Eco Emerging

Premiers signes de reprise

14/07/2019
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L’économie non pétrolière est en phase de ralentissement depuis environ 3 ans. Le PIB hors pétrole a crû en moyenne de 1,2% par an depuis 2016, contre 5,7% durant la période 2011-2015. Cela est notamment dû à la dégradation des finances publiques, qui a fortement contraint les dépenses publiques depuis 2015. De plus, la réforme à marche forcée du marché du travail a pesé sur l’activité économique. En 2018, la croissance du PIB réel a atteint 2,2%, grâce essentiellement à celle du PIB pétrolier de 2,8%.

Le PIB pétrolier attendu en baisse

En tant que principal membre du cartel, la production pétrolière saoudienne est étroitement liée aux décisions de l’OPEP en matière de production. La hausse continue de la production de pétrole américaine depuis 2016 (les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial depuis 2018) nécessite de maintenir une politique de quota restrictive de la part des pays de l’OPEP+ (OPEP + Russie) afin de soutenir les prix. L’accord de juillet 2019 a renouvelé les baisses de production décidées en décembre dernier. Cet accord courant jusqu’en mars 2020, la production saoudienne devrait rester stable cette année à environ 10 millions de barils par jour (mb/j), contre 10,3 mb/j en 2018. Par conséquent le PIB pétrolier (environ 40% du total) devrait baisser d’environ 1,7% en 2019.

Un ralentissement économique prononcé

Prévisions
Croissance économique en berne

L’économie non pétrolière tourne au ralenti depuis 2016. Ce fort ralentissement est dû à la quasi-stagnation du PIB du secteur public non pétrolier et surtout au renforcement des réformes du marché du travail. Les dépenses publiques sont un moteur traditionnel de la demande interne du royaume. En raison d’une conjoncture pétrolière défavorable, elles ont été réduites en 2016 et 2017 pour atteindre 36% du PIB contre 41% en 2015. Le processus de « saoudisation » du marché du travail (le remplacement des travailleurs expatriés par des nationaux dans le secteur privé non pétrolier) est passé à une vitesse supérieure depuis deux ans. La présence d’expatriés est fortement réduite, voire interdite, dans un certain nombre de secteurs du commerce de détail (par exemple les bijouteries ou les magasins de téléphonie) qui étaient traditionnellement tenus par des non nationaux. En parallèle, des taxes importantes ont été appliquées aux expatriés et à leurs familles. Cela a provoqué le départ de nombreux expatriés et la consolidation de certains secteurs de l’économie.

Depuis début 2017, 1,8 million d’expatriés ont quitté le marché du travail, entraînant une baisse de la population totale du pays d’environ 5% en deux ans. En parallèle, l’emploi des nationaux saoudiens n’évolue que très lentement. Le nombre total de Saoudiens occupant un emploi augmente faiblement depuis fin 2018 grâce à un rythme de créations d’emplois dans le secteur privé supérieur à celui de la baisse de l’emploi public. Ces évolutions ont évidemment des conséquences négatives sur la demande privée interne qui n’a progressé que de 2% en moyenne entre 2016 et 2018, contre 5,9% en moyenne entre 2011 et 2015.

Quelques signes de reprise de l’activité en 2019

Il semble que cette dynamique négative commence à s’inverser depuis le début de l’année. La croissance du PIB réel n’a été que de 1,7% en T1 2019 (contre 3,6% en T4 2018) en raison de la faible progression des exportations (+5,1%) qui contribue pour plus de 45% au PIB total. Cependant, le redressement de la consommation privée (environ 35% du PIB total) semble assez net. Celle-ci a progressé de 4,8% contre 1,8% au cours de l’année 2018. Elle bénéficiera des augmentations salariales dans le secteur public, qui emploie environ 45% des actifs saoudiens ayant un emploi. Par ailleurs, le crédit au ménage ne progresse que faiblement (+1,8% en g.a. en mars 2019).

Du côté du marché du travail, selon les dernières données du T1 2019, le nombre de Saoudiens employés est en augmentation depuis T3 2018 (+2000), notamment grâce au dynamisme de l’emploi féminin, tandis que le nombre d’employés expatriés est lui aussi reparti à la hausse depuis T4 2018 (+224 000 personnes). Concernant les dépenses publiques, le gouvernement s’est clairement engagé dans une politique de relance de l’activité avec un plan de soutien au secteur privé équivalant à 7% du PIB réparti sur 4 ans. Les données du premier trimestre montrent une hausse de 8% des salaires du secteur public et de 12% des investissements. Ce soutien devrait se poursuivre durant l’année avec un budget prévisionnel total en hausse nominale de 9%. En termes réels, le soutien budgétaire est encore plus significatif étant donné notre prévision d’inflation négative en 2019 (-1,7% en moyenne). D’un point de vue sectoriel, certains indicateurs avancés (production de ciment, retraits en liquide et ouverture de lettres de crédit) signalent la poursuite de la progression du PIB non pétrolier au cours du T2 2019.

Au total, nous prévoyons que la croissance du PIB non pétrolier atteindra au moins 3% en 2019 (contre +2,1% en 2018). Cela devrait permettre au PIB total de croître de 1,1% en 2019 avant d’accélérer de 2,9% en 2020.

Le coût du logement tire l’inflation à la baisse

Le coût du logement tire les prix à la baisse

Reflétant la faiblesse de l’activité économique, l’évolution des prix est négative en g.a. depuis le début de l’année (-1,5% en mai 2019). En 2018, la hausse des prix de 2,5% en moyenne (contre -0,8% en 2017) était principalement due à l’introduction de la TVA et à la baisse des subventions sur les carburants réalisée au début de l’année 2018. Pour 2019, nous prévoyons une évolution négative de l’indice des prix (-1,7% en moyenne), principalement en raison de la baisse continue des prix dans l’immobilier. La composante « logement, eau et énergie » contribue pour 25% au panier de l’indice des prix à la consommation. La sous-composante « loyer » est en baisse de 6,8% en moyenne sur un an en mai 2019. Cependant, on ne peut parler à ce stade d’une situation déflationniste. Selon notre estimation, l’inflation sous-jacente (hors logement et alimentation) atteint +1,8% en moyenne en mai dernier.

Etant donné les meilleures perspectives de croissance en 2019 et l’arrêt des départs d’expatriés, les prix à la consommation devraient repartir à la hausse en 2020. Par ailleurs, le gouvernement devrait poursuivre sa politique visant à réduire la dépendance des finances publiques aux variations des prix du pétrole, au travers d’une hausse des recettes non pétrolières (TVA par exemple) et de la réduction des subventions aux carburants afin de se rapprocher des prix du marché. Cela devrait aussi contribuer au soutien des prix. Ainsi, l’inflation des prix à la consommation devrait atteindre en moyenne 1,8% en 2020.

Détérioration des finances publiques

Les déficits budgétaires sont récurrents et élevés depuis 2014 en raison de la hausse des dépenses publiques et d’un marché du pétrole moins favorable aux producteurs du Golfe. Etant donné, d’une part, les contraintes sur la production pétrolière et la stabilité attendue des prix et, d’autre part, la nécessité de soutenir l’activité économique, les déficits devraient rester élevés dans les prochaines années. Le prix du pétrole permettant un budget à l’équilibre dépasse actuellement les 85 dollars par baril (référence Brent), soit un niveau très supérieur au prix du marché (66 USD/b en moyenne au cours du S1 2019). Nous prévoyons que le déficit atteindra 8,1% du PIB en 2019 et 8,2% en 2020. Une progression moindre des dépenses et une hausse des revenus budgétaires non pétroliers (actuellement environ 30% des revenus totaux) devraient le réduire à 7,5% du PIB en 2021. Le gouvernement prévoit de revenir à l’équilibre budgétaire à partir de 2023. La hausse observée de la part des revenus non pétroliers dans le PIB est un élément positif qui va dans cette direction, cependant la vulnérabilité aux prix du pétrole restera élevée et la maîtrise des dépenses budgétaires reste décisive pour atteindre cet objectif.

Pour le moment, malgré l’accumulation des déficits, les finances publiques ne sont pas en danger. La dette du gouvernement est modérée (28% du PIB attendu en 2019) et compensée par des actifs importants du gouvernement (environ 75% du PIB en additionnant les actifs du gouvernement à ceux de la SAMA et une estimation des actifs du fond souverain). Par ailleurs, l’Arabie Saoudite est devenue un émetteur régulier sur le marché des Eurobonds. Pour le moment, étant donné l’appétit des investisseurs, elle bénéficie de conditions de financement très favorables.

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