Rebond de croissance en 2018
Après avoir enregistré un taux de croissance inférieur à 2% depuis 2014, la faiblesse du taux d’investissement et la baisse de confiance des investisseurs ayant exacerbé les effets de la chute du cours du cuivre, la croissance chilienne a rebondi en 2018, atteignant 4%. La croissance du PIB réel a été particulièrement soutenue au premier semestre, progressant de 4,8% en glissement annuel (g.a.). Les exportations de cuivre, l’investissement (5,0% en g.a., tiré par le secteur minier) et la consommation des ménages ont été les principaux moteurs de la croissance. La baisse des cours du cuivre et le ralentissement des exportations en dehors du secteur minier ont pesé sur l’activité au cours du deuxième semestre.
L’inflation est restée contenue en 2018 (2,4% en moyenne) et depuis le début de l’année (moins de 2% en moyenne au cours des trois premiers mois, selon le nouvel indice basé sur l’année 2018). Dans ce contexte, la banque centrale devrait poursuivre sa politique prudente de normalisation des taux (le taux directeur a été relevé de 25 pb en octobre 2018 et janvier 2019, pour atteindre 3%).
Les perspectives pour les deux années à venir sont plutôt favorables, même si la croissance du PIB ralentira légèrement en 2019 et 2020 pour se stabiliser autour de 3,5% (soit le taux de croissance tendanciel estimé par la banque centrale). La croissance sera soutenue par l’amélioration du marché du travail et la mise en place progressive de nombreux projets d’investissements (publics et privés), en supposant que ceux-ci se concrétisent dans les délais prévus. Les risques à la baisse restent importants : l’intensification de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine et un ralentissement plus prononcé qu’attendu de la croissance en Chine pourraient peser sur le prix du cuivre, et affecter la croissance. La diversification de l’économie peine en effet à se matérialiser et le secteur du cuivre représente encore près de 10% du PIB, 25% des recettes budgétaires et 50% du total des exportations.
Les réformes en question
La vigueur de la demande interne pourrait également pâtir d’une trop grande dilution des projets de réforme proposés par le gouvernement. Un an après son arrivée au pouvoir, le président Piñera (à la tête du parti de centre droit Chile Vamos, CV) rencontre en effet quelques difficultés. Au moment de son élection, le président avait annoncé que son mandat aurait pour priorité de stimuler l’investissement privé et la croissance, tout en consolidant les finances publiques.
Mais bien que Sebastian Piñera ait été élu avec une avance confortable sur son concurrent de la coalition de centre gauche, son parti ne dispose de la majorité dans aucune des deux chambres du Parlement, et les coalitions soutenant l’action du gouvernement s’avèrent difficiles à former.
Le gouvernement a déjà été contraint de faire quelques concessions en maintenant des mesures prises par le précédent gouvernement, notamment concernant la réforme de l’éducation. Le président a également dû renoncer à abaisser le taux d’imposition des sociétés, une de ses promesses de campagne.
Au mois d’août dernier, une vaste réforme fiscale a été présentée. Elle revient en grande partie sur les dispositions prises par Michelle Bachelet en 2014. Les trois principales mesures proposent de simplifier et unifier les régimes fiscaux existants, de moderniser l’administration fiscale (en généralisant la collecte électronique par exemple) et de stimuler l’investissement privé, en mettant en place un ensemble d’incitations pour les entreprises et en ciblant particulièrement les PME. Alors que le gouvernement a exprimé son souhait d’entériner la réforme le plus tôt possible, afin que les dispositions puissent être prises en compte dès le budget 2020, le texte est encore en discussion au Congrès.
En novembre, c’est une proposition de réforme du système de retraite qui a été présentée. Cette annonce était attendue, le sujet étant au centre du débat public depuis de nombreuses années. Schématiquement, le système de retraite chilien repose sur trois piliers principaux : le premier, créé en 1981, est un système de pension privé dont la valeur totale des fonds représente aujourd’hui près de 70% du PIB. En 2008, au cours du premier mandat de Michelle Bachelet, un deuxième pilier « solidaire » a été introduit, garantissant entre autres choses un montant minimum de retraite et des aides à destination des travailleurs les plus pauvres. Enfin, un troisième pilier autorise les travailleurs à compléter leurs cotisations obligatoires par des versements volontaires.
Le système de retraite soulève beaucoup de critiques : le vieillissement de la population, la faiblesse du taux de cotisation (équivalant à 10% du salaire des employés au Chili, contre plus de 18% en moyenne dans les pays de l’OCDE), l’importance des frais de gestion (diminuant significativement le montant des prestations), le bas niveau des salaires ont contribué à diminuer le montant des prestations perçues. En outre, le montant minimum des retraites et les aides destinées aux travailleurs les plus pauvres sont jugés insuffisants.
Dans les grandes lignes, les propositions présentées par le gouvernement reprennent les suggestions formulées par l’équipe de Michelle Bachelet au cours de son deuxième mandat en 2015, c’est-à-dire la nécessité d’augmenter à la fois les taux de cotisations individuels (la proposition de réforme prévoit que les employeurs augmentent les cotisations effectuées pour le compte de leurs employés, portant le montant total à 14% du salaire) et les fonds destinés au « pilier de solidarité ». Contrairement aux mesures proposées dans le cadre de la réforme fiscale, celles concernant la réforme des retraites vont plutôt dans le sens des partis d’opposition. Le projet est cependant toujours en discussion.
La consolidation budgétaire se poursuit, mais l’ampleur devrait diminuer dans les années à venir
En 2018, le déficit budgétaire a été réduit à 1,7% du PIB (après 2,8% en 2017), son plus bas niveau depuis 2014[1]. Cela dit, la réduction du déficit tient surtout à la hausse des revenus liés au secteur minier, et à la collecte d’une taxe exceptionnelle auprès du groupe minier chilien SQM. Comme le gouvernement s’y était engagé, les dépenses sont restées relativement stables en pourcentage du PIB. Le déficit devrait de nouveau augmenter en 2019-2020 (mais rester proche de 2% du PIB), le supplément de revenu issu de la taxe relative à la société SQM n’étant pas appelé à se renouveler.
A moyen terme, la consolidation devrait se poursuivre, même si les marges de manœuvre du gouvernement apparaissent limitées. D’après les autorités, la réforme fiscale devrait être neutre, et la réforme des retraites devrait induire une hausse progressive des dépenses publiques, pour atteindre 1,1% du PIB (2018) en 2030. De toutes les réformes envisagées par le gouvernement, celle-ci serait la plus coûteuse, mais le gouvernement envisage de financer cette augmentation des dépenses année après année.
D’après les estimations préliminaires publiées par le gouvernement, le déficit structurel (défini par la règle budgétaire de moyen terme) devrait progressivement se réduire, pour atteindre 1,2% du PIB en 2021. Cette réduction induirait une consolidation modérée, sans que le gouvernement ait indiqué si de nouvelles mesures fiscales seront proposées, ou si les paramètres d’estimation du déficit budgétaire (i.e. le taux de croissance potentielle et le prix du cuivre) seraient révisés pour atteindre l’objectif.