Sur une base annualisée, le PIB américain a augmenté de 2,9% au quatrième trimestre 2022 par rapport au troisième. Cette bonne augmentation ne fait que marquer un léger ralentissement trimestriel. Ce chiffre s’est également révélé supérieur à la prévision du consensus. Toutefois, une analyse détaillée montre qu’il y a matière à préoccupations. Environ la moitié de l'augmentation du PIB relève de la reconstitution des stocks. Cette hausse succède à deux trimestres de contribution négative. Les dépenses de consommation personnelle ont également contribué à environ la moitié de l‘augmentation du PIB, mais les investissements dans les structures ont eu un impact négligeable et, sous l’effet de taux hypothécaires élevés, les investissements résidentiels continuent de peser sur le PIB. En outre, au dernier trimestre 2022, le PIB n'a progressé que de 1,0% par rapport au même trimestre 2021. Malgré la résilience apparente au quatrième trimestre, les courants sous-jacents sont clairement négatifs, et les effets retardés des hausses de taux passées et des hausses de taux directeurs à venir devraient les renforcer. Sans la vigueur du marché du travail, les débats autour d’un risque de récession seraient encore plus intenses.
Les dernières données du PIB américain n’ont pu que plaire à ceux qui aiment voir le verre à moitié plein. Après tout, la croissance trimestrielle de 2,9% (chiffre annualisé et corrigé des variations saisonnières, cf. colonne f du tableau) reflète une saine progression du PIB, et ne marque qu'un léger ralentissement par rapport à la croissance du troisième trimestre de 3,2%. En outre, ce chiffre s’est révélé supérieur aux prévisions du consensus Bloomberg (qui tablait sur +2,6%). Jusqu'ici tout va bien.
Le camp du "verre à moitié vide" a la tâche plus facile pour argumenter en faveur de la prudence. Environ la moitié de l'augmentation du PIB relève de la reconstitution des stocks, avec une contribution de 1,46 point de pourcentage à la croissance (cf. colonne j).
Certes, cela intervient après une contribution négative au cours des deux trimestres précédents, ce qui rend difficile d’évaluer dans quelle mesure les données récentes traduisent un ralentissement inattendu de la demande qui conduirait à des stocks excédentaires.
Les dépenses de consommation personnelle ont également contribué à la moitié environ de l'augmentation du PIB. S’élevant à 1,42 point, elle est conforme à celle des deux trimestres précédents. L'essentiel de cette contribution provient des services. La contribution des dépenses en biens durables est redevenue positive après deux trimestres négatifs, mais reste très faible (0,04 point de pourcentage).
La contribution de l'investissement intérieur brut privé est également redevenue positive (0,27 point de pourcentage), soutenue par les investissements dans les produits de propriété intellectuelle. Les investissements dans les structures ont eu un impact négligeable sur le PIB -après une contribution négative au cours des trois premiers trimestres- et les investissements résidentiels continuent de souffrir de taux hypothécaires élevés et du coût des logements. La contribution négative de 1,29 point de pourcentage implique qu'à chaque trimestre 2022, les investissements résidentiels ont freiné la croissance. Pour l'année complète, ils ont diminué de 10,7 % par rapport à 2021 (colonne a). La contraction est encore plus spectaculaire si l’on compare le quatrième trimestre 2022 au même trimestre 2021: -19,3% (colonne b).
Le même exercice pour le PIB et certaines de ses composantes met en lumière le ralentissement de 2022: le PIB n'a progressé que de 1,0% (T4/T4), l'investissement intérieur brut a baissé de 4,6%, tandis que la croissance des exportations a été résiliente (+5,3% contre +7,2% pour l'ensemble de l'année 2022).
La croissance des importations a toutefois ralenti à +1,7% (+8,1% pour l'année), ce qui brosse un tableau sombre de la demande intérieure. Cela est illustré par les ventes finales réelles répondant à la demande intérieure privée, avec un taux de croissance d'une année sur l'autre qui a considérablement ralenti (graphique 1).
Malgré la résilience au quatrième trimestre, les courants sous-jacents sont nettement négatifs, et les effets retardés des hausses de taux passées et des hausses de taux directeurs à venir devraient les renforcer. Sans la vigueur du marché du travail, les débats autour d’un risque de récession seraient encore plus intenses.
William De Vijlder