Eco Perspectives

Cap inchangé, malgré la stagnation de l'activité

09/10/2019
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Une récession modérée

Croissance et inflation

Comme le suggèrent la faiblesse des données relatives au secteur manufacturier et les indicateurs conjoncturels, l’économie s’est contractée au T3 pour le deuxième trimestre d’affilée, entrant ainsi en récession technique. Mais, comme l’économie tourne pratiquement à plein régime, on peut considérer que les turbulences actuelles ne sont, pour le moment, qu’une normalisation de la situation économique.

Production manufacturière (%, g.a.)

Le ralentissement concerne surtout le secteur manufacturier, sur fond de Brexit et de fortes tensions commerciales. Les grandes entreprises du secteur manufacturier allemand semblent plus affectées que celles des autres pays. Cette situation s’explique en partie par la spécialisation de l’Allemagne dans les équipements de transport et les biens d’investissement et par son exposition relativement importante au marché chinois. De plus, plusieurs grandes entreprises cotées au DAX ont connu de sérieuses difficultés. L’écart en de termes cours/valeurs comptable entre le S&P500 et le DAX n’a jamais été aussi important depuis 18 ans. Dans le secteur non manufacturier, en revanche, les indicateurs d’activité, quoique en repli par rapport à 2018, se maintiennent à des niveaux relativement élevés.

Malgré cette récession modérée, les conditions sur le marché du travail restent extrêmement tendues et le nombre de postes à pourvoir se maintient à des niveaux record. En août, le taux de chômage est ressorti à 3,1 % à peine, le niveau le plus bas de la zone euro. Compte tenu des récentes difficultés de recrutement et de la rigueur de la législation allemande sur la protection de l’emploi, les employeurs pourraient préférer conserver leur main-d’œuvre en recourant à des dispositifs de chômage partiel. Le nombre d’employés relevant de ces dispositifs est, en effet, en augmentation.

Le gouvernement conserve sa munition budgétaire

Efficacité de la politique budgétaire

En septembre, Olaf Scholz, ministre des Finances, a rendu public le budget 2020. Celui-ci sera légèrement expansionniste, conformément à l’accord de coalition, mais il restera excédentaire selon le principe de l’équilibre budgétaire (Schwarze Null). La politique restera orientée vers l’augmentation du revenu disponible, en particulier pour les personnes et les foyers à faible et moyen revenu. Cette politique sera poursuivie en 2021 avec l’augmentation des allocations familiales et la suppression de la taxe de solidarité, une surcharge imposée pour aider à la reconstruction de l'Allemagne de l'Est, pour 90 % des contribuables. Les autorités entendent ramener la dette publique à près de 50 % du PIB d’ici à 2023.

En outre, toujours en septembre, le gouvernement a annoncé un ensemble complet de mesures visant à lutter contre le changement climatique et à réduire, à l’horizon 2030, les émissions de CO2 de 55 % par rapport au niveau de 1990. A partir de 2050, l’économie devrait atteindre la neutralité carbone. Sur la période 2020-2023, EUR 54 mds seront affectés à des incitations en faveur de comportements et d’investissements respectueux de l’environnement.

Ces mesures de soutien devraient être largement financées par l’extension du système d’échange de droits d’émission au secteur des transports et au chauffage au niveau national. Le plan climat vient compléter la suppression progressive du charbon d’ici à 2038, qui avait été annoncée précédemment. Le gouvernement a débloqué EUR 40 mds pour la restructuration des régions charbonnières sur les vingt prochaines années.

Compte tenu d’une situation budgétaire favorable et de coûts d’emprunts négatifs, le gouvernement allemand a été pressé par des institutions internationales, comme le FMI et la BCE, d’utiliser sa marge de manœuvre budgétaire pour soutenir l’activité économique. Récemment, la Fédération des industries allemandes BDI, a également plaidé dans ce sens. Pour le moment, ces appels n’ont pas été entendus. Le gouvernement allemand soutient, pour sa part, que l’économie reste proche de son potentiel. De plus, compte tenu des délais de mise en œuvre et des incertitudes liées à son impact, la relance budgétaire, au-delà de l'effet du jeu des stabilisateurs automatiques, pourrait ne pas être l’instrument le plus approprié pour un réglage fin de la conjoncture. Par ailleurs, les effets d’entraînement sur le reste de la zone euro sont plutôt limités (cf. encadré). Le ministre des Finances, Olaf Scholz, s’est, toutefois, dit prêt à délier les cordons de la bourse en cas de crise économique.

Stagnation prolongée et tensions politiques

La croissance du PIB devrait ralentir à 0,4 % en 2019 et à 0,2 % en 2020. La demande intérieure, portée en particulier par la générosité des accords salariaux, reste son principal moteur. Au T2 2019, les salaires négociés ont progressé de 3,8 % par rapport à l’année précédente. L’inflation devrait reculer de 1,4 % en 2019 à 1 % en 2020. Cependant, l’inflation sous-jacente va probablement augmenter dans les années à venir, sous l’effet des pressions salariales intérieures. Selon des estimations de la Bundesbank, la hausse des coûts salariaux pourrait se traduire par une augmentation des prix à la consommation de 0,3 % à moyen terme.

Les partis au pouvoir, CDU/CSU (conservateurs, chrétiens-démocrates) et SPD (socio-démocrates) ont enregistré de lourdes pertes lors des élections européennes et régionales, qui ont provoqué des tensions au sein de la coalition. De plus en plus de membres du SPD souhaitent que leur parti quitte le gouvernement. Lors de son congrès en décembre, le SPD devrait se doter d’un nouveau président – le ministre des Finances, Olaf Scholz figure parmi les candidats – et pourrait choisir une nouvelle orientation, de quoi aggraver les tensions au sein de la coalition.

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