBP 330 mds de garanties de prêts pour les entreprises, mais aussi d’augmenter ce montant si cela s’avérait nécessaire. Jusqu’ici, les différents programmes créés ont fourni plus de GBP 40 mds de financements (cf. table 2). De plus, le chancelier a annoncé le 8 juillet un plan pour l’emploi de GBP 30 mds.
Du côté des ménages, le gouvernement a lancé des programmes de chômage partiel (CJRS) et de soutien aux autoentrepreneurs (SEISS), qui devraient mobiliser environ GBP 80 mds. Le CJRS a été prolongé jusqu’à octobre, même si la part du salaire prise en charge par le gouvernement, de même que le montant maximum d’indemnités, vont progressivement diminuer.
… avec le soutien de la Banque d’Angleterre
De son côté, la Banque d’Angleterre a agi sur tous les tableaux. Elle a baissé son taux directeur de 65 points de base, le portant à 0,10%, son plus bas niveau historique. La Banque a aussi significativement étendu son programme d’assouplissement quantitatif. Alors qu’avant la crise elle visait un stock de GBP 435 mds d’obligations – principalement souveraines –, sa cible a été relevée à GBP 745 mds.
À tout cela s’ajoutent des programmes de financement pour les banques et sociétés de crédit foncier (TFSME) et pour les entreprises (CCFF), ainsi qu’un programme d’apport de liquidités aux acteurs du marché (CTRF) (cf. table 3). Enfin, la Banque a passé des accords de swaps avec la Réserve fédérale américaine et étendu l’utilisation de la « Ways and Means facility », qui permet au gouvernement de se financer à court terme directement auprès de celle-ci.
Néanmoins, si ses programmes de refinancement des banques et des entreprises (TFSME et CCFF) dureront encore quelques mois, la Banque commence à retirer son soutien sur d’autres segments. Ainsi, son programme d’apport de liquidités (CTRF) a été arrêté le 26 juin et les opérations de provisions de liquidités en dollars ne se tiennent plus que trois fois par semaine depuis juillet, alors qu’elles étaient quotidiennes précédemment.
Une lente reconstruction en perspective
Résultat d’un confinement prolongé, l’économie du Royaume-Uni a beaucoup souffert, comme en attestent les chiffres de l’ONS, le Bureau de la statistique nationale. Après une baisse de près de 6% en mars, le PIB a chuté de plus de 20% en avril – le premier mois complet de confinement. C’est sa plus grosse baisse mensuelle depuis le début de la série en 1997 (cf. graphique 2). Il est vrai que les chiffres des prochains mois donneront sûrement des signes d’amélioration, du fait de la réouverture de l’économie et des différents programmes de soutien fiscal et monétaire.
Cependant, il faudra probablement beaucoup de temps à l’économie britannique pour revenir à son niveau d’avant la crise, et les difficultés économiques ne s’arrêteront pas avec le retour de la croissance. Les programmes de chômage partiel et d’aide aux autoentrepreneurs – qui bénéficient à plus de 12 millions de Britanniques – ont permis de stabiliser le taux de chômage à 3,9% entre février et avril. Néanmoins, cela s'explique aussi par une chute de la population active. De surcroît, plus de 600 000 salariés ont perdu leur emploi durant le confinement. Du fait de l’ampleur de la crise économique et de la fin prochaine des programmes gouvernementaux, une forte hausse du chômage semble inévitable. L’OBR, le Bureau pour la responsabilité du budget, prévoit une flambée du taux chômage à 10% au deuxième trimestre 2020[1].
Deux risques majeurs à l’horizon
L’ampleur du rebond est d’autant plus incertaine que deux menaces planent sur l’économie britannique. La première est le risque d’une réimposition de mesures de restriction dans le scénario d’une seconde vague du virus – un scénario dont les plus éminents ordres professionnels de santé ont rappelé la possibilité récemment[2]. Selon l’OCDE[3], cela entraînerait une chute du PIB de l’ordre de 14% en 2020 – contre 11,5% en l’absence de seconde vague.
La seconde menace est le risque de l’échec des négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sur un traité de libre-échange. Ce risque est d’autant plus grand que le Royaume-Uni a officiellement rejeté la possibilité de prolonger la période de transition actuelle après la fin de l’année (cf. encadré 5).